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[EXPO] Au musée du Louvre, les fous se déchaînent

« Infini est le nombre d’imbéciles », dit l’Ecclésiaste. L’exposition du musée du Louvre le démontre avec un nombre presque infini d’œuvres sur le thème du fou, du Moyen Âge à la période romantique.

Le monde médiéval est religieux, certes, mais aussi raisonnable, voire rationnel (scolastique). Dans cette perspective, le fou est tout autant celui qui est déraisonnable que celui qui refuse Dieu. Ce sont les deux faces d’une même médaille. Le fou des psaumes, avec sa casquette et ses haillons, les Vierges folles avec leurs lampes renversées, en sont des exemples frappants. Mais comme toujours, le symbole est ambivalent : la sainteté est une folie, aux yeux du monde. Saint François d’Assise quitte sa position sociale, s’habille comme un mendiant, parle aux oiseaux : il devient une sorte de fou – pour la bonne cause.

Aquamanile : Aristote et Phyllis. Pays-Bas méridionaux, vers 1380. Alliage de cuivre, H. 32,4 cm ; L. 39,3 cm ; P. 17,8 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, The Robert Lehman Collection, inv. 1975.1.1416 © Le Metropolitan Museum of Art

Autre folie, celle du cœur et des sens. LE La loi d’Aristote connaît un grand succès littéraire et iconographique. Alexandre tombe amoureux d’une Indienne, Phyllis, et abandonne les armes. Le philosophe lui rappelle ses devoirs de chef de guerre. Pour se venger, la jeune femme séduit Aristote et le transforme en jouet : il se laisse monter par elle comme un âne, au grand rire d’Alexandre qui surprend son vieux maître en flagrant délit de faiblesse devant une femme. Un magnifique aquamanile (récipient pour se laver les mains) nous montre cette défaite de la philosophie.

Dans les tapisseries, les enluminures, les vitraux, le fou n’est jamais loin du couple amoureux qui gambade ou s’amuse. On identifie facilement le personnage : sa bizarrerie moqueuse, son costume qui se démarque de tous les autres… Il signale le caractère lubrique de la situation. D’où sa présence récurrente, également, aux côtés du fils prodigue, plongé dans une mauvaise compagnie de femmes, de joueurs et de buveurs.

Francesco Laurana ou Pietro di Martino da Milano (?), Triboulet, bouffon de René d’Anjou. (Barrois, Anjou ou Provence ?), vers 1461-1466. Marbre, H. 26,7 cm ; L. 20,6 cm ; P. 6,4 cm. Oberlin (Ohio), Allen Memorial Art Museum, Oberlin College, inv. 1954.23. © Samuel Martin

Aux côtés des rois et des princes, le fou assume un autre rôle : celui de bouffon. Nous disposons de quelques portraits, imaginaires pour les uns, réels pour d’autres, de ces personnes à part, tant par leur disgrâce physique, que par leur statut. Le bon roi René fit représenter son fou Triboulet dans un médaillon digne d’un roi ou d’un empereur, malgré la microcéphalie du modèle. Enfant, sa tête n’était pas vide : Triboulet était comédien, chef de troupe, auteur de pièces comiques. Parfois le roi lui-même devenait son propre fou… Charles VI et la princesse Jeanne de Castille furent précédés dans cette folie par Nabuchodonosor, dont l’orgueil fut puni par la perte de la raison et sa transformation en bête pendant sept ans. Un vitrail le représente en train de paître parmi le bétail.

Hyeronimus Bosch, Satire des fêtards débauchés, dite La Nef des Fous. Bois-le-Duc, vers 1505-1515. Huile sur bois (chêne), H. 58 cm ; L. 33 cm. Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures, inv. RF 2218 © RMN – Grand Palais (Musée du Louvre), Franck Raux

Car personne n’est à l’abri de la folie. Ni les paysans et bourgeois dans les peintures nordiques illustrant les proverbes peints par Brueghel le Jeune, ou lors du carnaval (tableau de Martin I van Cleve). Ni les moines qui apparaissent dans la célèbre nef peinte par Jérôme Bosch : un fou, perché sur une branche, préside un chœur d’ivrognes où un moine et une nonne mènent la danse.

Le sommeil de la raison

Réprimé au XVIIIe sièclee siècle, le fou ne tarda pas à réapparaître, chez Goya par exemple, dont l’une des célèbres eaux-fortes s’intitule Le sommeil de la raison engendre des monstres. Chez les romantiques aussi. Géricault peint d’impressionnants portraits de fous et de folles. Lady Mac Beth, d’une criminelle devenue folle, inspire les peintres, Quasimodo est élu « pape des fous »… Et justement, Viollet-le-Duc fait sculpter des chimères et des gargouilles pour Notre-Dame de Paris, où les êtres rencontrent des hybrides d’inspiration médiévale. manuscrits et qui sont comme une folie dans la Création. Ainsi se termine un voyage qui révèle tout un thème dispersé mais continu de l’histoire de l’art.

Figures du fou, du Moyen Âge aux romantiques. Jusqu’au 3 février 2025. Musée du Louvre, de 9h à 18h, sauf le mardi, jusqu’à 21h mercredi et vendredi.

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