Dans un peu plus d’un mois, Paul Marcon, le fils du chef triplement étoilé Régis Marcon, représentera la Haute-Loire et la France au Bocuse d’or, le concours gastronomique le plus prestigieux au monde (lire ci-dessous). Depuis son plus jeune âge, l’envie de cuisiner anime le plus jeune des quatre enfants Marcon. « Il cuisinait pour ses amis, il nous préparait des crêpes au petit-déjeuner… C’était déjà son truc », se souvient son père Régis, le grand chef installé à Saint-Bonnet-le-Froid, son village natal.
« La compétition était son école »
Après l’université, Paul prend un virage radical et intègre le lycée hôtelier de Thonon-les-Bains. « J’avais d’assez bonnes notes, certains de mes professeurs étaient surpris que j’aille en bac technologique », se souvient Paul Marcon. Une décision « assez évidente » pour lui alors que le « père » indique qu’il n’a jamais eu aucune influence dans son choix d’orientation. « Avec ma femme Michèle, nous ne les avons jamais poussés à faire ce métier », souligne Régis Marcon qui travaille au quotidien avec son fils Jacques. En Haute-Savoie, le jeune Paul va à l’école. Et, très vite, à seulement 16 ans, il s’inscrit à son premier concours : Worldskills France. «Quand il m’enseignait, je me souviens avoir appelé ses professeurs pour leur dire qu’il était trop tôt et qu’il devait d’abord apprendre à cuisiner. Mais il a tout de suite eu envie de participer à des compétitions et il s’est vite intégré dans ce moule », poursuit Régis Marcon.
« Cela m’a tout de suite plu, car j’aime la compétition en général. C’est naturel pour moi de le faire dans mon métier de chef. Mon père m’avait fait part de ses propos, mais c’était mon désir et personne ne m’y a forcé. » Paul Marcon a participé trois fois aux Worldskills, pour trois finales et une médaille. « Les concours sont l’école de la pudeur, de la rigueur et de l’envie de se dépasser, explique le chef étoilé. Il a connu des échecs et des succès. La compétition était son école, c’est un compétiteur né. Tout le contraire de moi, ça n’a jamais vraiment été mon truc. J’étais plutôt autodidacte, j’avais peu d’expérience culinaire, nous avons déménagé très jeunes à Saint-Bonnet avec Michèle. »
« 100% moi-même lors des compétitions »
Par la suite, le benjamin de la famille Marcon est parti acquérir de l’expérience dans plusieurs restaurants étoilés à Lyon avant de s’installer en Suède, pays dans lequel il a vécu et travaillé pendant deux ans avec son épouse Noémie. «Je n’ai jamais dirigé mon propre restaurant. Que ce soit dans ma carrière ou à l’école, j’ai toujours travaillé pour quelqu’un et suivi ses ordres. Le seul espace de liberté créative dont je disposais était lors des compétitions. C’est la seule manière que j’ai trouvée d’être moi-même à 100% », décrit Paul Marcon. Au fil d’un apprentissage ponctué de concours, le jeune chef s’est forgé une cuisine qu’il qualifie de « technique » et « précise ». « J’aime pousser les choses plus loin qu’en général. J’aime creuser des idées et essayer de trouver la prochaine tendance. J’aime la recherche constante de nouvelles idées ou techniques et aussi le calcul dans les moindres détails, parfois même au-delà de la cuisine, qu’il s’agisse du choix des matériaux ou d’autres choses. »
Cette quête constante de précision et de détail est, en ce moment, très utile au chef, aujourd’hui âgé de 29 ans. Le 27 janvier, il représentera la France au Bocuse d’or, l’équivalent de la Coupe du monde culinaire. Paul Marcon côtoiera 24 autres chefs, tous sélectionnés pour représenter leur pays. Le concours gastronomique le plus prestigieux pour cet amoureux des concours depuis ses années d’école hôtelière. « C’est évidemment une fierté de représenter la France. C’est une expérience incroyable et unique. J’avais déjà eu cet honneur en junior, lors de la finale mondiale des Worldskills, mais le Bocuse d’or, c’est le niveau supérieur. » Un concours que son père Régis a remporté, il y a près de 30 ans, en 1995 (lire ci-dessous).
Et pour ce passionné de concours, participer au plus important concours de cuisine gastronomique est une belle opportunité, mais surtout un immense défi. «Je l’avais en tête depuis très longtemps. C’était d’abord un rêve, puis un objectif et maintenant c’est une réalité. » Et Paul Marcon est bien placé pour le savoir, il faut avoir fait ses armes ailleurs pour y participer. « On ne saute pas directement dans le grand bain, on se prépare longtemps à l’avance en faisant d’autres compétitions. Le Bocuse d’or est une préparation quotidienne et de longue durée. Nous sommes détachés auprès du concours depuis plus d’un an. C’est quelque chose d’assez rare, on y est quasiment à 100% tous les jours depuis douze mois. Pour les autres compétitions, nous préparons davantage le week-end, l’après-midi ou lors des pauses entre deux prestations. C’est très particulier, il faut optimiser chaque jour. Et c’est paradoxal, car on a beaucoup de -, mais ça passe quand même très vite ?! »
Et pour se préparer au mieux, le leader altiligérien s’est entouré, dès le départ, d’un collectif fort et solidaire avec l’Equipe de France. Le grand jour, il sera épaulé par son commis Camille Pigot. Et le duo est coaché par le Meilleur Ouvrier de France 1993, le chef Christophe Quantin. « Il y a eu une réorganisation au fil des mois en fonction de nos besoins et des forces en présence. Il est important de bien s’entourer, car il faut créer une synergie. Il faut savoir donner le meilleur de soi presque chaque jour. » A l’occasion d’une telle échéance, l’équipe française offre au chef Marcon et à ses partenaires un environnement de travail confortable. Six jours par semaine, Paul Marcon se prépare au centre d’entraînement de l’Equipe de France à Écully (Rhône).
En septembre, le sujet du premier test, « le plateau », a été dévoilé. Les 24 candidats devront cuisiner du gibier, du foie gras et du thé. Le thème de la deuxième manifestation, « l’assiette », a été dévoilé il y a à peine trois semaines. Pour cette nouvelle édition du Bocuse d’or, ce sont le céleri, le maigre et le homard qui devront être sublimés. « Nous avons encore des choses à régler. Nous avons jusqu’à Noël pour peaufiner nos recettes et nos préparations dans les moindres détails. Après les vacances, nous passerons à la période des « examens blancs », un moment compliqué, car nous avons travaillé et chronométré chaque étape individuellement, mais il faudra toutes les intégrer aux conditions du concours. On fera le premier examen blanc entre nous et ensuite on enchaînera tous les deux jours jusqu’au grand jour», décortique Paul Marcon.
Et plus le - passe, plus la pression augmente. « On commence à avoir l’impression que ça s’accélère. On reçoit plus d’appels, la presse nous en demande beaucoup plus. Ça augmente petit à petit, mais on reste entre nous et on fait notre travail. On reste dans notre bulle», poursuit le candidat de l’Equipe de France. Pour maximiser leurs chances, Paul Marcon, Camille Pigot et l’Equipe de France sont suivis par un préparateur mental. « Il gère les inquiétudes ou les problèmes potentiels du groupe. C’est comme une petite famille qui vit et travaille ensemble. Parfois, il peut y avoir des choses à régler. » Et la dernière semaine avant la compétition, l’entraîneur sera là tous les jours.
Comme son père Régis, Paul Marcon est un passionné de course à pied. Une manière de soulager la pression d’un tel rendez-vous. « J’en ai besoin, j’aime le sport en général. Autant pour le bien-être physique que pour la nécessité d’évacuer. » Et le plus jeune des enfants Marcon (Jacques, Marie, Thomas et Paul) a de quoi être sous pression. « Je n’aurai pas de seconde chance. On ne sait pas ce qui va se passer, la préparation aura été longue et intense, mais ça reste une compétition, ce n’est pas la vraie vie. J’ai encore beaucoup de choses à faire dans ma vie privée et professionnelle », relativise Paul Marcon.
Après un repos bien mérité, il rejoindra son père, son frère Jacques et son épouse Noémie dans les cuisines du restaurant familial trois étoiles de Saint-Bonnet-le-Froid. En attendant, le chef de 29 ans va se transcender pour succéder à Davy Tissot, le dernier Bocuse d’or français, sacré en 2021. « J’ai toujours envie d’aller le plus loin possible. J’avais besoin de me mettre au défi et je ne veux pas avoir de regrets. Mon histoire familiale, mon prénom… Il y a beaucoup de facteurs de pression, mais j’en ai besoin, ça fait partie de mon comportement. Je le fais pour moi et je me débarrasse de tout obstacle potentiel. Bien sûr, ce serait une immense fierté de ramener le trophée en Auvergne, en Haute-Loire et à Saint-Bonnet-le-Froid, trente ans après mon père. »
« Le concours gastronomique le plus prestigieux au monde »
Créé en 1987 par Paul Bocuse, le Bocuse d’or a été imaginé comme une compétition sportive spectaculaire où les nations rivalisent d’excellence pour remporter ce trophée exceptionnel.
Le principe ?? Réunissez 24 chefs du monde entier, parmi les plus prometteurs de leur pays, et demandez-leur de préparer deux plats en 5 heures 35 minutes sur un thème imposé au cœur d’une arène de 8 000 m2 devant un public enthousiaste. Au terme de deux journées intenses, un jury, composé de quelques-uns des chefs les plus reconnus de la planète, décerne trois distinctions, le Bocuse de bronze, d’argent et d’or.
En trente ans, le Bocuse d’or est devenu l’événement professionnel auquel de plus en plus de pays souhaitent participer. C’est pourquoi, depuis 2007, les sélections continentales du Bocuse d’or Europe, Amérique Latine et Asie-Pacifique ont été créées pour déterminer les 24 finalistes. La finale mondiale, organisée lors du SIRHA de Lyon, a lieu tous les deux ans et détermine, devant des centaines de milliers de spectateurs et de professionnels, qui détiendra désormais le titre de « meilleur chef du monde ».
Au-delà d’un simple concours culinaire, le Bocuse d’or est aussi « un événement extraordinaire, une aventure humaine et collective ». A l’image d’un athlète de haut niveau, chaque candidat dispose de sa propre équipe et de ses supporters qui le soutiennent pour l’accompagner jusqu’à la plus haute marche du podium. Dans ce contexte, Team France a été créée en 2012 pour accompagner et encadrer le candidat français au Bocuse d’or. Elle est composée de chefs, Meilleurs Ouvriers de France, Bocuse d’Or, coachs, professionnels de la restauration, partenaires engagés ou simplement passionnés de cuisine…
Régis Marcon : « Une sacrée aventure »
Bocuse d’Or. En 1995, il y a près de 30 ans, Régis Marcon remportait le Bocuse d’or, titre qui honore, tous les deux ans, le « meilleur chef du monde ». Dans quelques semaines, son fils Paul tentera lui aussi sa chance. « Le Bocuse d’or, c’est toute une aventure. C’était une opportunité à saisir et j’ai eu la chance de la vivre en 1995. La victoire a mis Saint-Bonnet en lumière ?! Il y avait une bouteille de champagne par habitant, se souvient Régis Marcon. J’ai été le premier chef à gagner de l’argent en ayant ma propre entreprise. Cette victoire m’a donné beaucoup plus de confiance. » Moins d’un an après le titre, Paul est né. Et le choix du prénom n’est pas dû au hasard… Par la suite, le chef déjà étoilé en a obtenu un deuxième en 1997, puis un troisième en 2005… Photo NM
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