![Les meilleures séries Netflix de l’été handicapées par des sous-titres inadaptés et infidèles : moula, keh, chanmé…](https://news.dayfr.com/temp/resized/medium_2024-07-02-c37f054b52.jpg)
Exemple : Dans le deuxième épisode, l’un des héros (Tazer) et sa bande répètent le mantra L’argent la puissance le respect. Traduction littérale : L’argent la puissance le respect. Dans les sous-titres associés à la version originale anglaise, le mantra devient La moula, le pouvoir, le respect.
Moula verser argent ? Le choix est d’autant plus surprenant que ce terme trouve ses origines dans l’argot américain. Il s’agit de la francisation de Moola (argent liquide).
Chanmé disponible à toutes les sauces
Ce cas est loin d’être isolé. Ailleurs dans la mini-série, on retrouve cette volonté farouche de choisir l’argot à la mode ou le verlan pour traduire des mots simples et sans ambiguïté.
Dans ces conditions, ces maisons sont belles, mec (traduction littérale : Ces maisons sont belles, mon frère.) devient Ces maisons sont charmantes.
Inversion des deux syllabes de l’adjectif méchant, charmé (au sens de brillant, admirable) revient inlassablement au fil des épisodes. Dans la même veine, on retrouve dans les sous-titres : hein, ken, dur à cuire, aussi, fou, Guédinetc.
Bien sûr, traduire signifie nécessairement interpréter. Une traduction littérale n’aurait aucun sens et ne servirait à rien. Mais la frontière entre interpréter et déformer est mince. Pire encore, dans ce cas, nous touchons directement à la question de la connotation.
Stephen King en français : des décennies de mauvaises traductions
Un parti pris qui s’éloigne de l’esprit des dialogues originaux
Dans la version originale, Tazer, sa bande et les bandes rivales parlent un anglais familier mais relativement conventionnel, avec un usage de l’argot limité à des expressions et mots courants. Dans les sous-titres associés à la version originale, les gangs mais aussi les autres personnages principaux utilisent de plus en plus ce que l’on pourrait appeler le langage de la rue.
C’est une manière de connoter de manière exagérée des personnages qui n’existent pas dans la version originale et… dans les sous-titres français associés au doublage français. Car oui, il existe bien deux versions sensiblement différentes des sous-titres français : celle qui accompagne la version originale, celle qui accompagne le doublage.
Dans les sous-titres liés au doublage français, le mantra L’argent la puissance le respect devient L’argent la puissance le respect, dur à cuire devient tigresse, aussi devient chaudetc.
Le tableau comparatif des dialogues
Pour se rendre compte des écarts plus ou moins importants qui séparent les dialogues originaux du doublage français et des deux sous-titres français, il suffit de dresser un tableau qui compare quelques échanges d’une scène (épisode 5, de 28 minutes et 48 secondes).
Dialogues en version originale | Sous-titres français associés à la version originale | Dialogues en VF | Sous-titres français associés à la version originale |
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Ces maisons sont belles, mon frère. | Ces maisons sont charmantes. | Ces cabanes sont vraiment élégantes, les gars. | Ces cabanes sont vraiment élégantes. |
C’est un peu un piège ici, mec. Il n’y a probablement même pas de Noirs ici. | C’est aussi ici. Il n’y a probablement pas de Noirs ici. | Il fait plutôt chaud ici, mec. Je parie qu’ils n’ont jamais vu un visage de nègre par ici. | Il fait un peu chaud ici. Ils n’ont jamais vu un visage noir ici. |
On court là-dedans, on la frappe jusqu’à ce qu’elle nous dise où il est ? | Est-ce qu’on la bat jusqu’à ce qu’elle dise où il est ? | Nous arrivons là-bas et lui donnons une petite fessée pour la faire parler. | Nous arrivons et lui donnons une fessée pour qu’elle parle. |
Fam, je plaisantais. T’es vraiment un connard. Tu veux frapper les mères pour ça ? C’est mort. | Je plaisante, tu es vraiment fou. Tu veux frapper les mères ? Tu es fou. | Je plaisantais, mec. T’es foutu, sérieusement. Tu veux tabasser des mères maintenant ? T’es fou. | Je plaisante, mec. T’es foutu, sérieusement. Tu veux tabasser des mères ? T’es fou. |
Ces fois-ci, tu viens de passer à une nana supérieure. | Tu as vraiment battu une fille. | Tu ne viens pas de baiser une fille ? | Tu ne viens pas de baiser une fille ? |
Une personne pour les sous-titres, toute une équipe pour le doublage
Il suffit de regarder le générique de fin d’un épisode pour décrypter les mécanismes de traduction et de sous-titrage d’une série Netflix.
Tout d’abord, apparaîtra l’identité (prénom, nom) de la personne qui s’est occupée des sous-titres français attachés à la version originale. Suivront ensuite le nom du studio, de ses membres et des acteurs qui ont assuré le doublage français et l’adaptation de la traduction.
Au stade du doublage, la traduction sera nécessairement différente, puisqu’il faudra tenir compte des mouvements des lèvres et du temps de parole de chaque personnage. Cette traduction différenciée est dupliquée dans les sous-titres.
Sur cette page réservée à ses partenaires, Netflix précise que « nous souhaitons que nos téléspectateurs s’identifient au contenu qu’ils regardent et que le message résonne avec la même intention que la version originale (« VO »). À moins que le contenu soit d’époque ou que l’utilisation du langage dans la VO soit différente de la façon dont les gens parlent aujourd’hui, nous suggérons aux auteurs de doublage d’utiliser un registre familier lorsque le contenu le justifie. »