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SÉRIE [2/6]. Alena, Ukrainienne de 30 ans réfugiée en France avec sa fille à cause de la guerre, nous raconte avec passion l’importance de Noël dans son pays dont les traditions lui tiennent toujours à cœur.
Cette année, Noël est arrivé une dizaine de jours plus tôt dans la famille d’Alena. C’est en tout cas ce qu’on se dit lorsqu’elle vient nous accueillir ce jeudi 12 décembre, à la porte de son immeuble de Blagnac (Haute-Garonne), dans un haut blanc brodé de fleurs et de bandes colorées. « C’est le costume traditionnel ukrainien de Noël », nous explique-t-elle d’emblée dans un français plus que correct, quoique encore un peu hésitant. On sent déjà que pour nous présenter son Noël ukrainien, Alena Skyba, 30 ans, a sorti le grand jeu.
Dirigez-vous vers le 4ème étage, où dans l’appartement d’Alena, nous attend sa fille, Macha, avec sa grand-mère et une amie de sa mère, venue avec ses deux filles. Ces trois-là sont arrivés en France il y a quelques mois, contrairement à la famille d’Alena, qui a fui l’Ukraine il y a plus de deux ans. “Mais depuis, nous sommes devenus très proches, c’est comme si nous étions de la même famille aujourd’hui.” Et ce n’est pas rien à dire, car pour Alena, Noël « c’est avant tout la famille ».
12 plats, comme les 12 apôtres
Une célébration qui ne ressemble à aucune autre sur ce point. « En Ukraine, c’est vraiment une occasion pour nous de nous retrouver », dit-elle en décrivant les soirées autour de grandes tables, toujours ouvertes à la possibilité d’accueillir un ou plusieurs invités de dernière minute. Une générosité qu’il est impossible de nier, à voir les sourires des six filles lorsqu’elles nous présentent le résultat d’une journée entière à préparer les plats traditionnels de leur pays. Sur la petite table de la salle à manger, pas moins de 12 plats – à l’image des 12 apôtres – nous attendent !
« Normalement, nous ne commençons à manger que lorsque la première étoile du soir apparaît », explique Alena. Mais il n’est encore que 16 heures, nous allons donc faire une exception. A la fenêtre, un décor singulier attire le regard, une sorte d’étoile faite de fines branches liées entre elles et ornée d’une couronne en son centre. Alena, fleuriste, l’a réalisé. Tout un symbole pour elle : « En Ukraine, notamment dans les villages et dans les montagnes, les enfants parcourent les rues avec cette sorte d’étoile accrochée au bout d’un bâton, brandi comme un étendard, allant de porte en porte en chantant des chants de Noël. .
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Dès l’explication terminée, Macha, elle aussi très joliment vêtue du costume traditionnel (pantalon rouge et haut blanc brodé à manches longues), nous le démontre sur l’air bien connu du chant des cloches. Mais le temps presse et on nous ordonne de nous mettre à table. «Nous commençons toujours par la koutia», explique Alena en nous présentant un plat de céréales dans une sorte de bol. « Il est généralement fabriqué à partir de grains de blé bouillis, avec des graines de pavot et du miel », poursuit la jeune maman. Dans ce pays très agricole, le culte des céréales est important.
Les dates ont changé
« Pour nous, Noël est aussi l’occasion de remercier le ciel pour la récolte passée, et de prier pour la prochaine », poursuit Alena, qui nous montre au passage la composition d’épis de blé séchés qui orne sa table, que nous appelons didukh. Cette dernière sert autant à marquer l’importance de la récolte qu’à honorer la mémoire du défunt.
Un détail nous avait échappé jusque-là : il n’y a aucune viande dans aucun des plats. « Cela fait aussi partie de nos traditions », souligne Alena. En effet, on remarque une majorité de préparations à base de légumes, cuits ou crus, dans des salades ou des soupes, avec des légumineuses, des féculents et certains poissons. Les assaisonnements sont soignés, sans chichi. Tout est déjà disposé et les convives sont invités à se servir eux-mêmes, dans l’ordre et dans les proportions qu’ils souhaitent.
« Le réveillon de Noël correspond aussi pour nous à la fin du jeûne, c’est pourquoi il n’y a pas de viande », explique Alena. “Le jour de Noël, par contre, c’est très copieux, on mange beaucoup !” Ces dernières années, comme en France, la fête a été déplacée aux 24 et 25 décembre. Auparavant, l’Ukraine célébrait Noël les 6 et 7 janvier, comme l’exige l’Église orthodoxe russe. La guerre a évidemment accéléré sur ce point également le rapprochement avec l’Europe occidentale.
« Et comme on est en France, on respecte encore plus ces nouvelles dates, parce que c’est plus simple aussi. Cela correspond aux vacances scolaires et cela nous permet de rester dans l’esprit de Noël local. »