C’est en 2004 que le visage du journaliste de la RTBF apparaît pour la première fois à la télévision. Elle a 27 ans, elle est là un peu par hasard, après plusieurs expériences sur le terrain. Elle y resta vingt ans. Avec son ton rassurant et sa manière prudente d’interroger les gens. Par Florence Hainaut. Photos : Laetizia Bazzoni.
Ce qui passionne Julie Morelle, c’est comprendre comment le monde évolue et partager l’information. « Je suis très attaché à la notion de service public et à la RTBF, je m’en rends compte. Cela fait vingt-cinq ans, c’est une résidence secondaire. » Nous pensions que Julie Morelle, qui cultive habilement la discrétion, refuserait de se plier à l’exercice GAEL Guest. Quand elle a dit oui, nous étions tous des choses parce que nous l’aimons beaucoup et nous voulions vraiment que vous ayez l’opportunité de l’aimer autant que nous.
Est-il possible de rester positif à l’égard du monde quand on a un travail comme le vôtre, quand on doit naviguer à travers des horreurs à longueur de journée ?
Julie Morelle : « Ce n’est pas facile, et j’avoue qu’en ce moment, la nouvelle me pèse énormément sur le moral. Cependant, je suis fondamentalement optimiste. Et je pense que la compréhension est la clé de tout. Pour avancer et ne pas me laisser déborder, je dois comprendre les choses. S’en éloigner pour me protéger aurait l’effet inverse. Comprendre pourquoi et comment un dirigeant autoritaire arrive au pouvoir est utile. Si on prend le temps de regarder les frustrations exprimées, si on analyse les mécanismes. Dès qu’on comprend, on s’éloigne de l’inaction. »
Y a-t-il une autre facette du métier que vous aimeriez explorer ?
Julie Morelle : « Les documentaires m’ont toujours attirée. Et la terre. Aujourd’hui, je commente beaucoup l’actualité, mais de loin. J’ai beaucoup d’admiration pour la manière dont Florence Aubenas, par exemple, plonge au cœur de réalités qui ne sont pas les siennes et pour la manière dont elle les rapporte. Les formats longs, n’ayant plus d’échéance immédiate, sont quelque chose que je souhaite explorer. »
Vous avez deux filles adolescentes. Comment vas-tu ? Est-ce que tout se passe bien dans le meilleur des mondes possibles ?
Julie Morelle : « Ha ha ha ! C’est très agréable d’avoir des enfants, je les aime. Mais plus ils grandissent, plus ils s’éloignent, forcément, et je trouve ça assez pénible. L’adolescence est une période très déstabilisante et conflictuelle pour les parents. Même s’il y a quelque chose de fascinant à les voir devenir adultes. Vous observez concrètement ce que deviennent les graines que vous avez semées, mais aussi toutes celles semées à l’extérieur et sur lesquelles vous n’avez aucun contrôle. Nous vivons dans une société dans laquelle les femmes restent vulnérables. Je vois qu’ils sont très forts, j’ai confiance en eux, mais j’ai peur qu’on leur fasse du mal, qu’ils croisent de mauvaises personnes. Grandir et vieillir avec des enfants, c’est apprendre qu’ils se passeront de vous, c’est la vie. À part leur donner des outils et les rendre aussi intelligents et forts que possible, vous ne pouvez pas faire grand-chose. »
Vous parlez de graines semées. Quels valeurs et messages souhaitiez-vous leur transmettre ?
Julie Morelle : « Je pense qu’ils sont assez féministes. C’est quelque chose dont je suis fier. Pour moi, c’était un voyage. Mais avec eux, c’est tout à fait naturel. Ils ont une détente et une conviction sur leurs droits et leur place dans la société ce qui fait très plaisir. Je leur ai évidemment transmis certains de mes défauts et faiblesses, mais je pense que je leur ai aussi donné beaucoup d’amour et, en tant que parent, c’est la meilleure chose que l’on puisse faire pour leur donner confiance en eux et leur permettre d’avancer. . C’est ce que mes parents m’ont aussi offert. »
Avez-vous vécu une crise d’adolescence ?
Julie Morelle : « Non, je n’en ai pas eu. De toute façon, je me demande si ça n’arrivera pas maintenant. »
Et à quoi ressemble votre crise d’adolescence à 47 ans ?
Julie Morelle : « Je suis dans une période où je remets beaucoup plus les choses en question. Parfois on se déplace sur des rails, on va tout droit, tout se déroule naturellement. Mais aujourd’hui, je me demande si je ne m’oriente pas vers une petite phase de rébellion, même si elle n’est pas complètement mature. J’ai toujours été l’aîné, sage et responsable. Peut-être que je me suis comportée comme une bonne fille. Et c’est une question intéressante : finalement, qu’est-ce que je fais habituellement ? Qu’est-ce que je fais par désir réel ? »