CCe n’est pas la première fois qu’un haut responsable du Stade Rochelais estime que l’effectif de Ronan O’Gara s’est embourgeoisé. “ROG” l’a fait après une sévère défaite à Lyon (28-17), le 17 février : “Ils ont plutôt regardé vers l’immobilier […] que la formation. » Pourtant, mardi 15 octobre, trois jours après la fessée infligée par Bayonne à Saint-Sébastien (37-7), Vincent Merling, le président emblématique du club caravelle, a pour la première fois depuis très longtemps exprimé froidement le fond de ses pensées aux joueurs et à l’équipe de l’entraîneur irlandais.
Des « propos extrêmement durs » (Dillyn Leyds), « très forts, très lourds et honnêtes » (Donnacha Ryan) qui, selon nos informations, ont essentiellement rappelé à chacun l’importance de respecter l’institution rochelaise, ses supporters et ses partenaires. . Et la nécessité, pour un groupe peu renouvelé et dont la quasi-totalité des cadres ont prolongé leur mandat, d’entamer une cure d’humilité, alors que le leader bordelais-Béglais s’avance dimanche.
« Nous savons que nous méritons ces mots. Nous n’étions tout simplement pas sur le terrain.
Il n’y a qu’à regarder l’attitude d’Antoine Dupont pour se convaincre qu’un CV rempli de titres n’empêche pas un appétit de rester féroce. Mais, et il s’agit d’un sujet aussi vieux que le sport professionnel – traité notamment par Sylvester Stallone sur grand écran via sa série de films « Rocky » – la relaxation reste humaine. Les Rochelais, comme « l’étalon italien », ont-ils perdu l’œil du tigre cher à Apollo Creed, celui qui pousse le challenger à remporter des trophées ? « Non », répond fermement Dillyn Leyds. Nous savons ce que nous devons faire ce week-end. »
«Nous avons eu une bonne conversation»
« Sa fierté de président a parlé, lui qui fait tous les déplacements avec nous, qui a beaucoup donné pour ce club », explique l’ailier sud-africain à propos de Vincent Merling. C’est un peu triste pour nous de le voir ainsi car nous savons qu’il aime ce club. Et nous savons que nous méritons ces mots. Nous n’étions tout simplement pas sur le terrain, nous avons joué sans envie, sans volonté, contre une équipe qui a montré beaucoup d’intensité, d’énergie et de vitesse. C’était horrible pour nous. C’était difficile de retrouver le sourire mais nous avons eu une bonne conversation et regardé le match ensemble. Le président n’est pas le seul à avoir eu des mots durs, tous les entraîneurs aussi. »
« On est troisième du Top 14 et on parle presque de crise : c’est parfait, j’adore ! »
Les joueurs aussi. « Il n’y a pas un seul sur 23 qui peut dire qu’il a fait un bon match », glisse l’ancien Springbok. Aussi, lui et ses partenaires ont « pris le contrôle de la semaine ». « Ils étaient déçus et voulaient être tout de suite sur le terrain. Ils ont fait le feedback vidéo très honnêtement. C’est une de leurs qualités, qui leur permet de créer plus de liens, juge Donnacha Ryan, l’une des entraîneures en charge des attaquants. Les paroles des coéquipiers sont plus fortes que celles du staff, de temps en temps. Tout le monde connaît l’importance des valeurs du club. Nous nous l’avons répété cette semaine. »
Ce choc arrive au bon moment
L’avantage d’un groupe aussi expérimenté est qu’il ne récite alors pas d’éléments de langage mais exprime des sensibilités différentes. Ainsi, pour Grégory Alldritt, « personne n’est là juste pour profiter de la ville de La Rochelle, nous sommes tous là pour gagner des trophées. Nous ne sommes pas des enfants qui se font frapper à la tête par Bayonne et qui baissent la tête jusqu’à la fin de la saison. Nous sommes début octobre, nous sommes des hommes, nous allons relever la tête et « tirer ». Nous sommes troisièmes du Top 14 et on parle presque de crise. C’est parfait, j’adore ! Cela montre que nous avons de l’ambition. On a le couteau entre les dents, ce gros match arrive à point nommé. »
Ronan O’Gara n’a pas beaucoup parlé en début de semaine – « c’est parce qu’il est en colère » murmure Leyds – avant de redevenir bruyant vendredi, lors de la réunion du matin puis après l’entraînement. Mais au retour de sa chronique dans le quotidien irlandais « Irish Examiner », jeudi soir, il n’a pas hésité à évoquer « la pire » défaite de sa carrière d’entraîneur, « risible et humiliante ». Et « ROG » pointe particulièrement du doigt ceux qui « n’ont pas offert la moindre parcelle d’énergie ou de langage corporel positif » et à qui il dénie le statut de joueur, contrairement à d’autres qui ont abusé de leur énergie. « Cela n’arrive pas. Cela arrivera l’été prochain si nous gagnons le Top 14 », prévient-il.
« Je l’ai eu bien pire, c’est juste qu’il vieillit et il ne se souvient pas de certaines défaites où il était beaucoup plus en colère (sourire), plaisante Brice Dulin. Ça se démarque parce que c’est serré et il vit des victoires comme des défaites à 2 000%, donc c’est normal qu’il dise que c’est le pire parce que c’est le plus récent. Je pense qu’il perd simplement la mémoire ! » Une taquinerie qui rappelle, en filigrane, que le sport est un éternel recommencement et que les Rochelais ont bien l’intention de ne pas languir trop longtemps. « Nous n’aimons pas passer pour des pipes devant nos supporters, qui sont fantastiques. A nous de veiller à rectifier cela dimanche », conclut Grégory Alldritt.