« Il Miracolo », la série italienne miraculeuse à (re)voir sur Arte.tv

« Il Miracolo », la série italienne miraculeuse à (re)voir sur Arte.tv
« Il Miracolo », la série italienne miraculeuse à (re)voir sur Arte.tv

Une statuette de la Vierge pleure du sang, ébranlant les convictions d’un Premier ministre, d’un prêtre, d’un hématologue et d’un chef des services secrets… Du récit à la photo, tout est maîtrisé dans cette série entourée de mystère (re)diffusée sur Arte.tv.

Tommaso Ragno (Marcello). Photo Montesi Antonello

Par Emilie Gavoille

Publié le 25 septembre 2024 à 10h02

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CComment réagiriez-vous à la vue d’une statue de la Vierge pleurant du sang ? Votre piété en serait-elle renforcée ou votre athéisme ébranlé ? Le Premier ministre Fabrizio Pietromarchi n’a même pas le temps d’y réfléchir qu’il doit décider quoi faire de cette Madone en plastique aux yeux ruisselants d’hémoglobine, découverte par hasard lors d’une opération anti-mafia. Révéler son existence à ses concitoyens aurait certainement une vertu, à quelques jours d’un référendum incertain sur le maintien de l’Italie dans l’Union européenne : celle de détourner le peuple, abasourdi par le miracle, de la tentation de l’euroscepticisme et des urnes. Mais le risque n’est pas moins grand de voir l’étrange statuette provoquer une fièvre mystique généralisée et des émeutes incontrôlables… C’est décidé, tant que le chef du gouvernement ne saura pas à quel saint se tourner, l’effigie mariale restera cachée dans une piscine désaffectée, à laquelle n’auront accès que trois personnes, chargées par le Premier ministre d’élucider le mystère : le général Votta, chef des services secrets, l’hématologue Sandra Roversi et le père Marcello.

Le sang, sa couleur, son éclat et le choc que provoque sa vision, est une dimension fondamentale de l’intrigue.

Niccolò Ammaniti, auteur et réalisateur

Coproduit et diffusé sur Arte en 2019, Le miracle (récompensé par le Prix du Jury au festival Séries Mania de Lille en 2018) marque le passage de l’écrivain Niccolò Ammaniti — une dizaine d’ouvrages à son actif — derrière la caméra. « Pour la première fois de ma vie, j’ai pensé que cette histoire devait être racontée à l’écran sans passer par l’écriture, explique l’auteur, à la fois scénariste et réalisateur de cette captivante série de huit épisodes, variation chorale sur la croyance. Si j’avais opté pour le roman, cette Vierge aurait certainement été le personnage principal, mais il aurait été difficile de restituer sur le papier une dimension fondamentale de l’intrigue : le sang, sa couleur, son éclat et le choc que provoque sa vision. – d’autant plus si elle est de nature potentiellement divine. Y compris l’équipe de tournage. « Quand on a commencé à tourner les scènes dans la piscine olympique, quand on a mis la Vierge Marie – une statuette avec un réservoir avec un petit moteur pour faire circuler le sang – dans ce grand bassin vide et qu’elle a commencé à verser des larmes, c’était comme être dans une cathédrale : instantanément, tout le monde s’est tu. »

Au départ, pour cet ancien étudiant en biologie amateur de films d’horreur, dont les livres flirtent parfois avec la science-fiction et sont souvent mêlés à des réflexions sur les limites de la science, il s’agissait « savoir ce qui se passe dans l’esprit d’une personne rationnelle face au surnaturel. Je me suis demandé : si, un matin, je m’apercevais que mon réveil s’était mis à léviter, quelle serait ma réaction ? Je finirais probablement par l’accepter après une période d’incrédulité, comme les Anciens ont fini par admettre l’existence des éclipses… »

Chacun des personnages a quelque chose à pardonner et quelque chose qui lui manque.

Niccolò Ammaniti, auteur et réalisateur

Face à cette réalité qui, a priori, défie les lois de l’entendement humain, chacun des personnages voit ses convictions ébranlées. « Chacun d’eux a quelque chose à pardonner et quelque chose qui lui manque. » glisse l’auteur. Pour le père Marcello, homme de Dieu corrompu, la Madone en pleurs est un don du ciel, une invitation divine à revenir sur le droit chemin. À travers les doutes qui assaillent le Premier ministre Pietromarchi, c’est l’autorité suprême de l’État qui est remise en question, et le sens de l’engagement politique. Et pour l’hématologue Sandra Roversi, personnification de la raison scientifique, la tentation est grande de vouloir croire au(x) miracle(s)…

La narration s’appuie sur un langage visuel et sensoriel audacieux

D’une maîtrise époustouflante pour une première production, la mise en scène excelle à traduire l’atmosphère de mystère qui entoure la série du début à la fin et les tourments de ses personnages : leur fragilité dans des plans larges où leur environnement, vaguement menaçant, semble pouvoir les écraser ; leurs doutes dans des gros plans qui illustrent l’enfermement auquel le secret les condamne. Assez économe en dialogues, la narration, qui assume sans complexe ses zones d’ombre, s’appuie largement sur le langage visuel et sensoriel audacieux déployé par Niccolò Ammaniti, qui évoque notamment le travail de son compatriote Paolo Sorrentino (La Grande Beauté, La Main de Dieu…). Un montage qui ne refuse pas les ellipses, des emprunts à Dalí pour dépeindre les rêves torturés du Premier ministre, une photographie bleutée que le réalisateur a voulu proche de celle des scènes mystiques de Caravage et une bande-son particulièrement nette et soignée.

Diffusée au printemps 2018 en Italie, sur la chaîne payante Sky Italia, la série, malgré son humour noir (et sa vision assez caustique de l’Immaculée Conception, comparée à GPA…), n’a provoqué aucune levée de boucliers dans les milieux catholiques. « Je n’ai jamais été très intéressé par la question de savoir comment l’Église réagirait à ce type d’événements, simplement parce que je crois que l’institution serait aussi démunie de réponses que le reste du monde, commente Niccolò Ammaniti. De mon point de vue, le miracle est quelque chose qui touche autant les croyants que les non-croyants – le pape lui-même aurait été bouleversé ! Ce qui m’intéressait, c’était de sonder la manière dont chacun d’entre nous fait face à quelque chose qui échappe à notre contrôle. Ce faisant, avec Le Miracle, L’écrivain et réalisateur aura contribué à ce qui, en Italie, n’est pas un miracle, mais une résurrection discrète : le renouveau de la création télévisuelle, initié par des séries comme Gomorrhe, Le Jeune Pape, 1992 ou, plus récemment, Mon ami brillant.

Un casting de choix

Thomas Ragno
Sa composition en Le Miracle, où il incarne un prêtre intrigant en proie à une crise de foi, a valu à Tommaso Ragno le prix du meilleur acteur à Séries Mania en 2018. Avant de faire des merveilles sur le petit écran, ce grand acteur de théâtre a principalement joué des œuvres du répertoire classique – tragédies grecques, pièces de Shakespeare, comédies de Goldoni. Au cinéma, il est depuis quelques années un habitué des seconds rôles troubles, comme le noble désargenté et rusé dansHeureux comme Lazzaro, par Alice Rohrwacher et le revendeur Toi et moi, le dernier film de Bernardo Bertolucci, basé sur un livre de Niccolò Ammaniti.

Guido Caprino
Malgré quelques apparitions au cinéma – avec Marco Bellocchio, entre autres – c’est à la télévision que le Sicilien Guido Caprino, excellent ici en Premier ministre plein de doutes, a vraiment gagné ses galons. Notamment avec la fresque politico-judiciaire 1992 et ses suites 1993 Et 1994. Dans l’Italie pré-Berlusconi, il incarne un vétéran de la guerre du Golfe devenu député de la Ligue du Nord. Autre rôle notable : celui du bras droit de Cosme de Médicis dans la saga Médicis, maîtres de Florence, grand public de l’autre côté des Alpes.

Alba Rohrwacher
Alba Rohrwacher (l’hématologue Sandra Roversi) est sans conteste L’actrice italienne du moment. Fidèle, elle accompagne la carrière cinématographique de sa sœur Alice (dans Les Merveilles en 2014, en Heureux comme Lazzaro en 2018 et en 2023 en La Chimère) comme celle de son compagnon, Saverio Costanzo, qui la faisait jouer dans son long métrage Coeurs affamés (2014) et l’a choisie pour prêter sa voix au narrateur de L’ami brillant, la série adaptée des romans d’Elena Ferrante. Avec en vedette Trop de grâce de Gianni Zanasi, elle incarne une géomètre confrontée à… une apparition de la Vierge Marie.

l Le miraclemini-série créée par Niccolò Ammaniti (Italie/, 2018), 8x 50 min. Avec Guido Caprino, Alba Rohrwacher, Tommaso Ragno… Sur Arte.tv.

 
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