Saviez-vous qu’une petite chenille pourrait changer l’avenir de nos arbres ? La mineuse d’aiguilles prolifère aujourd’hui sous l’effet du réchauffement climatique, et fait rougir les aiguilles du roi des forêts, qui finissent alors par tomber. Les scientifiques, en étudiant son cycle de vie, espèrent comprendre sa propagation avant qu’elle ne touche davantage les forêts françaises… et vos sapins de Noël
Discret depuis des années, le mineur d’aiguilles (Epinotia suit), une toute petite chenille verte de quelques millimètres de long, cause aujourd’hui bien des ennuis aux gestionnaires forestiers, notamment dans les forêts de sapins du sud-est de la France et des Préalpes du Sud. Les observateurs du Département de la santé des forêts y ont constaté une défoliation massive.
En tant que « mineur », cet insecte creuse des tunnels à l’intérieur des aiguilles pour se nourrir, entraînant la défoliation et l’affaiblissement des arbres. Bien que cet insecte soit indigène, c’est-à-dire naturellement présent dans la région depuis longtemps, ses populations sont aujourd’hui en expansion sous l’influence du changement climatique.
Cette petite chenille représente une nouvelle menace pour les sapins argentés (Abies alba), un arbre emblématique de ces régions.
Une espèce indigène qui pullule
Les premières épidémies deEpinotia suit ont été signalés dans les Pyrénées aragonaises, en Espagne, entre 1995 et 1997. Ces épisodes, caractérisés par une multiplication rapide et massive des populations d’insectes, faisaient suite à des épisodes de sécheresse intense. Ils ont provoqué un dépérissement important des massifs touchés au cours des années 1990.
Depuis cette période, la mineuse des aiguilles est restée largement discrète, avant de réapparaître en 2017 avec de nouveaux foyers dans les forêts de sapins du sud-est de la France.
Si la mineuse a été repérée dans d’autres régions françaises, comme l’Île-de-France ou le Massif Central, ce sont les forêts de sapins du sud-est de la France, et notamment des Préalpes du Sud, qui montrent depuis 2017 des signes inquiétants. d’attaques répétées et intenses. Initialement concentrés au sud, ces foyers s’étendent désormais vers le nord-est dans la vallée du Haut Var, touchant de nouveaux peuplements de sapins.
La capacité d’expansion de cet insecte et son potentiel de prolifération représentent un risque pour les autres régions forestières. Leur impact précis sur la santé des arbres reste mal documenté. Ce qui est sûr, c’est que l’affaiblissement provoqué par la défoliation pourrait accroître la vulnérabilité des sapins à d’autres stress environnementaux, comme la sécheresse.
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De plus, la défoliation provoquée par le ravageur perturbe également le microclimat des forêts de sapins. Elle provoque ainsi une dégradation de cet écosystème, une conséquence qui mérite attention, notamment dans le contexte du changement climatique.
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Étudier la mineuse des feuilles pour mieux comprendre et prévenir ses attaques
Afin de mieux comprendre le cycle de vie de la mineuse des aiguilles du sapin, deux unités de recherche INRAE d’Avignon – l’unité expérimentale d’entomologie et de forêt méditerranéenne (UEFM) et l’unité d’écologie forestière méditerranéenne (URFM) – ont mis en place un élevage de chenilles sous contrôle. conditions de laboratoire. Cet élevage s’avère essentiel, car la biologie et l’impact de la mineuse des aiguilles du sapin restent peu documentés dans la littérature scientifique.
Actuellement, les informations dont nous disposons sur son cycle de vie ne révèlent que des informations globales sur son évolution.
Le mineur d’aiguilles de sapin, Epinotia suitest un petit papillon de la famille des Tortricidae qui mesure jusqu’à 13 mm à l’âge adulte. Chaque année, les adultes sortent de sol fin avril et leurs vols se poursuivent jusqu’au début juin. Durant cette période, les femelles pondent entre 4 et 12 œufs sur les branches supérieures des sapins.
C’est au stade larvaire (chenille) que cet insecte devient un véritable défoliateur. Les jeunes chenilles, atteignant 6 à 7 mm, pénètrent les aiguilles par leur face inférieure pour s’y nourrir en creusant des galeries. Après leur deuxième mue, ils attaquent également les aiguilles plus anciennes.
À la fin de l’été, les chenilles tombent au sol sur un fil de soie pour s’enfouir dans les premiers centimètres du sol et se transformer en chrysalides. Après avoir passé l’hiver en terre, ils donnent naissance à de nouveaux papillons au printemps suivant, principalement en mai.
L’élevage de cet insecte en laboratoire devrait permettre aux équipes de recherche de combler certaines de ces lacunes en collectant des données fiables et détaillées sur le développement, le cycle de vie et le comportement de l’insecte.Epinotia suit.
Maintenues dans un environnement stable (température de 19°C et humidité de 70%), les pupes ont été collectées au printemps dernier dans les zones infestées et placées dans des cages d’émergence (sortes de petites volières). Les équipes de recherche ont ainsi pu observer l’évolution complète de Epinotia suiten étudiant toutes les étapes de son cycle de vie, sa durée de vie moyenne en captivité et son comportement alimentaire.
Ce suivi en laboratoire a permis de récolter de précieuses données. Au total, 465 papillons ont émergé, le pic d’émergence étant observé le quatrième jour. La durée de vie moyenne des adultes en captivité a été mesurée à 12 jours, avec un ratio équilibré de naissances mâles et femelles.
Ces données constituent une base solide pour les recherches futures sur le cycle biologique et la dynamique des populations de cette espèce.
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La mineuse des feuilles ne fait pas seulement des trous, elle « grignote » aussi
Le dispositif d’élevage a permis de préciser les différents types de dégâts provoqués par l’alimentation de la mineuse du sapin. La majorité des chenilles présentaient un comportement de mineur, creusant un trou dans l’aiguille pour se nourrir en formant une galerie. Mais certains ont également provoqué des dégâts de type « grignotage », s’attaquant aux aiguilles depuis l’extérieur.
Les observations réalisées sur le terrain ont permis d’évaluer l’ampleur des dégâts causés par le mineur d’aiguilles après une phase épidémique. Les premiers résultats révèlent que plus de la moitié des aiguilles des arbres attaqués ont été touchées, avec des taux pouvant dépasser 60 % dans certains cas. Ces chiffres mettent en évidence l’impact important de ces épidémies sur la santé des forêts de sapins.
Les observations réalisées lors de l’élevage ont permis de mieux décrire ces dégâts et d’ajuster les méthodes de suivi des attaques dans les sapinières argentées.
Deux types de surveillance sont ainsi prévus pour mieux comprendre la dynamique des attaques.E. suivant.
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La première consistera à suivre l’expansion géographique des populations de mineuses des feuilles vers le Nord-Est, au-delà de son habitat initial dans le parc des Préalpes d’Azur.
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La seconde sera dédiée aux populations jusqu’alors épargnées par les proliférations, notamment celles du Mont Ventoux, afin d’identifier les facteurs biologiques et climatiques favorisant de telles proliférations.
Bien que les parasitoïdes deE. suivant (c’est-à-dire les organismes capables de se développer au détriment de la chenille et ainsi réguler ses populations) ne sont pas encore connus, l’élevage réalisé cette année a permis de mettre en évidence des pistes prometteuses. Hyménoptères de la famille Eulophidés pourrait jouer un rôle de parasitoïde dans la régulation naturelle des populations de mineuses.
Ainsi, cette étude montre qu’il est possible de développer des stratégies pour préserver la résilience des forêts de sapins français face à des menaces croissantes, tant dues aux ravageurs tels queE. suivant que ceux liés à la sécheresse et à d’autres facteurs climatiques.
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