Les séries télévisées se sont parfaitement intégrées dans notre quotidien, au même titre que les films, les jeux vidéo ou les livres. Mais on ne mesure pas toujours leur influence potentielle sur la création de stéréotypes.
Au-delà de leur aspect divertissement, les séries font écho à une certaine vision de la société qui se transmet entre les générations à travers des séries devenues cultes. Amis. Une étude récente permet de mieux comprendre le rôle particulier des séries dans la perpétuation de certains stéréotypes.
Personnages de séries, vecteurs de stéréotypes
Des études en psychologie sociale suggèrent que les représentations stéréotypées naissent de la répétition d’une image de plus en plus simplifiée au fur et à mesure qu’elle se transmet d’une personne à une autre.
La série propose un discours culturel et social qui est non seulement diffusé directement auprès d’un grand nombre de spectateurs, mais qui est également répété dans chaque épisode à travers les personnages. Ces personnages auxquels on s’attache sauront en effet consolider ou transformer les représentations des spectateurs. Cette répétition est particulièrement marquée dans le cas des séries plus anciennes, dont certaines sont encore largement visionnées sur les plateformes de VOD. Réalisées d’abord pour les grilles télévisées, dont le public est captif, ces séries à la trame narrative simple jouent sur des personnages quelque peu caricaturaux, plus enclins à reproduire des stéréotypes. C’est pourquoi nous nous sommes retrouvés à étudier ces effets sur une série devenue culte, qui fête cet automne ses 30 ans, Amis.
Contrairement aux personnages d’un roman dont on peut lire les pensées grâce au narrateur, les personnages n’existent que par ce qu’ils font et disent. C’est à travers la répétition d’actions et de lignes qu’un personnage va être associé à certains traits de personnalité. Ainsi, Phoebe Buffay, dans Amispeut être qualifiée de militante car elle va répéter qu’elle est végétarienne, intervenir pour défendre les animaux, ou remettre en question certains aspects consuméristes des autres personnages. En examinant comment les actions et les dialogues d’un personnage se répètent tout au long d’une série, il est possible d’identifier différents types de répétition, avec différents rôles dans la construction d’un personnage et les stéréotypes associés. .
Créer un stéréotype avec des répétitions : mode d’emploi
Le premier type de répétition est le plus simple : la reproduction. On le retrouve notamment dans les dialogues, avec l’évocation rapide d’un seul trait de caractère, souvent à travers des plaisanteries ou des propos désinvoltes. Par exemple, le végétarisme de Phoebe est régulièrement utilisé de manière un peu ridicule ou gênante, afin de provoquer le rire du spectateur, comme dans cette scène de la saison 1 dans laquelle Phoebe fredonne une de ses créations brutes, en brodant sur le fait qu’elle reste à l’écart. à partir de produits d’origine animale. La répétition de ce trait dans plusieurs scènes instaure progressivement l’idée qu’être végétarien est quelque chose d’étrange et de ridicule.
Le deuxième type de répétition est la superposition, qui combine deux traits de personnalité à travers une blague. Dans le cas de Phoebe, son végétarisme s’accompagne d’une forme d’antipatriotisme – lorsqu’elle refuse de manger de la dinde pour Thanksgiving. Quant à son engagement pour l’environnement, on apprend qu’il s’est nourri de l’idéal d’« arboriculteur » de son père qui n’est en fait qu’un mensonge inventé par sa grand-mère.
Ces scènes superposent les engagements environnementaux de Phoebe à des traits de personnalité présentés comme négatifs – naïveté ou antipatriotisme. Ces associations négatives à caractère environnementaliste se répètent tout au long des épisodes, inscrivant ces associations dans de potentiels stéréotypes liés aux écologistes.
Le troisième type de répétition repose sur un mécanisme évolutif. Ces scènes permettent de répéter un trait de personnalité en le modifiant légèrement à chaque fois. Ainsi, au fil du temps, les personnages évoluent… et les stéréotypes associés aussi. Phoebe commence comme une ardente défenseure du développement durable, mais adopte progressivement des comportements de consommation ordinaires, comme faire du shopping dans les grands magasins ou manger de la viande. Cette évolution modifie les stéréotypes qui lui sont associés, atténuant progressivement les traits qui la rendent trop « hors norme ».
Changer les stéréotypes pour changer les mentalités
L’association progressive de ces trois types de répétition permet de donner corps à des personnages plus nuancés, plus complexes mais aussi plus réalistes, donnant ainsi vie aux stéréotypes qui se greffent à chaque étape. Ces stéréotypes s’associent également progressivement les uns aux autres au fil de la série, formant des groupes de représentations plus complexes qui peuvent évoluer de manière positive ou négative, selon le tour que prend le personnage. Ainsi, qu’il soit intentionnel ou non, le personnage de Phoebe, par exemple, influence la perception qu’ont les téléspectateurs des consommateurs durables comme étant excentriques ou déviants. Cette image peut avoir des implications concrètes, rendant plus difficile la perception de comportements durables comme normaux ou souhaitables.
D’ailleurs, certains showrunners utilisent déjà consciemment cette dimension politique et sociale des séries télévisées pour faire bouger les lignes sur les questions de représentation des minorités par exemple. Les productions de la showrunner Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy, Scandale, Comment échapper au meurtre, Les Chroniques de Bridgerton) en sont un exemple flagrant.
Très engagée sur les questions de représentation des minorités, le travail de Shonda Rhimes s’ancre dans la durée. Dans Grey’s Anatomyles premières saisons se déroulent dans un environnement où les postes importants sont exclusivement occupés par des hommes, en grande majorité blancs, dont le rapport aux femmes est discutable ; les dernières saisons ont vu des femmes de toutes origines progressivement accéder à ces postes importants. Avec Scandale et Comment échapper au meurtrele showrunner a également créé des rôles principaux exigeants pour les actrices noires. Enfin, avec la saison 3 de Chroniques de Bridgertonelle s’efforce de construire de nouvelles représentations pour plusieurs types de minorités sous-représentées au cinéma, avec des rôles d’acteurs et d’actrices noirs ou asiatiques, de femmes rondes et petites, et même un personnage végétarien dont les convictions ne sont pas ridiculisées par le personnage principal.
Les séries sont donc des outils puissants qui servent à former des personnages attachants – via des attitudes et des propos réitérés et parfois évolutifs – mais qui peuvent aussi façonner nos représentations. Ces outils narratifs sont une Source d’inspiration pour les marques et les professionnels qui souhaitent promouvoir des messages positifs de transformation de la société. Et en tant que spectateur, la prochaine fois que vous regarderez une série, soyez attentif aux indices subtils qui façonnent les personnages, de leurs tenues à leur humour. Vous pourriez être surpris par l’image qu’ils créent.
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