Vingt ans ! Cela faisait 20 ans qu’il n’avait pas vu la ville des Sables d’Olonne. “Elle a beaucoup changé, je ne reconnais plus rien”, dit-il. Philippe Jeantot est de retour en Vendée ce week-end. Sans l’invitation du maire de la ville, Yannick Moreau, cela n’aurait pas été possible. « J’ai jeté une bouteille à la mer mais je ne savais pas où il habitait donc je ne savais pas vraiment où envoyer la lettre. »
“J’ai changé de vie”
Philippe Jeantot s’est exilé en Asie du Sud, il erre avec sa famille sur son catamaran de croisière. Depuis ses démêlés avec la justice et ses deux condamnations pour fraude fiscale, l’ancien plongeur du Comex a disparu des écrans radars. Ruiné selon lui. « J’étais loin, j’ai coupé les ponts. J’ai changé ma vie», explique Jeantot, qui, à l’époque, était défendu par un certain Éric Dupond-Moretti,
Pour vivre heureux, vivons cachés. Jeantot vit bien caché. Au mouillage sur son bateau, à 10 000 km de la France. Il n’avait pas du tout prévu de revenir en France et encore moins en Vendée, là où tout a commencé. Sans la détermination du maire des Sables, jamais il n’aurait inauguré, ce samedi, un quai à son nom à Port Olona.
“Je pensais avoir été oublié”
L’histoire entre le maire et le marin n’est pas nouvelle. En 2000, les deux hommes se croisent aux Sables : Jeantot est déjà l’organisateur de cette tournée mondiale en solo et sans escale. À l’époque, Yannick Moreau n’était « qu’un anonyme dans la foule ». Devenu maire en 2019, il décide d’inviter Jeantot, un jour au départ du Vendée Globe. Car, précise-t-il, « la ville des Sables-d’Olonne estime utile de remercier le créateur de cette course. Oui, c’est important de dire merci à Philippe Jeantot pour le Vendée Globe. Sans lui, la ville de Sands ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. »
Grâce à Internet et à quelques amis sur place, la lettre du maire est finalement arrivée entre les mains de Jeantot : « Au début, j’avais l’impression que c’était ‘Je recherche Jeantot, récompense de 20 000 $’ (rires). J’ai lu la lettre et j’ai aimé cette sincérité. Il faisait très chaud. Et je pensais avoir été oublié… »
«Je préférais mon temps»
Jeantot accepte l’invitation du maire. Et s’est retrouvé, ce samedi matin, à déambuler dans Port Olona. Plusieurs anciens le reconnaissent :
– « Salut Philippe, tu me reconnais ? »
– « Hé… »
Le maire l’invite à faire la visite sur une petite pirogue. « Je suis fier et émerveillé de voir ce qu’est devenu le Vendée Globe. Sur les 40 solitaires engagés, il avoue ne « connaître aucun d’entre eux… Ah oui, Jean Le Cam ». Les IMOCA d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec les monocoques de la première édition : « Quand nous faisions 260 milles en 24 heures, nous étions contents. Avec ces machines, s’ils font ça aujourd’hui, ils seront contrariés. »
Les foils, les étraves, le côté très professionnel de la planche, tout cela impressionne Jeantot. “Il y a toujours cet élément d’aventure.” Un bémol cependant : peut-être qu’il n’y a pas autant de poésie qu’au début quand on aimait prendre le temps de contempler les albatros, d’aller voir les icebergs. « Aujourd’hui, les solitaires sont enfermés dans les cockpits, ils sortent de moins en moins : j’ai préféré mon temps. »
« La course aurait pu partir de Lorient ou de Brest »
Sans cette idée un peu folle de lancer un tour du monde en solitaire et sans escale, le Vendée Globe n’aurait jamais vu le jour : Jeantot aime rappeler l’histoire de la naissance de son bébé : « Nous étions avec mes deux amies, malheureusement aujourd’hui décédés, le Sud-Africain Bertie Reed et le Français Guy Bernardin, à Sydney. Le Vendée Globe, c’est l’idée de trois mecs un peu ivres dans un bar. Nous étions trois au départ, puis finalement 13 lors de la première édition en 1989. »
En fait, Jeantot a organisé cette course simplement parce qu’il voulait y participer. « Je voulais n’en faire qu’un : au fond, j’étais un coureur, pas un organisateur. » Ses premiers sponsors étaient vendéens. S’ils avaient été Bretons, “la course aurait pu partir de Lorient ou de Brest”, selon Jeantot qui, après un tour du monde familial qui a duré dix ans, a atterri en Thaïlande. La France ne lui manque pas plus que ça : « Nous vivons sur notre vieux catamaran, au mouillage, tout est ouvert. J’ai une très belle vie là-bas. Je ne suis pas un gros joueur, nous vivons simplement.
Le passé est le passé
Jeantot a définitivement tiré un trait sur le passé. Sur ses convictions, le fait d’avoir été déchu de son grade de chevalier de la Légion d’honneur et de chevalier de l’Ordre national du Mérite, il ne dit rien. “On n’en parle pas : le passé c’est le passé”, a-t-il affirmé avec fermeté. « J’ai tourné la page, j’ai même changé de livre », assène-t-il lors d’un point presse dans les locaux de… la SNSM. Cette mini conférence de presse n’a pas eu lieu au village de la course alors même que les organisateurs étaient parfaitement au courant de son arrivée aux Sables d’Olonne. Ils n’ont pas déroulé le tapis rouge à Jeantot qui a toujours affirmé que sa course lui avait été volée.
« Cela me ferait plaisir de prendre le départ de ce Vendée Globe, mais on ne me l’a pas demandé. » Quelques heures plus tard, il en fait la demande aux organisateurs lors d’un déjeuner mais ce n’est rien : « Nous sommes très heureux de le revoir mais il ne donnera pas le départ. J’ai tellement de demandes », explique Alain Leboeuf, président du Vendée Globe… qui lâchera le peloton de 40 solitaires, dimanche 10 novembre, à 13h02.
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