Une ancienne conciergerie montréalaise, destinée aux pics de démolition, s’est trouvé une deuxième vocation : elle sert désormais de résidence à une soixantaine d’étudiants. Son succès prépare la voie à d’autres résurrections du même genre.
Malgré sa riche architecture d’inspiration Beaux-Arts, cet immeuble à logements du village Shaughnessy – surnommé le ghetto de Concordia – ne payait pas de mine lorsque l’architecte Jean Pelland l’a visité pour la première fois en 2021. « Le logement n’était pas optimal », résume-t-il modestement. sur le lieu connu à l’époque pour ses conditions insalubres. Plusieurs départs d’incendies ont nécessité l’intervention des pompiers au fil des années.
C’est pourtant sur cet immeuble en briques brunes que la sicaf immobilière Canora a jeté son dévolu pour se lancer sur le marché des résidences étudiantes. Pour quoi ?
« Parce qu’à nos yeux, ce bâtiment centenaire nous a permis d’allier le patrimoine architectural à la modernité de Montréal. Cela représentait pour nous une opportunité de créer une marque différente, à l’image de notre ville», explique son président, Charles Paiement, installé dans le magnifique café de style contemporain aménagé dans le hall de l’édifice rebaptisé Le Within.
Le défi était de taille, reconnaît Jean Pelland, associé principal chez Sid Lee Architecture.
Il est plus facile de travailler à partir d’une page blanche. Il s’agissait ici de trouver comment transformer un immeuble divisé en grands logements en résidence pour 66 étudiants, tout en mettant en valeur la qualité de l’architecture et en respectant les codes du bâtiment en vigueur.
Jean Pelland, associé principal chez Sid Lee Architecture
Les contraintes étaient nombreuses, ajoute l’architecte. A commencer par l’emplacement des fenêtres, très nombreuses en façade, mais plus rares sur les côtés et à l’arrière. « Il fallait pouvoir mettre les yeux devant les trous », illustre-t-il. Dans le même ordre d’idées, il a également fallu s’occuper des murs porteurs et des cages d’escalier existants.
«C’était comme jouer à Tetris pour mettre tous les blocs dans une boîte», confie Mathieu St-Jean, directeur général de Canora.
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Sens de la communauté
La réussite de ce puzzle a nécessité deux années de travaux, réalisés au coût de 25 millions. Inauguré en août 2023, Le Within propose 16 microlofts et 14 appartements de trois ou quatre chambres.
Chaque microloft est une sorte de petit studio où, dans une même pièce, l’étudiant trouve un lit avec rangements intégrés, une kitchenette et un petit espace bureau. Une salle de bain complète le logement.
De leur côté, les locataires de grands appartements disposent d’une kitchenette et d’un salon communs, d’une chambre simple entièrement meublée et, dans la majorité des cas, équipés d’une salle de bain personnelle. « Une demande qui a émergé avec la pandémie de la COVID », indique Charles Paiement.
Bref, chaque appartement Within offre tous les espaces de vie nécessaires.
Ses concepteurs ont pourtant visé plus haut : ils ont voulu, à travers son architecture, que ce bâtiment suscite chez ses habitants une envie de vie partagée, ainsi qu’une envie de découvrir leur ville d’adoption.
« C’est pour cela que nous l’avons appelé Le Within, c’est-à-dire « à l’intérieur », explique M. Paiement. A l’intérieur de la ville, du quartier et du projet. »
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C’est dans cet esprit que Jean Pelland a profité des deux grandes portes d’entrée cintrées, des grandes fenêtres en façade et du sous-sol pleine grandeur pour multiplier les lieux de rencontre : une salle inspirée des hôtels particuliers, un café Comme Montréal, un grand une cuisine communautaire, une salle multifonctionnelle équipée d’un écran géant, un studio d’enregistrement audiovisuel et une salle d’étude sont là pour inspirer un sentiment de collégialité.
Je crois que ce projet sera un modèle sur la manière d’introduire une utilisation dans un bâtiment existant.
Jean Pelland, architecte et associé principal chez Sid Lee Architecture
Le résultat est à la hauteur des attentes, ajoute Charles Paiement. « Un jour, je me suis demandé pourquoi il y avait une friteuse dans la grande cuisine. Ce n’est pas nous qui l’avons mis là. J’ai réalisé qu’un groupe d’étudiants français se réunissait ici tous les vendredis pour cuisiner des steaks-frites. C’est le genre de rencontre que nous avons voulu provoquer. »
Album de Montréal
Un soin particulier a été apporté au choix des matériaux, des textures et des couleurs pour multiplier les clins d’œil à Montréal.
Si les sols en béton ciré, les murs en briques peintes et les meubles en métal sont de subtiles références au patrimoine industriel de la métropole, l’enseigne au néon formant le code 514 et les images encadrées du restaurant Orange Julep rappellent les icônes du paysage montréalais. «C’est comme un album de ce qu’offre Montréal», souligne M. St-Jean.
« On a joué avec les codes de la ville. On s’est bien amusés», ajoute M. Pelland, assis tout près d’un mur décoré de papier peint avec des illustrations de canettes de sirop d’érable, de la célèbre enseigne Farine Five Roses ou de la Grande Roue du Vieux-Port.
Fort de ce succès, Canora prépare un deuxième projet du même type, toujours à Montréal, celui-ci évalué à 50 millions, confie Charles Paiement.
« C’est notre façon de lutter contre la pénurie de logements. Quand j’étais étudiant, il était courant de partager de grands appartements de cinq ou six pièces. Aujourd’hui, ces appartements sont recherchés par les familles nombreuses. Une résidence étudiante comme celle-ci les libère pour eux », conclut-il.
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