Le 23 décembre 2024, le ministre qatari de l’Énergie, Saad Sherida al-Kaabi, lance un avertissement sans équivoque à l’Union européenne dans les colonnes du Financial Times : si des sanctions financières sont appliquées dans le cadre de la nouvelle directive européenne sur le développement durable, le Qatar cessera exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers le bloc.
Durabilité : uune réglementation européenne controversée
La directive européenne sur le devoir de diligence en matière de durabilité des entreprises, entrée en vigueur en juillet dernier, vise à imposer aux entreprises des normes strictes en matière de droits de l’homme et de protection de l’environnement. Les entreprises qui ne respectent pas ces exigences s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial.
Saad al-Kaabi a dénoncé ces mesures comme « ingérables » pour des géants de l’énergie comme QatarEnergy. Selon lui, ces amendes équivalent à « 5 % des revenus générés par l’État qatari » et constituent une atteinte directe aux finances publiques du pays.
Le Qatar : un partenaire énergétique clé pour l’Europe
Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Europe a cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz, faisant du Qatar un acteur stratégique. Des accords à long terme signés avec des pays comme l’Allemagne, la France et les Pays-Bas ont permis de compenser la baisse des importations de gaz russe. En 2023, près de 20 % des besoins en GNL de l’UE étaient couverts par le Qatar.
Cependant, l’adoption de cette directive, combinée aux objectifs climatiques ambitieux de l’UE visant à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, menace de mettre à mal ce partenariat. La mise en œuvre complète des nouvelles règles est prévue pour 2027, ce qui laisse peu de temps pour trouver un terrain d’entente.
Fournisseur | Part de marché (%) | Durée des contrats |
---|---|---|
Qatar | 20 | Long terme |
ÉTATS-UNIS | 25 | Long terme |
Norvège | 15 | Moyen terme |
Russie (réduit) | 10 | Place |
Autres (Australie…) | 30 | Varié |
Conséquences potentielles pour l’UE
L’arrêt des exportations qataries de GNL pourrait avoir des répercussions importantes :
- La sécurité énergétique compromise : Alors que les stocks de gaz européens sont encore fragiles, la perte des approvisionnements qatariens pourrait provoquer des pénuries, notamment en hiver.
- Hausse des prix de l’énergie : L’arrêt des livraisons augmenterait la volatilité des marchés, augmentant ainsi les factures d’énergie des ménages et des entreprises.
- Impact géopolitique : Cette crise pourrait affaiblir encore davantage la position de l’UE dans les négociations avec d’autres exportateurs d’énergie comme les États-Unis ou la Norvège.
Un compromis encore possible ?
Al-Kaabi a suggéré qu’un ajustement des règles, limitant les sanctions aux revenus générés sur le territoire européen, pourrait ouvrir la voie à des négociations. Cependant, l’UE semble déterminée à respecter ses engagements environnementaux, malgré les défis que cela représente. D’autant que, comme le souligne Selectra, la consommation de gaz est en baisse : -8,3% à fin septembre 2024 en France.
Alors que l’Europe s’efforce de concilier sécurité énergétique et transition écologique, la position du Qatar constitue un rappel brutal des défis économiques et géopolitiques liés à la durabilité. Cette menace pourrait-elle inciter l’UE à revoir sa directive ou à accélérer la diversification de ses fournisseurs ?
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