La Russie est fortement soupçonnée d’utiliser des gaz lacrymogènes ou des produits irritants en Ukraine, des armes chimiques interdites dont l’usage présente un intérêt militaire et reste difficile à prouver, permettant à Moscou de prétendre respecter ses obligations internationales.
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Les services de sécurité ukrainiens (SBU) ont revendiqué mardi l’assassinat du général Igor Kirillov, chef de la défense radiologique, chimique et biologique russe, qu’ils accusent de « crimes de guerre » pour avoir ordonné, selon Kiev, l’utilisation d’armes chimiques. armes contre les troupes ukrainiennes.
Kiev affirme avoir enregistré 4 950 cas d’utilisation par la Russie de munitions contenant des agents chimiques depuis février 2023, blessant plus de 2 000 soldats ukrainiens par « empoisonnement chimique », a déclaré l’ambassadeur d’Ukraine auprès de l’ONU, Sergiy Kyslytsya.
Les autorités russes ont rejeté à plusieurs reprises ces accusations, les qualifiant d’« absurdes ».
Selon le SBU ukrainien, les substances utilisées sont des gaz lacrymogènes ou des produits irritants – CS et CN – contenus dans des grenades larguées par de petits drones au-dessus de la ligne de front.
Malgré ces multiples présomptions, un seul cas a pu être formellement prouvé : l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a annoncé le 18 novembre que des gaz lacrymogènes anti-émeutes avaient été trouvés sur une grenade et des échantillons de sol prélevés le 20 septembre dans la région de Dnipropetrovsk. région et remis par l’Ukraine à l’organisation.
L’OIAC affirme qu’elle ne « cherche pas à identifier la source ou l’origine du produit chimique toxique ».
La Convention sur les armes chimiques interdit l’utilisation d’agents chimiques anti-émeutes « comme moyens de guerre ».
Ces substances, qui ne sont mortelles qu’à très fortes concentrations, provoquent des irritations des muqueuses et des gênes respiratoires et visuelles.
L’ensemble des preuves de l’usage d’armes chimiques a été jugé suffisant par Washington et Londres pour annoncer, en mai et octobre, des sanctions contre les institutions et entreprises publiques russes.
Déloger les tranchées
Si un seul cas a pu être prouvé, c’est notamment parce que “ce sont des agents très volatils” dont les traces s’estompent vite et le recueil des preuves est souvent hors de portée, explique à l’AFP Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique ( FRS), spécialiste des armes chimiques.
“Aller prélever des échantillons physico-chimiques en première ligne sur un théâtre de combat comme celui-ci est particulièrement dangereux et compliqué”, explique-t-il à l’AFP.
Moscou accuse également Kiev d’utiliser des armes chimiques, mais « les Russes n’ont, contrairement aux Ukrainiens, jamais apporté un début de preuve », précise le chercheur.
Et l’usage de ces armes répond à un intérêt militaire pour les Russes, qui sont à l’offensive : « quand on attaque devant des positions retranchées, l’usage d’armes chimiques a du sens, mais quand on est en position défensive, cela n’a aucun sens. intérêt.
“Les armes chimiques rendent plus compliqué le combat contre un ennemi enfoui dans des fortifications, dans des tranchées” plus faciles à déloger qu’avec des munitions “conventionnelles”, selon lui.
L’usage de ces armes chimiques permet d’affaiblir les lignes ennemies et d’ouvrir des brèches, ajoute Emma Nix, chercheuse à l’Atlantic Council.
«Dans cette affaire, l’objectif de Poutine ne semble pas être un maximum de morts et de destructions. Il s’agit peut-être davantage pour lui de tâter le terrain afin d’évaluer la réaction de la communauté internationale et de déterminer jusqu’où il peut aller », a-t-elle déclaré dans une note publiée au printemps.
Au début de l’invasion, Joe Biden avait prévenu que la Russie « paierait un prix élevé si elle utilisait des armes chimiques ».
L’utilisation d’agents chimiques non létaux présente des avantages par rapport aux gaz neurotoxiques organophosphorés comme le sarin, le soman ou le VX, qui sont « à des années lumières en termes de toxicité », selon Olivier Lepick.
“S’il l’utilisait, nous aurions la preuve que la Russie ne respecte pas ses engagements internationaux”, explique-t-il. “Ils ne doivent pas, nous en doutons, mener des activités de recherche, de production ou de développement de ces armes.”
La Russie est l’un des 198 pays signataires de la Convention sur les armes chimiques et a officiellement achevé en 2017 la destruction de 100 % de ses 40 000 tonnes d’armes chimiques.
Et si un agent neurotoxique, le Novitchok, a bien été utilisé pour les assassinats d’opposants, Moscou a toujours su nier que l’État russe en était derrière. Si elles étaient utilisées sur le champ de bataille, pour Olivier Lepick, « il ne ferait aucun doute qu’il s’agit de forces russes ».