ÉDITORIAL. Sauver le Liban

ÉDITORIAL. Sauver le Liban
ÉDITORIAL. Sauver le Liban

Ce n’est pas la première fois qu’Israël mène des frappes tactiques ciblant de hauts responsables et des opérations au sol pour sécuriser une zone tampon. En 2006, les choses vont mal pour l’armée israélienne. Elle profite certainement de ses puissants atouts technologiques pour frapper fort. Sans sécuriser politiquement son propre territoire à long terme. On pourrait résumer ce cercle vicieux par une formule : Israël a l’art de faire reculer ses ennemis en les faisant proliférer.

Cette fois, l’inquiétude est d’autant plus grande pour le sort du Liban que le pays n’a jamais semblé aussi fragile depuis la terrible guerre civile des années 1980. Économie stagnante, corruption, impasses politiques, ingérence étrangère. À l’heure actuelle, le Liban est l’otage d’objectifs qui le dépassent. Après avoir longtemps souffert sous le droit syrien, c’est l’influence de Téhéran, à travers le Hezbollah, qui bloque tout espoir de pacification. Et si la confrontation entre l’Iran et Israël devait avoir lieu sur le sol libanais, l’espérance de vie du pays elle-même serait réduite à néant.

C’est la raison pour laquelle depuis vendredi de nombreuses pistes ont été évoquées pour conjurer une telle escalade et préserver l’existence même du Liban. Des appels à Tartuffe ? Sans doute, puisqu’il s’agit d’une partie de la classe politique libanaise, empêtrée dans sa propre paralysie. Mais dans le cœur de millions de Libanais, le désir de préserver cette mosaïque unique demeure. Peu importe à quel point il est détérioré.

Le Hezbollah, indispensable ?

On ne peut donc que saluer l’appel lancé hier par le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à l’abstention d’Israël. « de toute incursion ». La n’a plus l’influence diplomatique qu’elle avait dans le passé, mais elle peut encore tenter de jouer un rôle au Liban. Et pas seulement humanitaire.

Le défi est cependant de taille. Car Israël a certes décimé l’état-major du Hezbollah et assassiné son chef, mais le Hezbollah n’a pas disparu. Sa branche politique, ses ramifications sociales, ses liens non seulement avec Téhéran mais avec d’autres organisations militaires de la région demeurent. La mort de Nasrallah efface-t-elle le soutien de la population chiite libanaise ? Est-ce que cela efface l’influence culturelle et religieuse établie depuis trente ans ? La faiblesse du modèle confessionnel libanais réside précisément dans le fait qu’il ne permet pas de contrecarrer de tels abus communautaires.

Avec Nasrallah, le Hezbollah a constitué un obstacle sur la voie de l’unité libanaise et du retour au fonctionnement apaisé de ses institutions. Rien pour l’instant ne laisse penser que sa mort pourrait lever cet obstacle.

Cela n’enlève rien aux efforts humanitaires et diplomatiques nécessaires déployés hier, à juste titre, par la France. Trop de Libanais sont pris en otage par la posture intransigeante des faucons iraniens et israéliens. Mais éradiquer le Hezbollah au Liban est aussi illusoire que l’éradication du Hamas à Gaza. C’est un discours martial, qui peut sauver la peau de Netanyahu et la face des généraux israéliens vaincus le 7 octobre 2023. Ce n’est pas une perspective politique. Mais le Liban est en soi un projet politique. Un projet de paix. Soutenons-le.

Rédacteur en chef adjointOuest de la France

en charge des affaires internationales.

 
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