Lits d’hôpitaux fermés faute de personnel, postes compétitifs non pourvus, départs volontaires en hausse… Les voyants sont au rouge dans les trois fonctions publiques.
Des concours qui n’attirent plus, des agents qui démissionnent, des salaires trop bas… La fonction publique française est confrontée à une crise d’attractivité « structurelle, durable et généralisée », selon un rapport de France Stratégie, organisme de conseil placé auprès du Premier ministre. . Et la situation pourrait encore empirer dans les années à venir.
Cette crise touche « les trois pans » de la fonction publique (Etat, hospitalier et territorial, NDLR) « et toutes les catégories d’emploi et de statut », notent les auteurs du rapport. Fruit de plus d’un an et demi de travail, il a été publié quelques jours après une importante mobilisation des responsables publics qui réclamaient l’abandon de plusieurs mesures d’économies.
Côté recrutement, l’organisation souligne que
15% des postes proposés aux concours de la fonction publique de l’Etat (FPE) n’ont pas été pourvus en 2022
contre 5% en 2018. La FPE regroupe la majorité des 5,7 millions d’agents publics. Dans la fonction publique hospitalière, 21 % des lits d’hôpitaux de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (APHP) ont été fermés en 2022, dont 70 % faute de personnel, précise France Stratégie, citant un rapport de la Cour des comptes.
L’organisation explique notamment cette crise par des « concours qui n’attirent plus », avec un « décrochage » très marqué depuis les années 2010, qui entraîne un effondrement des taux de sélectivité aux concours. A la FPE, si 12 candidats se présentaient en moyenne pour un poste à pourvoir au concours externe de la fonction publique de l’État entre 2000 et 2010, il n’y en avait que 4 en 2022 ; en 2016, 297 000 candidats ont passé les épreuves, contre seulement 151 000 en 2022.
Les départs volontaires « en nette augmentation »
Mais l’enjeu pour la fonction publique est aussi de réussir à retenir ses agents, tout en
les départs volontaires « sont en nette augmentation »
déplore France Stratégie : entre 2014 et 2022, les départs sans lien avec la retraite ont augmenté de 47 %.
Conclusion : la fonction publique attire de moins en moins, avec un « risque d’aggravation » du phénomène si rien n’est fait dans les années à venir, compte tenu du déséquilibre croissant entre entrées et sorties lié au vieillissement des agents, s’inquiète France Stratégie.
-Autre facteur répulsif, la rémunération des agents publics
vécu comme insuffisant. Si certaines mesures (Ségur de la santé, Grenelle de l’Éducation) ont contribué à améliorer leur pouvoir d’achat, elles « n’ont pas permis de contrer complètement l’érosion de l’attractivité salariale de la fonction publique », estime France Stratégie, notamment si l’on compare au secteur privé. Et le choix récent du gouvernement de confirmer le gel de la valeur du point d’indice (mécanisme qui permet le calcul des rémunérations) ou de ne pas reconduire une prime en faveur du pouvoir d’achat des agents (prime GIPA) qui ont touché moins de 188 000 les fonctionnaires ne semblent pas susceptibles d’améliorer la situation.
Mais des leviers existent pour remédier à cette crise, assure France Stratégie. Sur le pouvoir d’achat, France Stratégie suggère de « renforcer la reconnaissance, y compris salariale », des agents et de mettre l’accent sur de meilleures « perspectives d’évolution et de progression » dans les carrières.
« Une Source d’économies budgétaires ?
« La fonction publique n’est vue que comme une Source d’économies budgétaires
par les ministres successifs”, regrette Johan Theuret du groupe de réflexion des hauts fonctionnaires “Le Sens du service public”, interrogé par le
AFP
.
France Stratégie préconise également de consolider la « garantie de l’emploi » : l’emploi à vie des fonctionnaires reste une « motivation importante » pour les candidats, même s’il est « en perte de vitesse ».[e] de son pouvoir d’attraction », notamment dans les secteurs où l’offre d’emploi est abondante (métiers du soin et du numérique par exemple).
Avant la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, la remise en cause de l’emploi à vie avait suscité le débat autour d’un projet de loi porté par l’ancien ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini. Très critiqué par les syndicats, le texte prévoyait notamment d’augmenter les rémunérations au mérite, de faciliter les licenciements, ou encore de supprimer le système historique des catégories (A, B et C) de la fonction publique. Il a été gelé par la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais le successeur de Stanislas Guerini, Guillaume Kasbarian, aujourd’hui ministre démissionnaire, n’avait pas exclu de reprendre certaines parties du texte.