Alors Premier ministre, Gabriel Attal avait proposé d’étudier la mise en place de la semaine de 4 jours dans la fonction publique. Une dissolution et une censure ensuite, l’idée n’est plus dans l’air du -. Mais que sait-on des entreprises qui sont déjà passées à la semaine de quatre jours ? Loin de l’idée d’un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle, l’étude des accords signés révèle une intensification paradoxale du travail.
La semaine de quatre jours suscite un intérêt croissant depuis la crise sanitaire, à l’échelle internationale. En France, certains représentants de la direction et dirigeants politiques sont devenus de véritables promoteurs de ce système, à l’image de Laurent de la Clergerie, président et fondateur du groupe LDLC au sein duquel tous les salariés bénéficient de trois jours de repos par semaine.
D’ailleurs, comme le montre une récente étude du Crédoc, cette aménagement du - de travail est également très appréciée des salariés qui l’évoquent régulièrement pour décrire leur rythme de travail idéal. Il n’y a pas eu de poussée législative récente en faveur de la semaine de quatre jours, mais le code du travail permet aux entreprises de l’adopter en signant une convention collective. D’ailleurs, le ministère du Travail estime que 10 000 salariés expérimentaient cette aménagement du - de travail en janvier 2023.
Peu d’exemples, mais une forte présence médiatique
Bien que le sujet soit très médiatisé, les exemples d’entreprises qui ont adopté la semaine de quatre jours sont toujours les mêmes (LDLC, IT Partner, Welcome to the Jungle, etc.) et ont pour point commun d’avoir réduit le - de travail hebdomadaire. moins de 35 heures. Mais hormis ces quelques cas présentés comme emblématiques, il existe très peu de connaissances globales sur ce que recouvre la semaine de quatre jours dans les entreprises : s’agit-il d’une semaine de quatre jours (avec réduction du - de travail) ou en quatre jours (sans réduction du - de travail global) ? horaires de travail) ? Comment cette organisation du - de travail affecte-t-elle les horaires et les rythmes de travail des salariés ? Quelles catégories de salariés et quels secteurs sont concernés ?
C’est pour répondre à ces questions qu’une étude a été réalisée sur quatre jours au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) à partir de l’analyse approfondie de 150 accords signés en 2023 et qui mettent en œuvre partiellement ou totalement une organisation. du - de travail en quatre jours. Ces textes ont été tirés au sort et sélectionnés sans préjuger a priori de ce qu’est « la » semaine de quatre jours.
La principale raison avancée dans les accords pour adopter la semaine de quatre jours est la volonté d’améliorer le bien-être au travail des salariés, qualifié de facteur de compétitivité des entreprises car susceptible de favoriser les gains de productivité. Mais au-delà de ces déclarations d’intention, comment les entreprises organisent-elles la semaine de quatre jours ?
Des journées plus longues pour une semaine plus courte
Tout d’abord, l’analyse des accords montre que la semaine de quatre jours est très souvent mise en œuvre sans réduction du - de travail : près de 9 fois sur 10, il s’agit en effet de compresser la semaine de travail sur quatre jours sans réduire le - de travail. . Logiquement, cette semaine de quatre jours (sans réduction du - de travail) implique un allongement de la journée de travail. Ainsi, très souvent, les accords fixent la durée effective de travail à 8h45 par jour pour les salariés à 35 heures et à 9h45 pour ceux à 39 heures. Ce - ne comprend généralement pas les pauses, notamment celle de midi, ce qui fait que la durée journalière de travail approche ou dépasse régulièrement les 10 heures par jour.
Même si ce n’est pas systématique, les salariés dont le - de travail n’est pas compté en heures mais en jours (taux journalier) sont souvent intégrés dans cette nouvelle organisation du travail. Leurs jours chômés (type RTT) sont alors portés à un par semaine. Mais aucun accord étudié ne laisse présager une éventuelle réduction de la charge de travail. Au contraire, la plupart d’entre eux mentionnent que la charge de travail restera la même avec la semaine de quatre jours. Autrement dit, ces salariés devront effectuer le même travail en quatre jours au lieu de 5 avec des journées de travail plus longues ou plus denses.
Cette remarque sur le maintien de la charge de travail identique s’applique également à tous les salariés et pas seulement aux forfaits journaliers. C’est également valable dans les rares entreprises qui envisagent de réduire la durée hebdomadaire du travail : les salariés sont invités à faire de même en moins de -. Dans ce cas, la semaine de quatre jours implique une intensification du travail. La semaine de quatre jours signifie donc pour les salariés que leur rythme de travail est soit inchangé, soit intensifié.
Des installations diverses
Malgré ces caractéristiques communes, l’analyse des accords révèle différents types de semaines de quatre jours selon les secteurs d’activité et les salariés concernés. La semaine de quatre jours sur cinq est le cas le plus répandu (63% des textes) et offre donc aux salariés un jour de repos supplémentaire (fixe ou en rotation) en plus des deux jours du week-end. Cette organisation du travail s’observe dans l’industrie, la construction et dans les emplois de bureau, notamment dans les services à forte valeur ajoutée. Dans cette configuration, la semaine de quatre jours est présentée soit comme une compensation de l’absence de télétravail pour les postes non éligibles au travail à distance, soit comme un substitut partiel au télétravail puisque l’adoption de la semaine de quatre jours s’accompagne d’une réduction (ou voire suppression) en nombre de jours de télétravail.
Si cette semaine de quatre jours sur cinq est celle dont on parle le plus aujourd’hui, l’étude des accords d’entreprise révèle néanmoins deux autres aménagements du - de travail en quatre jours. Une deuxième manière d’organiser la semaine de quatre jours consiste à la considérer comme un instrument permettant d’assouplir le - de travail en fonction des besoins de l’entreprise. Cette semaine modulée de quatre jours qui concerne 20% des textes, toujours dans l’industrie et les métiers de bureau, permet aux entreprises de faire face aux fluctuations de leur activité dues aux saisons ou au carnet de commande, avec par exemple la semaine de quatre jours à 32 heures suivie de semaines de 5 ou 6 jours à 40 heures ou plus. De ce fait, cette opération rend possible des semaines de travail intenses au-delà de la durée légale sans que la direction ait à payer d’heures supplémentaires puisque le - de travail est lissé sur l’année. Avec ce dispositif, la semaine de quatre jours s’inscrit dans la continuité des mesures d’assouplissement du - de travail menées depuis les années 1980 au nom de la compétitivité des entreprises.
Le mirage d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée
Enfin, la semaine de quatre jours peut également être organisée non pas sur 5, mais plutôt sur 6 ou 7 jours. Cette semaine de quatre jours concerne 16 % des textes et est souvent adoptée dans des services, très féminisés, en contact direct avec un public et qui fonctionnent sur des plages horaires étendues (santé, commerce…). Pour la direction des établissements, elle présente l’avantage d’augmenter l’amplitude journalière et ainsi de faciliter la mise en place de journées de travail longues sur un nombre de jours plus réduit.
Dans ce scénario, la semaine de quatre jours se cumule avec un travail régulier le week-end ou en fin de journée, et ni le troisième jour travaillé ni les deux jours de repos hebdomadaire ne sont fixes. Ici, la semaine de quatre jours par semaine constitue avant tout un système susceptible de faire accepter aux salariés de fortes contraintes horaires et remet en cause l’idée selon laquelle cette organisation du - de travail serait nécessairement favorable à la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. .
Il est donc remarquable que la semaine de quatre jours véhicule une conception paradoxale du bien-être au travail qui repose avant tout sur des éléments extérieurs au travail. Au même titre que la journée de 12 heures à l’hôpital, le principal avantage de ce système serait alors, pour les salariés, l’éloignement potentiel de leur travail pendant leur - de repos. En ce sens, la semaine de quatre jours est avant tout une manière d’échapper au travail « précipité ». Cependant, avec l’allongement de la journée de travail et/ou l’intensification du travail qu’elle implique, la semaine de quatre jours peut aussi contribuer à son tour à un travail dégradant qui se comprime, augmentant encore les aspirations à mettre celui-ci à distance.
Pauline Grimaud, Maître de conférences à l’Université de Tours
Cet article a été initialement publié sur le site The Conversation France