(Paris) Le Premier ministre français Michel Barnier a tenté jeudi de convaincre l’extrême droite de renoncer à le censurer, mais le Rassemblement national menace toujours de le renverser s’il ne répond pas à ses autres « lignes rouges » d’ici lundi.
Anne RENAUT, Martine PAUWELS
Agence France-Presse
Selon le gouvernement minoritaire de centre-droit, la censure à l’Assemblée nationale provoquerait une « tempête » économique et financière dans le pays, deuxième économie de la zone euro, mais cancre européen en termes de déficit budgétaire.
L’éventualité d’une France sans gouvernement fait déjà trembler les marchés. Le taux d’emprunt de la France a dépassé pour la première fois mercredi, brièvement, celui de la Grèce, pays qui avait frôlé la faillite.
A quelques jours d’échéances cruciales sur les textes budgétaires, le Premier ministre a annoncé qu’il renonçait à augmenter les taxes sur l’électricité au-delà de leur niveau d’avant le bouclier tarifaire contre l’inflation. “Cela permettra une baisse des prix de l’électricité de 14%, qui ira donc bien au-delà de la baisse de 9% initialement prévue”, a-t-il déclaré dans un entretien à Figaro.
Il accède également, au moins en partie, à la demande du RN de réduire l’aide médicale de l’État aux sans-papiers. Michel Barnier souhaite que les soins prodigués soient « significativement » réduits, et promet d’engager dès l’année prochaine « une réforme » des aides « pour éviter les abus et les détournements », une des revendications constantes de l’extrême droite et d’une partie de la droite sur l’immigration.
Le président du RN, Jordan Bardella, s’est rapidement félicité de X pour une « victoire » sur l’électricité, mais a ajouté que des « lignes rouges demeurent » pour son parti.
Malgré ces concessions, “il y a encore des difficultés”, a ajouté la chef de file de l’extrême droite Marine Le Pen dans Le mondelancer un ultimatum au chef du gouvernement. Le Premier ministre « a jusqu’à lundi » pour répondre, a-t-elle prévenu.
Lundi est en effet la date limite pour que le gouvernement modifie son projet de budget de la Sécurité sociale. Mais Marine Le Pen réclame toujours la revalorisation des retraites de tous les retraités au 1est janvier et l’annulation des remboursements de médicaments initialement prévus.
A la tête du groupe le plus nombreux à l’Assemblée nationale et tenant entre ses mains le destin du gouvernement, elle ajoute désormais que l’exécutif doit préciser comment il compte compenser financièrement ses concessions.
Formé le 21 septembre au terme de plusieurs semaines de crise politique suite à la dissolution inattendue de l’Assemblée nationale par le président Emmanuel Macron en juin, le gouvernement est particulièrement fragile.
Déficit « autour de 5% »
Il joue pour sa survie face à la motion de censure que le RN menace de voter avec la gauche, peut-être dès la semaine prochaine. Le parti lépéniste soutient également le Nouveau Front populaire (coalition de gauche regroupant la gauche radicale, socialistes et écologistes) dans sa tentative jeudi d’abroger la très critiquée réforme des retraites.
Sur le budget, l’exécutif s’est dit immédiatement prêt à “améliorer” les textes qui prévoyaient 60 milliards d’euros d’effort en 2025 afin d’assainir un déficit public très dégradé attendu à 6,1% du PIB cette année.
Mais ces « ajustements » ne « réinitialisent pas » [pas] “Remettant en cause” les “engagements” de la France vis-à-vis de la Commission européenne, a assuré jeudi Michel Barnier.
“Nous faisons tout pour rester autour de 5%” de déficit en 2025, a-t-il affirmé, alors que la France est déjà pointée du doigt par Bruxelles pour ses comptes et attend vendredi la décision de l’agence de notation S&P sur sa dette. soirée.
Appels à la démission
Dans un autre geste, envers l’extrême droite et le camp présidentiel, qui veulent à tout prix préserver les baisses de charges des entreprises, Michel Barnier a confirmé jeudi qu’elles ne seraient pas réduites pour les salaires jusqu’à 2,25 Smic.
A gauche, les concessions au RN ont provoqué un tollé.
“Le Premier ministre tourne définitivement le dos au front républicain”, a réagi le patron des socialistes Olivier Faure, accusant Michel Barnier de se tourner “vers l’extrême droite” pour “éviter la censure”, dans une “alliance de la honte”. » scellé sur « restriction de l’aide médicale de l’État ».
L’ancien président François Hollande a pour sa part rejeté les appels à la démission d’Emmanuel Macron en cas de censure, appels venant de la gauche radicale, de l’extrême droite ou de certains responsables politiques de droite.
« Avoir une élection présidentielle dans l’état dans lequel se trouve le monde, dans la situation dans laquelle se trouve le pays et que les marchés nous surveillent ? Pensez-vous que c’est la bonne solution ? Non, je n’y crois pas», a-t-il déclaré, tout en expliquant qu’il voterait la censure à l’Assemblée.
Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 63% des Français interrogés estiment que le président devrait démissionner si le gouvernement était censuré.
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