l’essentiel
Les inquiétudes de Kamal Sarkis sont montées d’un cran ce week-end. Ce Franco libanais qui vit à Cahors a toujours ses parents, ses frères et sa sœur au Liban où les frappes de l’armée israélienne s’intensifient. Parallèlement, une partie de sa belle-famille vit toujours en Ukraine.
Kamal Sarkis a le cœur qui bat la chamade. Sur son passeport, le Lotois de 49 ans compte autant de cachets du Liban que d’Ukraine. En effet, sa belle-famille vit en Ukraine et sa famille au Liban. Deux pays, deux conflits. Et depuis l’explosion des téléavertisseurs des agents du Hezbollah, le 18 septembre, la tension est montée d’un cran au Liban, où il est né. L’anxiété avec ça. « Mon fils de 8 ans m’a dit ce week-end : Nous ne voyions déjà pas beaucoup nos grands-parents en Ukraine, maintenant nous ne pourrons plus voir nos grands-parents au Liban », raconte Kamal Sarkis, ancien kiné et président de l’association Mainstendes à Cahors. Son autre fils de 6 ans a résumé la situation avec ses yeux d’enfant : « Quand je vais dans la chambre de mon frère, je respecte ses affaires. Pourquoi les pays ne peuvent-ils pas faire cela pour les autres ? “
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Les parents de Kamal Sarkis sont à Broummana, un village surplombant Beyrouth. Son frère est chirurgien dans un hôpital de la capitale. Lorsque les téléavertisseurs se sont déclenchés, il a soigné 150 blessés sur les 3 000 victimes de l’attentat. Sa sœur vit dans la Bekaa, une plaine agricole et une zone bombardée par l’armée israélienne. « J’ai des nouvelles tous les jours sur le groupe Whatsapp avec mes frères et sœurs. On arrive à passer des appels vidéo mais souvent, à cause du mauvais réseau, l’image est très pixelisée”, explique-t-elle.
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A l’écran, sa sœur est noyée sous une cascade de carrés. Ce « groupe de 7 » virtuel (il s’agit de 7 frères et sœurs) est son seul lien avec sa famille restée au Liban. « Jusqu’à ce week-end, pour nous, c’était malheureusement une situation normale. Au Liban, nous n’avons connu que la guerre. Quand on fait des courses et qu’un attentat éclate, on reste stoïque et on se dit simplement qu’on reviendra pour la salade plus tard. En 1982, j’ai vu un soldat israélien sortir sa baïonnette. En fait, il vient de couper une pastèque que nous avons partagée ensemble », se souvient-il.
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Ses parents craignent le pillage
Mais depuis l’annonce de la mort de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, la donne a changé. « C’est comme un gros coup de pied dans un nid de frelons. Il y a une tension générale, un stress insupportable”, glisse-t-il. Son père de 96 ans et sa mère de 91 ans le supplient de rester à Cahors, de ne pas les rejoindre. « Il leur est de plus en plus difficile de faire du shopping. Mon père est sous oxygène, c’est un quotidien encore plus difficile. Ils craignent aussi les pillages car on assiste déjà à des exodes de populations du sud qui fuient les bombardements et qui sont livrées à elles-mêmes », poursuit le père lotois.
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Si ses frères n’avaient pas été à leurs côtés, il aurait bravé la guerre pour se rendre à leur chevet. Depuis son retour en France il y a trente ans, Kamal Sarkis parvient chaque année à revenir au Liban. Cette année, il y a renoncé. Il sait déjà qu’il passera Noël loin de sa famille. L’exilé espère récolter des fonds pour des associations et ONG libanaises. Mais la situation est tellement instable et incertaine qu’il est encore impossible de savoir ce qui va manquer aux Libanais.
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Parallèlement, il subit également la guerre en Ukraine. Son épouse Anastasiia y a toujours une partie de sa famille. Cet été, le couple a réussi à rapatrier leur grand-mère, sa tante et ses deux filles. « Quand on parle de famille, paternelle ou maternelle, mes enfants sont toujours au bord des larmes. J’ai vécu cela toute ma vie. A chaque fois, les pions changent mais l’histoire se répète. » Pour endurer les guerres, Kamal Sarkis dispose d’un refuge de longue date : la prière.