Longtemps pays le plus peuplé du monde, la Chine connaît aujourd’hui une crise démographique, conséquence de la politique de l’enfant unique. Une crise qui va ralentir l’économie chinoise à long terme. Et remettre en cause l’objectif de devenir la première puissance mondiale.
L’actualité chinoise est toujours la même histoire. Entre histoire de marasme économique et spéculations sur les mesures de relance du gouvernement. Presque rassurant dans un monde où tout va très vite, et où les rumeurs du matin sont contredites par les tweets de l’après-midi.
La crise immobilière, la faiblesse de la demande des consommateurs ou encore la déflation sont autant de thèmes évoqués quotidiennement et de défis structurels pour l’économie chinoise. Mais au milieu de tout cela, on oublie presque la démographie. C’est un peu l’éléphant du magasin de porcelaine chinoise. C’est pourtant le principal facteur qui ralentira à long terme la croissance économique de l’Empire du Milieu. Et rendent l’équation du financement du système social, notamment des retraites, encore plus difficile.
La Chine relève déjà cette année l’âge légal de la retraite de 3 à 5 ans. Une nécessité alors que 400 millions de personnes auront plus de 60 ans en 2035. Toute ressemblance avec une situation locale n’est évidemment pas fortuite. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Sauf que l’opposition politique chinoise se fait plus discrète.
Population réduite de moitié à la fin du siècle
Dans les années 1970, le régime communiste a mis en œuvre la politique de l’enfant unique afin de limiter la croissance démographique. Une politique qui a atteint son objectif. Le taux de natalité s’est effondré et les autorités ont pu investir dans les infrastructures et le développement économique plutôt que dans les politiques sociales.
Source : Banque mondiale
La conséquence de cette politique est que les familles chinoises sont structurées de manière pyramidale. Quatre grands-parents, deux parents et un enfant. Mais au fil du temps, l’enfant est devenu un atout, qui doit seul supporter le poids des générations plus âgées. La pyramide est désormais inversée. Et une pyramide inversée, c’est bancal. Surtout pour la pérennité du système social.
C’est pourquoi le gouvernement a mis fin à la politique de l’enfant unique en 2015. Il a ensuite autorisé les Chinois à avoir 2 enfants, puis 3 à partir de 2021. Mais les naissances n’augmentent pas encore. Comme dans de nombreux pays, les femmes d’aujourd’hui font plus d’études que les générations précédentes, ce qui retarde l’âge de leur premier enfant. Ensuite, élever un enfant en Chine coûte cher, notamment à cause des coûts liés à l’éducation. C’est enfin un marqueur du manque de confiance des Chinois dans leur avenir économique et dans la capacité du régime à améliorer leur vie.
Le déclin de la population a déjà commencé. En 2021, la population chinoise culmine à 1,41 milliard. En 2022, le pays perdra 850 000 habitants, puis 2 millions en 2023. Dans le même temps, les naissances continuent de baisser pour la septième année consécutive. Et le problème va s’aggraver dans les années à venir, conséquence de la politique de l’enfant unique. La population sera ainsi de 600 à 700 millions de personnes en 2100, selon différentes estimations ; soit environ une division par deux.
Frein économique
Depuis 2023, la Chine a même perdu sa place de pays le plus peuplé du monde au profit de l’Inde. Mais le problème démographique dépasse la simple rivalité sino-indienne. En effet, à long terme, la croissance économique repose sur deux moteurs : la croissance démographique et les gains de productivité. En termes simples, plus de personnes travaillent et plus de production avec la même quantité de travail ou de capital.
Compte tenu du déclin démographique en cours, la Chine devra donc avancer avec un moteur unique. En conséquence, la croissance chinoise ralentira considérablement. Elle devrait se situer autour de 3% en 2029, alors qu’elle était encore à 6% en 2019.
Croissance du PIB – Chine
Source : Statista
La baisse du taux de croissance reflète aussi l’échec des autorités chinoises, qui n’ont pas réussi à faire pivoter une économie tirée par les exportations vers un modèle davantage tiré par la consommation intérieure. Ce qui est évidemment moins évident avec une population en déclin. Mais les choix politiques n’ont pas aidé, avec davantage de politiques d’offre que de politiques de demande déployées. En d’autres termes, le Parti communiste a préféré sur-subventionner des industries entières plutôt que de soutenir la consommation.
Un pays « vieux avant d’être riche »
La Chine n’est pas le seul pays confronté à un déclin démographique. Et la baisse de croissance potentielle qui en résulte. Il s’agit d’une tendance que l’on retrouve dans la plupart des économies développées. Le Japon est évidemment le premier exemple qui vient à l’esprit. La population a atteint son apogée en 2011, à près de 128 millions d’habitants et devrait elle aussi être divisée par 2 en 2100. L’Europe est aussi un continent vieillissant. La population de l’UE, qui atteindra 453 millions de personnes en 2026, devrait ensuite diminuer très progressivement jusqu’en 2050.
La différence est que la Chine n’en est pas au même stade de son développement. Étant la deuxième économie mondiale, elle ne peut plus vraiment être considérée comme un pays émergent. Mais ce n’est pas non plus un pays riche. Avec 1,4 milliard d’habitants, le PIB par habitant n’était en effet que de 12 600 dollars en 2023, ce qui place la Chine… au 90ème rang.ème rang mondial. La politique de l’enfant unique a donc accéléré les choses et fait de la Chine un pays « vieux avant d’être riche ».
Les imbattables États-Unis ?
L’objectif de la Chine est clair : devenir la première puissance mondiale d’ici 2049, centenaire du régime communiste. Pour y parvenir, il faudra dominer le monde économiquement, militairement et technologiquement. Et donc surpasser les Etats-Unis dans ces trois domaines, évidemment liés.
Économiquement, le PIB des États-Unis était de 27 000 milliards de dollars en 2023 contre 18 000 pour la Chine. Sur le plan militaire, même si la marine chinoise lance chaque année l’équivalent de la flotte française, le budget de l’Armée populaire de libération était d’environ 300 milliards de dollars en 2023 contre plus de 900 pour le Pentagone. Et sur le plan technologique, la Chine progresse très vite, dominant même certaines industries (véhicules électriques, panneaux solaires, batteries, etc.), mais les Américains font tout leur possible pour lui barrer la route, notamment avec des restrictions à l’exportation sur les technologies les plus avancées. semi-conducteurs avancés. A ce stade, les Etats-Unis restent donc largement en avance. D’autant que la démographie y est bien orientée, avec une population qui devrait croître très modérément au cours du siècle.
Pendant de nombreuses années, la montée en puissance de la Chine a semblé imparable. Et la voie vers le leadership mondial est claire. Désormais, Washington semble en ordre de bataille et Pékin s’enlise. Car si la prévision économique sur un horizon de quelques trimestres à quelques années est toujours un exercice difficile, la démographie est une tendance de fond, qui s’étend sur des décennies et qu’il est très difficile d’inverser.
Il ne reste plus qu’à attendre 2049 pour savoir si la Chine réussit son pari. Un horizon lointain sur lequel il est difficile de se projeter. Aucun de nous ne sait où il sera ni ce qu’il fera à cette date. Sauf peut-être une personne. Président à vie Xi Jinping… qui aurait alors 96 ans.
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