Michel Barnier a appelé dimanche soir son gouvernement à travailler dans la « plus grande cohésion » et la « fraternité » au lendemain de la présentation de son équipe, alliance fragile entre les macronistes et les LR, déjà sous la menace de la censure de la gauche et du Rassemblement national.
“Il faut créer avec l’équipe gouvernementale une atmosphère qui permette à toutes les initiatives, à toutes les énergies de s’exprimer, dans un climat (…) de plus grande cohésion, de plus grande fraternité”, a déclaré sur France 2 le Premier ministre, qui ne dispose pas de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
S’adressant à la fois à « l’extrême gauche » et à « l’extrême droite », il a regretté les projets de censure de son gouvernement. « Le sectarisme ou l’intolérance sont des signes de faiblesse. »
La gauche envisage de déposer une motion de censure immédiatement après sa déclaration de politique générale prévue le 1er octobre, a confirmé Olivier Faure, patron du PS, sur France 3, tout en soulignant qu’elle ne serait probablement pas votée par le Rassemblement national et donc “probablement vouée à l’échec”.
Le RN attend d’en savoir plus sur l’élaboration du budget 2025 avant de prendre une décision.
– « Progrès sociétal » –
Alors que de premières tensions sont apparues dimanche avec les macronistes sur des sujets de société, Michel Barnier a assuré que les « grandes lois » de « progrès social ou sociétal », comme celles sur l’interruption volontaire de grossesse ou la procréation médicalement assistée (PMA), seraient « préservées ».
Inquiet de l’entrée au gouvernement de plusieurs ministres LR, son prédécesseur Gabriel Attal l’avait appelé un peu plus tôt à dissiper les doutes sur ces sujets « clairement dans sa déclaration de politique générale ».
Le chef de file des députés Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance) a ajouté que son groupe resterait « libre » de ses votes à l’Assemblée.
La cause, notamment, est l’arrivée au ministère de l’Intérieur de Bruno Retailleau, qui a un profil très conservateur sur les questions sociales et une position très ferme sur l’immigration.
C’est le « gouvernement le plus à droite de la Ve République », a dénoncé Olivier Faure.
Au sein de LR, c’est « une branche conservatrice, catholique (…) qui met les bouchées doubles », relève le politologue Vincent Martigny. Or, « c’est celle qui est a priori la plus éloignée de l’opinion publique ».
– « Effort de solidarité » –
Sur les impôts, que le camp présidentiel refuse d’augmenter, Michel Barnier veut demander « aux plus riches de participer à l’effort de solidarité budgétaire », mais sans « augmenter encore les impôts de tous les Français ». Les grandes entreprises devraient aussi être concernées.
Quant à la contestée réforme des retraites, entrée en vigueur avec le soutien d’une partie de la droite il y a un an, il a promis de « prendre le temps de l’améliorer », en saisissant le dossier des partenaires sociaux.
La préparation du budget, déjà retardé d’un montant sans précédent et que le nouveau gouvernement doit présenter le 9 octobre, est devenue la priorité numéro un.
Pour Michel Barnier, la France doit « garder (sa) crédibilité » sur les marchés, alors que le déficit dépasse les 5% du PIB. Il gardera un oeil sur ce dossier explosif avec, sous sa supervision directe, le ministre macroniste des Comptes publics Laurent Saint-Martin.
« Il y aura des choix difficiles à faire » pour le redressement des finances publiques, a-t-il prévenu à son arrivée à Bercy.
– Pas de « polémique » avec Macron –
Même si quelques passations de pouvoir ont eu lieu dimanche, notamment à Bercy, les premiers pas officiels des 39 nouveaux ministres n’interviendront que lundi, avec une première réunion autour d’un petit-déjeuner à Matignon, avant un Conseil des ministres à 15h00 à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron.
Michel Barnier a écarté toute possibilité de « polémique » avec Emmanuel Macron, qui « préside » pendant qu’il « gouverne », souhaitant travailler avec lui dans un « esprit de compromis positif, dynamique », même s’il estime qu’il n’y a « pas de domaines réservés » au chef de l’Etat mais « partagés ».
Parmi les nouveaux entrants, la principale surprise est la députée Renaissance de l’Education nationale Anne Genetet, plus connue pour les questions de défense.
Les syndicats enseignants lancent déjà des salves d’injures à la ministre, « une erreur de casting » selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU.
Le seul bémol venant de la gauche est Didier Migaud à la Justice. « Ce n’est plus une personnalité que l’on peut considérer comme de gauche », a balayé François Hollande sur France Bleu Limousin, s’attaquant à un gouvernement « déjà bancal ».
Le député Eric Ciotti, que Les Républicains tentaient en vain d’exclure depuis son alliance avec le RN aux législatives, a annoncé dimanche qu’il quittait le parti et sa présidence.