« Je pensais tourner la page, passer à autre chose. J’envisageais de déménager, de quitter Le Passage-d’Agen. » Visages tirés par des nuits blanches, un deuxième procès épuisant et quatre jours d’allers-retours entre Agen et Auch, Sophie Ratier fait face à l’absence de réponses claires. Un répit aussi. « Tout se répète constamment en boucle dans ma tête… »
Jeudi 19 décembre, Jean-François Nabarlas et son fils Abraham Garcia ont été reconnus coupables, en appel, du meurtre de sa mère, France Piechocki, tuée dans sa maison en mars 2020. John Nabarlas, fils et frère de l’accusé, a été reconnu coupable. acquitté du crime. Condamné uniquement pour les faits d’escroquerie, ayant participé à l’utilisation de la carte bancaire volée à la victime, il a pu sortir de détention, sa peine ayant déjà été purgée derrière les barreaux.
« Je suis pessimiste de nature, j’ai toujours eu peur d’un acquittement. Mais de toute façon, je ne sais pas si les grosses phrases changent quelque chose. On m’a laissé entendre, avant ce deuxième procès, qu’un des jeunes pourrait prendre la parole. Aujourd’hui, j’ai plus de doutes que d’informations, malgré les deux auditions. A chaque fois, on nous propose un nouveau scénario… »
Vertige abyssal
Concevoir cet acte comme un meurtre crapuleux reste impensable pour les proches de France Piechocki. « Ma mère n’était pas une personne agressive, elle avait 75 ans, mesurait 1,50 mètre et pesait 50 kg. Lui voler sa carte de crédit, en la bousculant, en l’enfermant dans une pièce, aurait été plus simple. Je suis sûr qu’elle s’y serait opposée, mais elle n’aurait même pas envisagé de porter plainte. Pourquoi s’embêter avec son visage ? La frapper encore alors qu’elle était au sol ? Sinon, vouloir le détruire… »
Meurtre de France Piechocki : 30 ans de réclusion criminelle requis, en appel, contre les trois accusés
Dernier jour du procès, ce mercredi 18 décembre, de Jean-François Nabarlas et de ses fils, Abraham Garcia et John Nabarlas, où le père a, une nouvelle fois, assumé la responsabilité de la mort d’un retraité de 75 ans, dans son maison à Passage-d’Agen, en 2020
Vertige épouvantable pour Sophie Ratier, témoin de la bienveillance dont fait preuve sa mère envers la famille Nabarlas-Garcia, ses anciens voisins. «Lorsque leur électricité a été coupée, elle a tendu les fils de sa maison pour qu’ils aient du courant. Elle leur a donné des choses, des vêtements pour bébés. Elle a connu les deux frères très jeunes ; On l’appelait même Mamie Ader, du nom de son petit chien. Ils savaient qu’elle leur ouvrirait la porte… » Les déclarations laconiques de l’accusé n’ont pas permis à la fille de France Piechocki de comprendre le motif financier, « de la part des gens qui conduisent des Mercedes et agressent quelqu’un qui possède une vieille Punto ».
« Ma mère avait 1 200 euros à la retraite, pas beaucoup d’argent. Elle avait mis en viager sa maison, dans laquelle elle gardait beaucoup de souvenirs, car elle n’avait pas les moyens de l’entretenir. Massacrer une personne aussi vulnérable qu’un enfant pour sa carte de crédit, sans rien lui voler d’autre, je ne comprends pas. Sinon c’est sordide. »
« Un cauchemar qui dure »
« C’était une femme très simple, très attentive aux autres. En tant qu’infirmière, elle s’occupait du quartier, faisait des vaccins, prenait soin du grand-père qui habitait à côté et accompagnait jusqu’au bout son mari atteint de la maladie de Parkinson. » La vie de France Piechocki, marquée par des drames intimes – la mort de son premier mari, celle de son fils – tourne autour de ses petits-enfants. « Elle s’est battue pour accueillir ma nièce, a été très présente pour ses petits-enfants, elle était la grand-mère idéale. Nous vivions à 300 mètres à vol d’oiseau, nous étions très proches. Lors de ses obsèques, en pleine période Covid, nous n’étions pas plus de 9 dans l’église, nous ne pouvions pas toucher à son cercueil. Elle n’est pas repartie dignement. C’est un cauchemar qui dure encore aujourd’hui… »
« Massacrer une personne aussi vulnérable qu’un enfant pour sa Carte Bleue ? C’est sordide »
Propulsée dans une procédure judiciaire violente, comme le retour à la maison descellée avec le sang de la victime encore sur les murs, Sophie Ratier a mal vécu l’agressivité des débats devant la cour d’assises du Gers. « Je me demandais où nous étions ; J’ai ressenti du mépris pour notre douleur. Et il a fallu écouter des mensonges, des bêtises, comme quand on disait que le père venait chercher du cuivre dans son garage. Comme si ma mère possédait ce genre de chose ! »
Si la condamnation de Jean-François Nabarlas à 25 ans de réclusion criminelle est définitive, tout comme l’acquittement de son fils John, un nouveau procès d’Abraham Garcia pourrait avoir lieu, si la Cour de cassation fait droit au pourvoi formé par la défense. Pour le moment, Sophie Ratier ne veut pas y penser. Loin des terribles photos du corps de sa mère, « si modeste », couvert de bleus, France Piechocki reflète, dans les photos comme dans les souvenirs de sa famille, l’image de qui elle était : une femme bienveillante et lumineuse.