Pour inciter les consommateurs à acheter des produits plus bénéfiques pour leur santé, les pouvoirs publics utilisent deux types d’outils incitatifs : l’information (affichage nutritionnel) et les prix (taxes et subventions). De nombreuses études ont mesuré l’efficacité des variations de chacune de ces politiques prises séparément. Peu de choses ont été faites sur l’efficacité de leur combinaison.
Des chercheurs d’INRAE, spécialistes en économie appliquée, ont testé la complémentarité de ces deux outils à travers une méthode expérimentale impliquant 386 Grenoblois, représentatifs de la diversité de la population française. En parcourant une épicerie virtuelle, ils ont dû remplir leur panier alimentaire à deux reprises, en choisissant parmi 290 produits commerciaux : une première fois sans politique et une seconde fois avec une des politiques testées. Les changements induits par ces outils incitatifs pourraient ainsi être évalués par rapport au premier panier de référence.
Trois politiques distinctes ont été comparées :
- Politique d’affichage uniquement, via Nutri-Score.
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Politique tarifaire seule, avec une taxe de 10% pour les produits D, 20% pour les produits E ; une subvention de 10% des produits B et de 20% des produits A.
Modalité 1 avec un prix explicite : le prix après le contrat est affiché à côté de l’ancien prix qui est barré.
Modalité 2 avec un prix implicite : seul le prix avec politique est affiché. -
Combinaison de politiques de prix et d’affichage, le prix étant présenté explicitement
Modalité 1 : mêmes évolutions de prix que pour les politiques de prix seules (10% et 20%)
Modalité 2 : petite variation de prix (plus ou moins 1 ou 2 centimes d’euro).
Les résultats de l’expérimentation montrent que le Nutri-Score seul a un effet positif sur la qualité nutritionnelle des produits achetés, supérieur à l’effet d’une seule politique de prix pour ces niveaux de taxation, la politique de prix explicite étant plus efficace qu’une politique de prix implicite. changement. Pour évaluer la qualité nutritionnelle, les chercheurs utilisent le score FSA, allant de -15 à 35, le chiffre le plus bas indiquant la meilleure qualité nutritionnelle. Un panier moyen a un score FSA de 3,1 sans politique alimentaire ; avec le Nutri-Score, ce panier passe à un score de 0,97. En revanche, ce score passe d’une moyenne pré-politique de 2,93 à 1,57 avec une politique tarifaire explicite.
En combinant le Nutri-Score avec cette politique de prix, la qualité nutritionnelle des achats n’est pas significativement améliorée par rapport au Nutri-Score seul, même si la politique à forte modification est plus efficace que celle à faible modification de prix. Entre le premier panier et le deuxième, l’écart de score est en moyenne de 3,23 avec la meilleure combinaison des deux politiques, contre 2,67 avec le Nutri-Score seul et 1,86 avec la meilleure politique de prix. Les effets de ces deux politiques ne sont donc pas cumulatifs. Les consommateurs réagissent ici davantage aux messages normatifs qu’aux incitations monétaires testées assez importantes (10 à 20 %).
Peu d’effet sur les dépenses des ménages, quelle que soit la politique testée
Sur le plan économique, ces différentes politiques alimentaires ont peu d’impact sur le budget alimentaire des ménages, même si l’on constate que la politique normative du Nutri-Score a à elle seule un impact sur le prix par calorie du panier moyen (+0,22 € /2 000 kcal acheté).
Enfin, qu’en est-il du coût de ces politiques pour l’État ? En extrapolant les données quotidiennes obtenues sur une année, les chercheurs ont estimé le coût fiscal par ménage et par an des différentes modalités (dépenses publiques annuelles totales en subventions – gains fiscaux annuels totaux provenant des impôts). Alors que pour le Nutri-Score, ce coût fiscal est de 0 €, il s’élève à 233 € par foyer et par an avec une politique avec des changements de prix importants, voire 279 € lorsque cette politique tarifaire est combinée au Nutri-Score.
Référence
Crosetto P., Muller L., Ruffieux B. (2024). Label ou taxes : pourquoi pas les deux ? Tester des politiques nutritionnelles mixtes en laboratoire. Journal du comportement et de l’organisation économiques. DOI : https://doi.org/10.1016/j.jebo.2024.106825
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