pourquoi il ne faut pas enterrer le réseau de gaz trop vite

pourquoi il ne faut pas enterrer le réseau de gaz trop vite
pourquoi il ne faut pas enterrer le réseau de gaz trop vite

Entrepreneuriat – Transition énergétique : pourquoi il ne faut pas enterrer trop vite le réseau gazier

La baisse progressive de la fréquentation du réseau gazier français va-t-elle entraîner des suppressions d’emplois chez GRDF ? Ce n’est peut-être pas si simple. Si la consommation de gaz fossile est appelée à diminuer dans le cadre de la transition énergétique, cette réduction sera compensée par l’injection de gaz vert, ce qui nécessitera de conserver et d’entretenir un réseau gazier plus stratégique que jamais pour assurer l’indépendance énergétique des pays. , tout en créant des emplois au cœur des territoires. Un nombre d’emplois dans le secteur gazier qui pourrait même doubler d’ici 2050, selon l’Ademe.

La veille de Noël, y aurait-il de l’eau dans le gaz chez GRDF ? Une partie des salariés du principal distributeur de gaz en France s’est déclarée en grève au cours du mois de décembre, pour protester contre les mesures d’économies annoncées par le groupe. Alors que les syndicats GRDF évoquent un montant de 180 millions d’euros d’économies étalés sur quatre ans, la direction de l’entreprise a déjà annoncé son intention de supprimer 300 postes, essentiellement au détriment de l’activité « transport » du groupe.

Moins de gaz, donc moins de réseau ?

Mais pourquoi économiser, et pourquoi maintenant ? Anticipant une hausse de ses coûts ainsi que la baisse progressive de la fréquentation de son réseau, GRDF avait préalablement demandé à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) de revoir à la hausse ses tarifs de distribution. Des revendications auxquelles l’institution n’a que partiellement cédé, fixant la hausse des tarifs de distribution de gaz à +27% – bien loin des +41% demandés par GRDF. C’est donc pour combler le déficit anticipé que la direction du groupe a décidé de présenter un plan d’économies, précipitant l’ire de ses propres troupes.

Moins de gaz – « il faut gérer une baisse des volumes de 3 % par an », soutient le Échos Jérôme Chambin, directeur du développement de GRDF – donc moins de réseau ; et donc moins d’agents. Sur le papier, l’équation semble inarrêtable. Mais à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si simples, la direction du groupe concédant qu’avec ses quelque 200 000 kilomètres de canalisations, « le réseau sera encore nécessaire ” demain : ” c’est donc faux », corrige M. Chambin, « dire que moins de volumes entraînera forcément une réduction des effectifs » au sein du groupe.

Un réseau « nécessaire et essentiellement dimensionné » pour l’avenir

Et la direction de GRDF invoque les conclusions du dernier rapport de la CRE sur l’avenir des infrastructures gazières. Publié en avril dernier, le document a en quelque sorte replacé le réseau au milieu du village gazier. Ses auteurs, qui ont travaillé sur trois scénarios de production/consommation à l’horizon 2030 et 2050 – chacun s’inscrivant dans un objectif de neutralité carbone – ont livré « neuf enseignements (…) sur la place du gaz dans le mix énergétique français et (…) des stratégies de développement des infrastructures gazières qui permettront de mettre en œuvre (…) les objectifs (de) la future PPE » (programmation énergétique pluriannuelle).

Des conclusions sans équivoque, qui mettent fin à l’idée selon laquelle le réseau gazier français serait irrémédiablement voué à un lent déclin. Alors, si « adapter les réseaux à la production de gaz décarboné nécessitera des investissements compris entre 6 et 9,7 milliards d’euros d’ici 2050 », les auteurs du rapport estiment que « le réseau de transport de gaz actuel reste largement nécessaire même en cas de baisse prononcée de la consommation », et ce notamment afin de « compenser les écarts géographiques et temporels entre consommation et production » de gaz.

Par ailleurs, la France devant continuer à occuper « une place importante dans le système gazier européen, les flux générés par le transit pour nos voisins européens nécessiteront le maintien d’un réseau surdimensionné par rapport aux seuls besoins nationaux ». Enfin, si « la moindre flexibilité de la production de gaz vert va entraîner une modification du profil d’utilisation du stockage, (…) le réseau de distribution de gaz s’est largement renouvelé ces dernières années » notent les auteurs du rapport. ” Dans tous les scénarios », conclut la CRE, le réseau « restera, dans une vision nationale, nécessaire et essentiellement dimensionné pour la production de gaz vert ».

Un « atout indispensable », « clé de voûte » de la transition énergétique

Long de plus de 200 700 kilomètres, le réseau gazier sera donc, demain encore plus qu’aujourd’hui, essentiel à la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la France. Robustes, contrôlables et adaptables, les infrastructures gazières continueront largement de s’avérer nécessaires pour assurer la logistique des gaz renouvelables et bas carbone, indispensable pour décarboner l’économie et assurer la sécurité du système énergétique français et européen. Ce qui fait dire à Philippe Madiec, secrétaire général adjoint de GRTgaz, que « le réseau de transport de gaz, capable d’accueillir des gaz renouvelables et bas carbone (…), représente un atout essentiel pour rendre possible une transition énergétique économique ».

« Le réseau gazier se distingue par sa capacité à s’adapter, déjà avec l’injection de biogaz, une énergie décarbonée qui contribue à la valorisation des déchets et qui crée de nouvelles ressources pour les territoires », acquiesce Jean-Charles Colas Roy, président de l’association Coénove, qui regroupe les professionnels du gaz du secteur du bâtiment. Selon lui, les réseaux de transport et de distribution de gaz seront « les clés de voûte d’une transition énergétique réussie en garantissant la sécurité d’approvisionnement, la flexibilité et le développement rapide du biogaz, énergie locale, stockable et renouvelable ».

Emplois dans les territoires

Indissociable de la transition énergétique, le réseau gazier représente également une source importante d’emplois et de dynamisme dans les territoires. Certes, les emplois liés à l’importation de gaz fossile devraient diminuer ; mais ces réductions devraient être largement compensées par des créations d’emplois dans les filières du biogaz et de la méthanisation, qui pourraient, selon les scénarios, représenter jusqu’à 77 000 ETP (équivalents temps plein) d’ici 2050., selon l’Ademe, cité par un rapport de The Shift Project de 2024. Toujours selon ce rapport, si « Les emplois soutenus par l’importation de gaz naturel (pas plus de quelques centaines aujourd’hui en France) sont voués à diminuer, proportionnellement à la contraction de la demande de gaz naturel, soit une division par 2 à 3. », « en ce qui concerne le transport, la distribution et la commercialisation du gaz (…) les emplois du réseau gazier se maintiendront à un peu moins de 33 000 ETP, de 2015 à 2050. »

Enfin, ” pour l’exploitation du biogaz produit par méthanisation, dans le scénario 1, l’emploi passe de 580 ETP directs en 2015 à 14 000 ETP (y compris les emplois agricoles induits) en 2030 et 35 000 ETP en 2050. Dans le scénario 3, l’emploi passe de 580 ETP directs en 2015 à 17 000 ETP (y compris les emplois agricoles) en 2030 et 44 000 ETP en 2050. Au total, sur la base d’une estimation de 33 000 ETP, le nombre d’emplois directs liés au secteur « Gaz » s’élève à environ 55 000 ETP en S1 et 59 000 ETP en S3 entre 2015 et 2030. , puis jusqu’à 68 000 ETP en S1 et 77 000 ETP en S3 en 2050 (y compris emplois agricoles induits). »

Atout stratégique tant du point de vue de nos engagements climatiques qu’en termes de souveraineté énergétique, le réseau gazier français continuera donc, demain, à générer des emplois non délocalisables au cœur des territoires grâce au gaz vert. De quoi réfléchir à deux fois avant de l’enterrer trop vite.

 
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