quelle entraide judiciaire pénale ?

quelle entraide judiciaire pénale ?
quelle entraide judiciaire pénale ?

Par Kamalia Mehtiyeva, Professeur à l’Université Paris-Est Créteil.

Quel est le contexte de l’affaire ?

Paul Watson, le fondateur de Berger de Mer, organisation non gouvernementale de défense des océans et de la biodiversité, a été arrêtée cet été au Groenland par les autorités danoises sur la base d’une notice rouge d’Interpol. Cette notice rouge a été émise en 2012 à la demande du Japon pour des actes commis en 2010 à bord du Shonan Maru 2, un navire immatriculé au Japon, également utilisé comme navire de sécurité. Les autorités japonaises accusent Paul Watson, selon les sources disponibles, de complot d’embarquement et d’implication dans une attaque à la bombe puante, utilisant de l’acide butyrique, qui aurait blessé au visage un marin japonais à bord du navire. Depuis son arrestation, M. Watson est placé en détention extraditionnelle en attendant que les autorités danoises se prononcent sur la demande d’extradition du Japon.

L’affaire a été très médiatisée, tant au niveau de la notice rouge d’Interpol que sur le plan juridique de l’affaire. Dans son communiqué, la fondation Fondation Capitaine Paul Watsona noté que la notice rouge émise contre M. Watson n’était plus disponible sur le site Internet d’Interpol. La Fondation en déduit que cet effacement n’était autre qu’une tentative de dissimuler l’existence de la notice rouge en la rendant confidentielle pour donner à M. Watson un sentiment de sécurité dans ses déplacements et ainsi faciliter son arrestation. Sur le plan purement juridique, ce constat est néanmoins erroné dans la mesure où la plupart des notices rouges ne sont pas publiées sur le site d’Interpol. Ainsi, sur un nombre total d’environ 27 000 notices rouges ou avis dits de « diffusion » en cours, seules 7 000 sont publiques. Le caractère public des notices rouges tient notamment au danger pour l’ordre public de la personne recherchée.

Toutefois, cela ne signifie pas que la notice rouge d’Interpol émise contre M. Watson soit irréprochable. Fondamentalement, compte tenu du contexte de l’affaire, sa conformité aux règles d’Interpol soulève des doutes. Sur le plan structurel, elle révèle une faille dans le système de fonctionnement d’Interpol, celle relative à l’émission de ces notices rouges. Il s’agit d’une procédure automatisée réalisée sur la base d’un contrôle formel des informations transmises par l’Office central national de l’État sollicitant l’émission de la notice rouge. Interpol, en tant que chambre mondiale chargée d’enregistrer les mandats d’arrêt émis par les autorités nationales des États membres de l’Organisation, ne dispose pas de mécanisme interne permettant de filtrer les demandes des États souhaitant émettre des notices rouges à l’avance. Cette absence de mécanisme de filtrage, revers de la présomption de bonne foi des États dans la coopération policière internationale, est confortée par les statistiques officielles d’Interpol qui démontrent que moins de 10 % des notices rouges sont supprimées chaque année par la Commission de contrôle. Interpol dépose un dossier suite à un contrôle de conformité effectué à la demande des personnes visées par les notices rouges.

En présence d’un tel mécanisme interne permettant le contrôle rétrospectivement, une fois la notice rouge émise, ce n’est pas tant l’existence de la notice rouge dans le cas présent qui pose question, mais plutôt l’aspect judiciaire – l’extradition – qui est en cours. En effet, la notice rouge n’est pas un mandat d’arrêt international. Il s’agit simplement d’une demande adressée aux services répressifs des autres États membres de localiser une personne et de procéder à son arrestation provisoire en attendant son extradition. Une fois la personne localisée, ce sont les autorités judiciaires chargées de l’extradition qui remplissent le rôle de sauvegarde des droits humains de la personne extradée.

La demande d’extradition de M. Watson par les autorités japonaises est-elle fondée ?

Concrètement, M. Watson est poursuivi par les autorités japonaises pour avoir blessé une personne à bord d’un navire relevant de la juridiction pénale japonaise. Cependant, selon la demande d’extradition, la peine qui lui est imposée pourrait être très lourde, jusqu’à 15 ans de prison. Cette sévérité de la sanction encourue pourrait faire douter de la sincérité des motifs de l’extradition qui, en réalité, cache la persécution du défenseur des baleines en raison de son engagement et de sa lutte contre la chasse illégale attribuée au Japon. La chasse commerciale à la baleine est en effet soumise à une réglementation internationale et fait l’objet, depuis 1986, d’un moratoire international. Le Japon a néanmoins continué la chasse à la baleine sous prétexte de recherche scientifique, ce qui a donné lieu à des poursuites judiciaires intentées par les gouvernements australien et néo-zélandais devant la Cour internationale de Justice, aboutissant à la condamnation du Japon pour chasse illégale à la baleine. . LONG Berger de mer fondée par M. Watson a toujours dénoncé le comportement illégal du Japon, ainsi que celui des pays nordiques, comme la Norvège, l’Islande et le Danemark, qui ont également laissé la Commission baleinière internationale poursuivre la chasse commerciale à la baleine dans leurs eaux territoriales. Selon l’ONG, les poursuites pénales contre M. Watson ne sont pas étrangères à son activisme contre la chasse à la baleine pratiquée par le Japon.

Or, d’un point de vue formel, la demande d’extradition ne repose pas sur l’action militante de l’ONG et de son fondateur, mais sur des actes de droit commun qui auraient été commis par M. Watson.

S’agit-il alors d’une demande politiquement motivée ? Et d’ailleurs, a-t-elle des chances de réussir ?

Le caractère politique de la demande d’extradition est généralement accepté par les textes internationaux et nationaux comme un obstacle à l’extradition. Il existe néanmoins une difficulté d’ordre probatoire à établir ce caractère politique ainsi qu’une incertitude quant au contenu de cette notion librement appréciée par le juge. En raison des répercussions diplomatiques potentielles dans les affaires de coopération pénale, il n’est pas toujours facile pour les autorités requises de faire valoir la volonté politique de l’État requérant qui ferait obstacle à la remise de la personne poursuivie dans cette affaire. l’État requérant et empêcherait ainsi l’exercice par l’État requérant de sa souveraineté pénale nationale. Elle est d’autant plus délicate lorsqu’il s’agit d’infractions complexes, présentant un caractère de droit commun sans être dénuées de caractère politique.

Cette particularité du droit de l’extradition est une réalité à la fois juridique et politique. Il faut néanmoins garder à l’esprit que d’autres principes permettent de surmonter ces écueils et d’assurer le respect des droits fondamentaux de la personne poursuivie. Cela concerne notamment le principe de spécialité d’extradition qui interdit à l’État requérant de poursuivre ou de condamner la personne extradée pour des faits non couverts par la décision d’extradition. Si cette interdiction n’empêche pas la requalification des faits visés par la décision d’extradition, le fait que les différentes conventions internationales limitent généralement la requalification en la subordonnant au caractère extraditionnel de la requalification est indicatif de l’interprétation qu’il convient d’en donner. donner à ce principe.

De plus, depuis son arrêt important Soering c. Royaume-Uniprononcée le 7 juillet 1989, la Cour européenne des droits de l’homme consacre la protection des personnes qui font l’objet d’une demande d’extradition avec pour conséquence de les exposer à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention interdisant la torture ainsi que les traitements inhumains ou dégradants ou une punition. La protection offerte aux personnes faisant l’objet de mesures d’éloignement, telles que l’extradition, a continué d’être renforcée par la CEDH, qui oblige les États à garantir une protection lorsqu’un risque réel d’être exposé est constaté. à un déclin grave, rapide et irréversible de l’état de santé entraînant des souffrances intenses ou une réduction significative de l’espérance de vie (Paposhvili c. Belgique, n° 41738/10).

 
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