L’aidant qui a besoin d’aide

Comment organiser vos finances lorsque vous devenez proche aidant et devez arrêter de travailler plus tôt que prévu.


Publié à 2h03

Mis à jour à 6h00

La situation

Emilia*, 60 ans, est récemment devenue aide-soignante auprès de sa mère et de sa sœur.

« J’ai besoin de vos conseils, car leurs besoins vont encore augmenter au cours de l’année à venir », a-t-elle écrit à La presse.

« J’ai réduit mes heures de travail, mais maintenant je ne peux plus le faire. Je suis déjà épuisé. Je devrais prendre ma retraite le plus tôt possible. »

Pour le moment, sa mère de 82 ans est atteinte de la maladie d’Alzheimer et vit dans une résidence privée pour aînés (RPA). D’ici deux ans, elle devra déménager dans un lieu spécialisé pour personnes en perte d’autonomie.

Sa sœur de 52 ans, atteinte d’un cancer du poumon avancé, vit toujours dans son appartement tout en recevant des soins palliatifs.

Tous deux habitent à 45 minutes en voiture d’Emilia. L’aidant doit donc parcourir de nombreux kilomètres pour faire ses courses et l’accompagner à ses visites médicales.

Avant de mourir de fatigue, Emilia souhaite prendre sa retraite. En revanche, ce n’est pas un fonds de pension qui l’attend, mais des économies qu’elle a soigneusement investies au fil du temps avec l’aide d’une société de services financiers.

Aucun travaux n’est prévu sur sa maison, puisque la propriété n’a que trois ans. Il lui reste cependant une hypothèque de 330 000 $ amortie sur 30 ans. Le sexagénaire n’a aucune autre dette.

En raison de ses antécédents familiaux, Emilia souhaite que l’analyse de sa situation financière soit effectuée en supposant une espérance de vie de 90 ans au lieu de 95 ans.

«J’estime que mon style de vie à la retraite sera de 65 000 $ net. J’aimerais savoir si cet objectif est réaliste ou si je peux me permettre davantage, car j’ai d’autres projets. »

Emilia dépense 5 000 $ par an en voyages et aimerait voyager davantage. Elle prévoit également remplacer sa voiture dans quatre ans et calcule qu’elle devra débourser 35 000 $ net pour cet achat. Enfin, elle souhaite payer les soins orthodontiques de ses deux petites-filles, estimés au total à 15 000 $.

« J’ai un partenaire, mais nous avons chacun notre propre maison. En emménageant avec lui, j’économiserais 12 000 $ net par an, mais je prévois de le faire dans quatre ans… pas avant. »

Les chiffres

  • Émilie*, 60 ans
  • RRQ estimé à 61 ans : 965 $
  • RRQ estimé à 65 ans : 1 309 $
  • Fonds de pension : aucun
  • FAMILLE : 844 000 $
  • RETOUR : 104 000 $
  • Placements non enregistrés : 52 000 $
  • FRV : 1850$
  • Valeur de la maison : 600 000 $
  • Hypothèque : 330 000 $

Le conseil

Charles Rioux-Rousseau, conseiller en développement et qualité de la pratique à l’Institut de planification financière, a analysé le dossier avec l’aide d’une spécialiste en soins, Maude Lévesque, professeure régulière à l’École de planification financière. travail social de l’UQAM.

« Les deux personnes aidées ne dépendent pas d’Émilia pour leurs finances, ce qui est une bonne nouvelle », observe Maude Lévesque.

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PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Maude Lévesque, spécialiste en soins et professeure régulière à l’École de travail social de l’UQAM

L’aidante spécialisée conseille cependant à Émilia d’inscrire rapidement sa mère au comptoir d’accès aux services d’aide à domicile pour personnes âgées. Sur le site SAPA, Soutien à l’autonomie des personnes âgées, il existe une rubrique pour le maintien à domicile et une rubrique pour le centre d’hébergement et de soins de longue durée.

Maude Lévesque suggère à Émilia de faire les deux demandes dès maintenant.

« Il ne faut pas tarder. C’est un cauchemar d’y accéder», raconte le spécialiste.

Les services d’aide à domicile ou d’assistance aux personnes âgées subventionnés sont très demandés et on parle de plusieurs années d’attente. Quand on doit se tourner vers le privé, cela coûte extrêmement cher.

Maude Lévesque, professeure régulière à l’École de travail social de l’UQAM

La sœur d’Émilia peut bénéficier des services plus rapidement, affirme Maude Lévesque, car son médecin a déjà fait l’évaluation.

« Lorsque vous faites une demande au guichet SAPA, vous décrivez la situation par téléphone, puis il faut des semaines pour être rappelé, puis jusqu’à un an pour obtenir l’évaluation. C’est après l’évaluation que l’on est éligible aux services. »

En attendant les services publics, Emilia doit s’assurer qu’il n’y a aucun danger là où vit sa mère, conseille-t-elle. « Est-ce qu’elle a un voisin qui peut venir voir sa maison ? S’il n’y a pas de quartier, le taux de risque ne fait qu’augmenter. »

Maude Lévesque recommande de faire une demande de place en CHSLD le plus rapidement possible, car lorsque la demande est faite en urgence, la personne doit prendre la première place qui se libère.

Le spécialiste suggère également à Émilia de profiter des services de répit pour proches aidants de l’APPUI, un organisme à but non lucratif financé par le gouvernement du Québec.

Crédits d’impôt

Concernant ses finances, Émilia peut vérifier auprès de son comptable si elle peut bénéficier de crédits d’impôt pour proches aidants.

À l’échelle provinciale, il existe le crédit d’impôt remboursable pour les aidants naturels qui soutiennent un adulte ayant une déficience grave et prolongée ou un parent âgé de 70 ans et plus.

«Ce sont les revenus de la personne aidée qui sont pris en compte pour déterminer si l’aidant aura droit à des crédits», explique Charles Rioux-Rousseau.

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Charles Rioux-Rousseau, conseiller en développement de la pratique et qualité à l’Institut de planification financière

Au niveau fédéral, le Crédit canadien pour aidants naturels (CAN) non remboursable est plus restrictif. La personne aidée doit être son conjoint ou une personne à charge.

«La Chaire en fiscalité et finances publiques met à disposition un calculateur très bien conçu pour ce type de crédits», précise Charles Rioux-Rousseau.

Consultez le calculateur de la Chaire en Fiscalité et Finances Publiques

Quels revenus de retraite sont possibles ?

Emilia souhaite arrêter de travailler maintenant afin d’avoir suffisamment d’énergie pour prendre soin de sa mère et de sa sœur.

Le planificateur financier Charles Rioux-Rousseau a élaboré quelques scénarios.

« Comme elle a un portefeuille agressif avec beaucoup d’actions, j’ai extrapolé sa situation avec un rendement de 4 %, explique-t-il.

« Elle veut un coût de la vie net de 65 000 $ par an, j’ai donc commencé avec cette hypothèse pour les calculs. »

Compte tenu de tous ses placements ainsi que de la rente de retraite du Régime de retraite de Le Québec et la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) prise à partir de 65 ans, Emilia épuise son capital vers 79 ans. « Il ne lui reste plus que les pensions du gouvernement pour payer toutes ses dépenses.

« J’ai refait les calculs avec les mêmes hypothèses, mais un coût de la vie de 50 000 $ par année », poursuit Charles Rioux-Rousseau. Dans ce cas, elle aurait de l’argent jusqu’à 97 ans. »

Que se passe-t-il si Emilia opte pour un coût de la vie de 55 000 $ par an ? Elle atteint alors 90 ans, l’âge qu’elle avait visé.

Dans les trois scénarios, Emilia conserve ses biens.

Comment financer vos autres projets ? L’achat d’une voiture et les frais d’orthodontie pour vos deux petites-filles ?

Emilia n’est pas prête à vendre sa maison, dit-elle. Elle prévoit toutefois vivre avec son partenaire dans quatre ans, ce qui lui permettrait d’économiser 12 000 $ par année, selon ses calculs.

En vendant sa propriété, elle récolterait au moins 300 000 $, estime le planificateur. Elle disposerait alors des liquidités pour ces deux projets.

« J’ai refait les calculs incluant la vente de la propriété, le gain de 300 000 $ et le coût de la vie annuel prévu de 65 000 $, explique l’urbaniste, et j’ai été surpris du résultat. Elle aurait des revenus jusqu’à 97 ans. »

Ce quatrième scénario fonctionne pour Emilia.

Éventuellement, elle pourra peut-être partager son revenu imposable avec son conjoint de fait dans sa déclaration de revenus. Les retraits de votre fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) pourraient être fractionnés.

Pour le moment, Charles Rioux-Rousseau lui conseille de retirer à compter de janvier 2025 son fonds de revenu viager (FRV) de 1 850 $, qui est immobilisé. Les règles ont été modifiées, explique-t-il, et un retraité peut retirer des fonds d’un FRV et d’un CRI à partir de 55 ans.

Enfin, Emilia doit vérifier si les testaments de ses proches sont en règle afin que tout soit prêt pour l’héritage.

*Bien que le cas mis en lumière dans cette section soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

 
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