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Rupture, future série culte ? | La presse

Vous savez quand on dit que vous devriez laisser vos problèmes personnels à la maison et votre travail au bureau ? Cette division entre notre identité professionnelle et notre vie intime est au cœur de la formidable série Rupture (VF : Dissociation), dont la deuxième saison est enfin arrivée sur AppleTV+. Avec un épisode par semaine, vous ne pourrez pas le regarder en rafale. J’ai pu en voir six, et je vais me ronger les ongles en attendant les autres.

Trois longues années se sont écoulées avant d’avoir cette suite qui est celle que j’attendais le plus du côté américain, avec la dernière saison de Le conte de la servante prévu pour le printemps. La pandémie et la grève des scénaristes à Hollywood ont retardé la production, mais l’attente en valait la peine, car nous ne sommes pas là dans une deuxième saison écrite à toute vitesse en raison du succès de la première, qui s’est terminée sur un point culminant à couper le souffle. Tout ce que nous aimons Rupture est respecté et minutieux.






Créé par Dan Erickson, un scénariste à suivre, et largement produit par l’acteur Ben Stiller, également l’un des producteurs, Rupture a surpris tout le monde par son originalité lors de sa sortie en 2022. Les meilleurs détectives ne peuvent deviner le déroulement de cette intrigue complexe, et les théories se multiplient sur les forums de fans.

En 2022, la série ne pouvait pas mieux tomber, alors que la vie de bureau était en plein télétravail. Rupture flirte avec la science-fiction tout en étant une brillante satire de la culture d’entreprise qui demande de plus en plus à ses salariés de s’investir pleinement dans des fonctions qui n’ont parfois aucune signification, hormis le salaire. Son créateur, Dan Erickson, s’est inspiré de son propre désespoir dans un travail de bureau qu’il détestait. Si vous voulez être servi face à des couloirs froids et interminables, des parkings tristes, de la musique d’ascenseur, des vidéos d’entreprise, des évaluations infantilisantes et des activités de consolidation d’équipevous en aurez pour votre argent Rupture.

Trois ans après, un récapitulatif s’impose, et j’invite les téléspectateurs qui n’ont pas encore regardé la première saison à se précipiter pour la voir, et à leur tour pour la suite de cette chronique.

Lumon Industries n’est pas une entreprise comme les autres. Ses salariés ont volontairement accepté un protocole de dissociation, en se faisant implanter une puce dans le cerveau, qui sépare leurs souvenirs entre travail et vie personnelle. Dès qu’ils entrent dans l’ascenseur de l’entreprise, ils n’ont aucun souvenir de leur vie en dehors du bureau et dès qu’ils en sortent, aucune idée de ce qu’ils ont fait au travail. Ils sont en quelque sorte divisés en deux personnalités distinctes qui ne se connaissent pas : leentre et leextérieur. Ainsi Mark (Adam Scott), dans sa version entreest un employé docile et satisfait, alors que dans sa version extérieurc’est un homme déprimé, brisé par la mort de sa femme. Sa gentille voisine dans la vraie vie n’est autre que Harmony Cobel (Patricia Arquette), sa dure patronne chez Lumon, sans qu’il s’en rende compte.

Les collègues de Mark incluent Irving (John Turturro), un employé zélé dontextérieur a l’âme d’un artiste, et Dylan (Zach Cherry), un gars sympathique ignorant qu’il est marié ailleurs et père d’enfants. Ils travaillent dans le département de raffinement des données macro, ce qui consiste essentiellement à détruire les chiffres qui défilent sur l’écran de leur ordinateur. Tout au long de la saison, on ne sait jamais à quoi cela sert, mais cela semble abrutissant, et ils sont étroitement surveillés par leur supérieur, l’imperturbable M. Milchick (Tramell Tillman), chargé des punitions.

PHOTO FOURNIE PAR APPLETV+

Dylan (Zach Cherry), Helly (Britt Lower), Irving (John Turturro) et Mark (Adam Scott)

La routine sera bousculée par l’arrivée d’une nouvelle employée, Helly (Britt Lower), qui résiste farouchement à la dissociation. Nous pouvons lui montrer une vidéo où son extérieur lui dit qu’elle est volontaire pour cette expérience, Helly refuse d’être une employée sans autre souvenir que sa vie à Lumon. Elle découvrira qu’elle est la fille du fondateur de l’entreprise, à qui l’entreprise vénère.

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Car ici on est bien plus dans une culture de secte que d’entreprise, et on devine que Lumon a des ambitions démesurées qui bafouent les fondements de l’éthique. D’ailleurs, les salariés de Lumon, que l’on dit « dissociés », sont plutôt mal vus par le reste de la société pour avoir accepté cette intervention controversée.

Durant la première saison de Ruptureon voit Mark, Helly, Irving et Dylan former une équipe pour en apprendre davantage sur leur extérieur et les véritables intentions de Lumon Industries. Cela s’est terminé par une rébellion où ils ont réussi à activer leur conscience deentre à l’extérieur, dans le but de dénoncer publiquement Lumon, en vendant l’image que ses employés sont heureux et ses projets nobles. Cela nous rappelle ces salariés des GAFAM résignés qui tentent de nous prévenir de quelque chose. Dès le premier épisode de la saison 2, Mark est de retour au bureau, où M. Milchick, plus intimidant que jamais, lui promet des améliorations pour qu’il reste.

Ce va-et-vient constant entre les deux existences des personnages est fascinant et déstabilisant, brillamment réalisé, et c’est ce que l’on retrouve, peut-être même magnifié, dans la deuxième saison de Rupture.

L’esthétique de cette série est un hommage aux espaces liminaires, ce passe-temps des internautes qui partagent des images de lieux étranges et déserts inspirant des sentiments troubles (je les regarde souvent). Tout est fait pour nous dépayser dans cette série dont les décors sont anachroniques. Pourquoi a-t-on l’impression d’être dans un bureau des années 1980 alors qu’à l’extérieur, les gens ont des téléphones portables ? Pourquoi Mark et ses collègues travaillent-ils sur de vieux ordinateurs ? Que veut réaliser Lumon ?

PHOTO FOURNIE PAR APPLETV+

Adam Scott à son poste de travail

Cette désorientation renforce notre empathie envers les personnages, de plus en plus perdus entre leurs mondes, mais déterminés à en savoir plus sur eux-mêmes.

La deuxième saison de Rupture ne tendez pas la sauce, car on passe de mystères en révélations, en rappelant par moments Brésil, The Truman Showet pourquoi pas Pics jumeaux de David Lynch, qui vient de nous quitter. Rupture est à la fois inquiétant, drôle et émouvant, porté par des comédiens extraordinaires. On le retrouvera dans les meilleurs rôles de carrière de John Turturro et Patricia Arquette, et un jalon essentiel dans celui d’Adam Scott.

Parce que Rupture questionne la part inaliénable d’humanité en chacun de nous d’une manière que l’intelligence artificielle ne pourrait jamais nous dire, à mon humble avis, cette série a tout pour devenir culte. Des choses que l’on a envie de revoir, d’en saisir toute la richesse.

Sur AppleTV+

 
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