(Ottawa) La scène se déroule dans le train pour Kiev, en 2022. Alors qu’ils se retirent dans leur cabine, les membres de la délégation canadienne tentent de trouver une bouteille de vin. Pas de chance : il n’y a pas d’alcool à bord, leur dit-on.
Ce que vous devez savoir
- La publication d’une biographie de Chrystia Freeland a été avancée d’environ un mois et demi, en raison de la démission du ministre en début de semaine ;
- Le livre lève le voile sur les tensions survenues entre elle et le ministre des Finances de l’époque, Bill Morneau, qui a également démissionné ;
- «Elle sera une grande joueuse, quoi qu’il arrive», a déclaré à son propos l’ancien premier ministre Brian Mulroney, interviewé avant son décès.
C’était jusqu’à ce que Chrystia Freeland s’implique.
Lors de ses discussions (en ukrainien) avec les agents de bord, elle a fini par mettre la main sur une bouteille de bourbon, qu’elle a ensuite partagée avec ses collègues, raconte-t-on dans une biographie du ministre démissionnaire parue ce vendredi.
« C’est peut-être une anecdote, mais elle illustre parfaitement quelque chose qui est devenu une évidence […] : dans le gouvernement Trudeau, certaines choses ne se feraient jamais sans Chrystia Freeland», lit-on dans les premières pages de l’ouvrage.
Elle est désormais exclue du siège du pouvoir exécutif à Ottawa parce qu’elle a refusé de faire certaines choses – selon la version qu’elle a donnée dans sa lettre de démission.1 ce qui a provoqué un séisme politique sur la colline lundi.
Initialement, la biographie non autorisée (publiée uniquement en anglais) devait paraître le 4 février 2025. Mais à la lumière de ce qui s’est passé en début de semaine, la maison d’édition a avancé sa sortie en librairie.
«Je ne pensais pas que cela se terminerait de manière aussi acrimonieuse», déclare l’auteure Catherine Tsalikis. Elle est très fidèle et a déjà été la numéro deux des hommes puissants au cours de sa carrière. Mais en même -, Chrystia Freeland n’est pas un tapis. »
Alors qu’elle était étudiante à Kiev à la fin des années 1980, elle défia le KGB. « Votre Canadien est un fauteur de troubles notoire. Vous devriez mieux contrôler vos citoyens», a déclaré le régime dans un télégramme envoyé à l’ambassade du Canada à Moscou.
Chef de bureau de - Financier à Moscou, dans les années 1990, elle a écrit sur la toute-puissance des oligarques pour lesquels le président Boris Eltsine avait déroulé le tapis rouge.
[Chrystia Freeland] n’a jamais eu peur des hommes puissants.
Catherine Tsalikis, auteur de Chrystia – De la rivière de la Paix à la Colline du Parlement
Tensions avec Bill Morneau
De la capitale russe en passant par Londres et New York, l’auteur nous emmène au forum international de Banff, en Alberta, en 2011. À l’époque directrice générale de l’agence de presse Thomson Reuters, Chrystia (Christina, de son vrai nom) Freeland en fait partie. des panélistes.
Elle a attiré l’attention de celle qui allait devenir la chef de cabinet de Justin Trudeau : Katie Telford – celle-là même dont l’influence sur les politiques n’est pas étrangère au départ du ministre « sur lequel Trudeau comptait ».[ait] le plus », lit-on dans le livre.
Ses débuts en politique, sur les bancs de l’opposition, ne lui plaisent pas particulièrement. « Je ne pense pas qu’elle aimait l’opposition ; Je ne pense pas qu’elle soit faite pour être dans l’opposition », a témoigné Bob Rae, ancien chef libéral par intérim, dans le livre.
C’est véritablement comme pilote de la renégociation de l’ALENA qu’elle laisse sa marque. Mais elle n’y parvient pas sans offenser certaines personnes, notamment son prédécesseur Bill Morneau, détaille-t-on dans l’ouvrage.
«Il y avait notamment des tensions entre Chrystia et Morneau sur ce que devait être l’issue», et elle «était exaspérée parce qu’elle avait l’impression qu’il ne voyait pas la situation dans son ensemble», confie au quotidien une source gouvernementale anonyme.
La revue Politique extérieure nommera son diplomate de l’année en juin 2018, alors que les négociations commerciales sont toujours en cours et que l’administration Trump vient d’imposer des droits de douane sur les produits canadiens en acier et en aluminium.
Et dans un discours prononcé à Washington lors de la cérémonie de remise des prix, Chrystia Freeland a critiqué cette décision. “Le discours n’a pas été bien accueilli à la Maison Blanche”, peut-on lire dans la biographie.
Le président américain Donald Trump la qualifiera également de « méchante femme » (méchante femme) quelques jours plus tard lors d’un appel avec Justin Trudeau. « Son comportement était totalement toxique », a-t-il répété lundi dernier sur son réseau Truth Social.
Entre fidélité et ambition
Un nouveau chapitre commence désormais pour Chrystia Freeland. « En tant que numéro deux, on l’appelait ‘la ministre de tout’, et peu de gens seraient surpris si elle devenait un jour chef du Parti libéral », écrit l’auteure Catherine Tsalikis.
« Si Chrystia a de telles ambitions, elle les garde secrètes, en prenant soin de minimiser les spéculations sur le leadership, même parmi ses amis et sa famille », ajoute-t-elle, citant notamment sa sœur Natalka.
Il ne lui viendrait même pas à l’idée « d’essayer de réussir son [programme] devant celui de Justin Trudeau», affirme Natalka, qui fait partie des quelque 130 personnes avec lesquelles le biographe s’est entretenu pour cet ouvrage.
Le dernier mot, à la page 295, revient à l’ancien premier ministre Brian Mulroney. « Elle sera une joueuse de haut calibre, quoi qu’il arrive. »
1. Lire « Démission de Chrystia Freeland : la lettre qui a mis le feu aux poudres »
Lire un extrait de la biographie de Chrystia Freeland dans la section Dialogue
Chrystia – De la rivière de la Paix à la Colline du Parlement
Catherine Tsalikis
Presse de la Maison Anansi
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