Victor Ambros a été expulsé de son université parce que sa découverte « n’était pas assez intéressante »… Elle lui vaut aujourd’hui le prix Nobel

Victor Ambros a été expulsé de son université parce que sa découverte « n’était pas assez intéressante »… Elle lui vaut aujourd’hui le prix Nobel
Victor Ambros a été expulsé de son université parce que sa découverte « n’était pas assez intéressante »… Elle lui vaut aujourd’hui le prix Nobel

C’est d’abord l’Américain Victor Ambros qui, en 1993, découvre ces microARN chez un ver d’un millimètre, C. elegans. Pendant sept ans, on a cru que les microARN n’existaient que chez ce petit animal. Avant que son compatriote Gary Ruvkun ne s’en mêle et n’en découvre un deuxième. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de microARN ont été identifiés, et presque tous les animaux en possèdent. MicroARN « sont d’une importance fondamentale pour le développement et le fonctionnement des organismes »a expliqué le jury Nobel. “Un dysfonctionnement de la régulation génétique peut entraîner des maladies graves telles que le cancer, le diabète ou l’auto-immunité. C’est pourquoi comprendre la régulation de l’activité des gènes constitue un objectif important depuis plusieurs décennies. Leur découverte révolutionnaire a révélé un principe complètement nouveau de régulation génique qui s’est avéré essentiel pour les organismes multicellulaires, y compris les humains.note encore le jury Nobel.

Le prix Nobel de médecine décerné aux Américains Victor Ambros et Gary Ruvkun pour leur découverte des microARN

Beaucoup de tentatives

Concrètement, chaque microARN, minuscules molécules, se lie à l’ARN messager (ou ARNm), intermédiaires entre nos gènes et nos protéines. Et ce réseau de microARN module (stimule ou désactive) l’ARN messager, qui prélève donc des informations sur les gènes pour fabriquer des protéines. Ces réseaux de microARN sont établis dans la plupart des tumeurs, et les travaux d’Ambros et Ruvkun ont ouvert de nouvelles perspectives dans le traitement des maladies, selon le jury Nobel. Mais sans application à ce stade. “De nombreux essais sont en cours, et pas seulement contre le cancer, mais aussi dans d’autres maladies, comme les maladies cardiovasculaires rénales, mais rien qui soit proche d’une réelle application. »précise Gunilla Karlsson Hedestam, professeur à l’Institut Karolinska.

L’annonce du prix Nobel de médecine, ce lundi 7 octobre. ©AFP ou concédants de licence

Ce qui confirme Le Libre Hervé Seitz, chercheur au Centre national de la recherche scientifique de l’Institut de génétique humaine. « La découverte d’Ambros et de Ruvkun a été sous-estimée au départ. Culturellement, la communauté scientifique n’était pas prête. Et cette découverte est en réalité due à leur courage et à leur abnégation. Ambros a même été expulsé de l’université de Harvard. C’était un jeune chef d’équipe et Harvard s’en est débarrassé car ses découvertes sur les microARN ne lui semblaient pas assez intéressantes. Mais aujourd’hui il y a beaucoup de buzz, il y a une tendance. Il y a dix ou quinze ans, nous avons vu arriver beaucoup de gens dans le domaine qui souhaitaient que les microARN soient impliqués dans leur processus biologique favori !

Trois grands chemins

L’un des grands espoirs des microARN est le traitement du cancer. Au fond, l’idée serait d’identifier (ou de concevoir de toutes pièces) des microARN, pour en faire des « suppresseurs de tumeurs » : ils seraient injectés dans le corps humain, afin de corriger l’expression de certains gènes « aberrants ». » qui peut conduire au cancer. Ces microARN, synthétisés à grande échelle, constitueraient alors une nouvelle classe de médicaments. Hervé Seitz exprime de forts doutes sur les applications futures de ces microARN – «le monde entier recherche ce genre de micro-ARN et n’en trouve pas ; l’essai décrit comme le plus prometteur a en fait dû être abandonné ».La collègue de Giga à l’Université de Liège, biologiste moléculaire et directrice de recherche au FNRS Ingrid Struman, est plus optimiste : « Dans les modèles murins, nous voyons très clairement que l’injection de microARN a des effets thérapeutiques potentiels. Pour avoir un plus grand potentiel thérapeutique, on pourrait encapsuler les microARN dans de petites vésicules, qui les enferment d’ailleurs déjà lorsqu’on les retrouve en circulation. De plus, avec le vaccin Covid, on sait désormais très bien produire des ARN en quantité… »

Hervé Seitz croit plutôt dans une autre voie : les microARN sont en effet aussi oncogènes, c’est-à-dire qu’ils favorisent les tumeurs. “On peut donc dire qu’il existe sûrement des patients humains dont le cancer est dû à une surexpression de microARN. Nous pourrions alors essayer de réprimer les microARN. Ceci est confirmé par la cancérologue Ingrid Struman, qui précise également que ces microARN pourraient être réprimés par d’autres petits ARN bloquants.

Reste une « troisième voie », non thérapeutique, mais qui fait déjà l’objet d’études : «Les niveaux d’expression des microARN ont été associés à certaines pathologies, notamment dans le cancer, explique le professeur Franck Dequiedt (Giga-ULiège). CCertains types de micro-ARN sont surexprimés dans certains cancers. On pourrait donc utiliser les microARN comme complément diagnostique, comme signe de présence de la maladie ou pour « typer » des cancers. Cela est d’autant plus facile que certains de ces microARN circulent, c’est-à-dire qu’ils se retrouvent dans le sang, où on peut donc les détecter relativement facilement.»

 
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