Félix Garde ou la sobriété du style néoclassique

CIl est le premier à avoir le titre d’Architecte de la Ville. Et ce n’est que grâce à cette fonction que Félix Garde est passé à la postérité. Hormis le fait qu’il est né en 1779 (où ?), mort en 1853 et sans doute enterré à Rochefort, on ne sait pas grand chose de lui. Nous ne savons pas comment il est arrivé ici. Il a cependant marqué la ville de son empreinte dont il est resté l’architecte pendant plus de 40 ans jusqu’à sa mort, traversant les régimes et les communes jusqu’à celui d’Eugène Roy-Bry. Fort de cette grande longévité, avec la confiance de tous, il conçut plusieurs édifices marquants, encore visibles aujourd’hui. Son nom n’y est pas gravé dans la pierre car à l’époque, cela n’était pas encore fait.

Les premières signatures retrouvées à son nom datent du Premier Empire, vers 1810. Initialement, Félix Garde, qui n’était pas fonctionnaire, mais intérimaire, exerçait les fonctions d’agent de voyages aux côtés d’un certain de Boisé. « Les deux hommes travailleront ensemble ; on retrouve leurs deux signatures sur les documents », explique Frédéric Chasseboeuf, guide-conférencier au service du patrimoine de Rochefort. Jusqu’en 1840-1850, dans le département, ces agents, formés à l’École des Ponts, jouaient le rôle d’architectes dont la formation n’existait que vers 1850. Ils s’occupent donc des rues et des monuments.

Formation solide

« Garde a un bagage néoclassique très solide, mais on ne sait pas quoi, explique Frédéric Chasseboeuf. En plus de bonnes connaissances, l’homme se rend régulièrement à Paris où il dispose de son réseau. Peut-être avait-il été formé dans la capitale et sans doute était-il franc-maçon. Malheureusement, nous n’avons pas d’archives privées de son bureau. On ne peut donc lui attribuer que des commandes publiques.

Garde est crédible, Paris le traite très bien et valide ses plans.

Dès la construction du temple en 1822, son talent apparaît. Le bâtiment est construit dans un quartier qui n’a pas encore été construit. C’est le premier immeuble sorti de terre, sans mitoyenneté. « La façade est sobre et bien proportionnée. Si son fronton triangulaire est plus bas que le toit, ce qui n’est pas très joli, c’est que Garde a utilisé le nombre d’or. Pour masquer le faîte, la Ville réalisera une extension pour construire un mur derrière le fronton. Cette anecdote montre la bonne culture néoclassique de Garde, très axée sur la théorie. C’est une personne sérieuse. »


Félix Garde a conçu la partie la plus ancienne de l’actuel collège Pierre-Loti donnant sur la rue Audry-de-Puyravault, organisée en quatre bâtiments autour d’une cour.

Frédéric Chasseboeuf

En 1829-1830, l’architecte est chargé de la construction du nouveau collège (actuel collège Pierre-Loti) en remplacement du couvent des Capucins rasé. Garde a conçu les quatre bâtiments entourant une cour à arcades (actuelle cour d’honneur), enrichie d’une façade très rythmée et très sobre. « Le projet doit être examiné par la commission nationale des travaux publics, qui se montre parfois condescendante envers les provinciaux. Mais Garde est crédible, Paris le traite très bien et valide ses plans. » Cela montre que quand il sort un projet, c’est fort.


L’église Saint-Louis existait, mais Félix Garde la remania en 1835. Il la rénova, notamment avec une façade néoclassique, pour mieux éclairer la nef.

Kharinne Tcharov

En 1835, il est temps de remodeler l’église Saint-Louis. Tout en conservant le clocher et la nef, Félix Garde rénovera l’édifice pour l’éclairer. Il abaisse l’ancienne façade pour une façade néoclassique, remplace la toiture en ardoise par une toiture en tuiles pour faire entrer la lumière dans la nef par des voûtes. « Il y a eu débat sur la façade car c’est la sœur jumelle de celle de Notre-Dame-de-Lorette à Paris, érigée en 1826-1827. Garde a-t-il copié ? Grâce à son savoir-être, il a pu voir le plan de Notre-Dame-de-Lorette pour s’en inspirer ; ou bien la commission lui a peut-être imposé un modèle. En revanche, on sait qu’après le refus de son avant-projet par la commission, il a pu discuter de sa refonte, preuve de son influence. »

Palais du Commerce

Enfin, l’autre grand édifice que l’on lui doit sont les halles de 1846-1847. Projet qu’il a remporté lors d’un concours national d’architecture, lancé pour la première fois par la Ville. « Félix Garde est sans doute aussi sélectionné parce qu’il est d’ici et en fin de carrière. » Pour la fin de son règne, il met tout en œuvre pour créer un palais du commerce avec des halles, de la bourse et des centres commerciaux.


Les halles sont un bâtiment monumental conçu par l’architecte Félix Garde en 1846-1847 avec une façade très architecturale face au marché (à gauche).

Kharinne Tcharov

« Ce bâtiment montre que Rochefort diversifie son économie, elle ne se contente plus de l’arsenal et se tourne vers les activités civiles. Le bâtiment est exceptionnel avec une façade très architecturale face au marché (actuelle avenue de Gaulle) et une toiture en ardoise. Au centre, des colonnes néoclassiques en pierre soutenaient une structure en bois. » Après plusieurs transformations et l’incendie des années 1970, il ne reste aujourd’hui que l’extérieur en pierre et les murs porteurs. « Cet édifice monumental et original est l’un des moins reconnus de Rochefort. » Même si tout le monde passe devant.

Thanks to Frédéric Chasseboeuf.

 
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