deux novembre

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deux novembre

Dans les pays de tradition chrétienne, cette journée ne ressemble à aucune autre. Au Mexique, c’est le point culminant de trois jours de célébrations : El Dia des los Muertos est une fête en souvenir des morts. Dans une moindre mesure, cette journée de commémoration des fidèles disparus a aussi pour nous une couleur particulière. Nous nous souvenons de nos proches partis dans un autre univers. Même la nature nous invite à méditer sur le sens de la vie et de la mort.

La vitrine de mon bureau me permet d’avoir une toile renouvelée à chaque saison. De l’autre côté, je vois le grand érable mourir après ses jours de gloire. Une à une, l’une après l’autre, les feuilles tombent des branches. De cet arbre, ils ont tout reçu et ils peuvent s’envoler en paix.

Pour la plupart, cela semble aller de soi : le détachement se fait lentement, sans véritable rupture. Pour d’autres, elle est forcée, prématurée ou violente. Certains résistent en s’accrochant le plus longtemps possible. Et maintenant, un coup de vent a raison de la solidité juvénile ou de la persévérance tenace.

Les feuilles qui tombent de mon arbre rappellent la vie. Nous sommes de passage ici depuis quelques saisons. Il arrive un jour où il faut se détacher de cette terre pour prendre son envol vers d’autres cieux. Vers le Royaume ? Vers l’oubli ? Chacun a sa propre foi, solide ou vacillante, pour évoquer l’autre côté. S’il n’existe aucune preuve de la vie après la mort, il peut en revanche y avoir un si bel espoir.

Le départ

Il est difficile de s’habituer à laisser partir quelqu’un qu’on aime. Même si nous avons accompagné plusieurs proches dans la mort et vécu plusieurs départs, cela nous fait mal comme si c’était la première fois.

De plus, chaque départ est unique puisqu’il est vécu par une personne avec une histoire pas comme les autres. Et la mort survient dans diverses circonstances. Certains « s’éteignent comme une bougie », d’autres meurent incompris sans personne pour les accompagner ; certains disparaissent dans la violence de la guerre, d’autres repartent entourés d’une couronne de gloire.

Lorsqu’on accompagne un proche dans la mort, il y a des moments où on a envie de le retenir. Nous cherchons à le faire de différentes manières. Si l’on pouvait reporter ce moment où notre main reste nichée dans une main inerte.

N’y a-t-il pas quelque chose d’infiniment précieux à vouloir retenir quelqu’un ?

C’est lui dire « Ta présence est bonne, rassurante. Je me sens bien avec toi. Même si nos paroles encouragent l’autre à avancer vers la lumière, notre cœur lui dit de « rester tranquille ». Mais il arrive un moment où vouloir tenir à tout prix est plus égoïste. Dans de telles circonstances, c’est notre bonheur que nous souhaitons prolonger. Il arrive un moment où il faut accepter de lâcher prise.

Pour les croyants, ce départ leur permet de vivre la rencontre avec le Créateur. Il est la porte d’entrée vers « la vie, la Grande Vie, celle qui nous conduit, qui nous attire, à travers quelque chose de plus grand, qui nous aime vraiment ». (Angèle Arsenault).

Deuil

La mort offre à l’être aimé un moment de retrouvailles sur l’autre rive. C’est une journée merveilleuse. Ceux qui restent éprouvent la douleur de la séparation.

Aussi improbable que cela puisse paraître, les départs peuvent être nécessaires et prometteurs pour ceux qui restent. En l’absence de l’autre, nous pouvons découvrir de nouvelles potentialités en nous. Par son départ, l’autre laisse plus qu’un vide. Elle laisse aussi une vie. Une nouvelle forme de vie à apprivoiser.

La mort permet de retrouver l’être parti ailleurs que dans un corps terrestre. Chez d’autres qui incarnent sa mémoire. Au plus profond de nous-mêmes où Dieu habite. Dans notre propre vie lorsque nous cherchons à faire revivre ce que nous avons tant aimé chez un autre.

Les personnes que nous rencontrons sur notre chemin ne nous quittent jamais. A l’heure de la mort, le chemin de vie de nos défunts prend une tournure qui nous empêche de les voir, mais il reste toujours quelque chose d’eux dans notre vie : une parole de lumière, un geste apprécié, une attitude admirée.

Nous traversons cette terre. Nous passons également dans la vie des gens. Pour des années en famille mémorables. Pour quelques années d’amitié. Et puis, nous repartons, laissant une partie de nous-mêmes dans ces êtres qui ont illuminé notre voyage. On ne quitte jamais vraiment ceux qu’on aime. C’est mon espoir en ce jour de commémoration.

Cette semaine…

Imaginé toutes les personnes que je connaîtrai entre ma naissance et ma mort comme autant de feuilles sur un grand arbre qui me sert de support et sous lequel je me repose, à l’ombre. Chaque année, mon arbre perd ses feuilles et devient nu. Et si c’était une condition pour que le soleil m’atteigne ?

Marcher au Carrefour de la Mer afin de me réconcilier avec l’épreuve de la mort d’un ami. Il faisait beau. La mer était calme et les bateaux prêts à hiberner. J’ai été accueilli par un vers lumineux de Rimbaud qu’un artiste a inscrit sur sa toile : « L’éternité est la mer mêlée au soleil ».

Rappelé cette citation de Tchekhov résumait mon travail il y a quelques mois : « enterrer les morts et réparer les vivants ». Aujourd’hui, je trouve cela réducteur et sinistre. Je préfère parler d’un ministère d’accompagnement et de consolation vers une autre vie.

Rencontre les enfants du catéchisme pour leur raconter ce triduum de la vie qui a commencé jeudi soir. À Halloween, nous nous habillons pour être courageux et nous dresser face à la mort et à ses atrocités. Le jour de la Toussaint, nous célébrons en une seule fête cette immense foule de témoins qui ont accédé à la gloire. Aujourd’hui, nous commémorons les défunts dans l’espoir de la vie éternelle avec le Seigneur. Ce triduum de Pâques d’automne réenchante novembre.

 
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