Michel Barnier le 7 septembre 2024, à Paris (AFP / Ludovic MARIN)
Michel Barnier tentera de répondre aux critiques dimanche soir sur France 2, alors que son gouvernement à peine formé est déjà marqué par des tensions avec les députés du bloc central et sous la menace de la censure de la gauche et du Rassemblement national.
Une motion de censure sera déposée par la gauche juste après la déclaration de politique générale du Premier ministre, prévue le 1er octobre, a confirmé le chef de file du PS Olivier Faure sur France 3. Il a toutefois noté qu’elle ne serait probablement pas votée par le Rassemblement national et était “probablement vouée à l’échec”.
Le parti Front national attend d’en savoir plus sur l’élaboration du budget 2025 avant de prendre une décision. “Nous nous réservons évidemment un droit de censure” à ce moment-là, a déclaré son vice-président Sébastien Chenu sur franceinfo.
La fragile coalition de centre-droit a également été immédiatement marquée par des tensions entre le Premier ministre et le bloc central du président, qui gouvernait sans partage depuis sept ans.
Le groupe macroniste à l’Assemblée restera «fidèle à ses valeurs et libre de ses positions», a déclaré Gabriel Attal, chef de file des députés Ensemble pour la République (EPR, ex-Renaissance), lors d’une réunion dimanche avec ses troupes.
Il a demandé au Premier ministre « d’indiquer clairement dans sa déclaration de politique générale qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur la procréation médicalement assistée, le droit à l’avortement, les droits LGBT », selon des participants à la réunion, qui ont fait état de « désaccords fondamentaux avec certaines personnalités ».
La cause en est notamment l’arrivée au ministère de l’Intérieur du LR Bruno Retailleau, qui a un profil très conservateur sur les questions de société et très ferme sur l’immigration.
L’entrée au gouvernement (secrétaire d’Etat à la Consommation) de la sénatrice Les Républicains Laurence Garnier, opposée au mariage homosexuel et à la constitutionnalisation de l’avortement, fait aussi sourciller, tout comme celle du LR Patrick Hetzel à l’Enseignement supérieur.
C’est le « gouvernement le plus à droite de la Ve République », a déclaré Olivier Faure.
Comment Michel Barnier peut-il tenter de désamorcer la situation ? Son entourage et France Télévisions ont annoncé sa présence au journal de 20 heures de France 2, dimanche soir. Avant cela, il rencontrera les visiteurs des Journées du patrimoine à Matignon.
Les premiers pas officiels des 39 nouveaux ministres n’interviendront que lundi, avec un petit-déjeuner rue de Varenne avant la passation de pouvoir dans la matinée et un Conseil des ministres à 15H00 à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron.
Le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier, dévoilé le 21 septembre 2024 (AFP / – )
– Contexte très tendu –
La préparation du budget, déjà retardée d’un montant inédit, constitue l’urgence numéro un dans un contexte très tendu. Signe de son importance, Michel Barnier a voulu garder un oeil sur ce dossier explosif en plaçant le ministre des Comptes publics de Macron, Laurent Saint-Martin, sous sa tutelle directe.
Le gouvernement Barnier (AFP / Sylvie HUSSON)
« Exclure automatiquement certains prélèvements exceptionnels et ciblés ne serait pas responsable » compte tenu de l’état des finances publiques, a estimé dans le Journal du Dimanche le nouveau ministre de l’Economie et des Finances, le jeune macroniste Antoine Armand. Il a également promis de « réduire les dépenses publiques ».
Parmi les noms connus du public, Rachida Dati reste à la Culture, et Sébastien Lecornu aux Armées.
Les rares survivants sont le MoDem Jean-Noël Barrot, promu aux Affaires étrangères, ainsi que les macronistes Catherine Vautrin, qui part aux Territoires, et Agnès Pannier-Runacher, dans un grand ministère de la Transition écologique et de l’Energie.
Parmi les nouveaux entrants, la principale surprise est la députée Renaissance de l’Education nationale Anne Genetet, plus connue pour les questions de défense.
Les syndicats enseignants tirent déjà des salves contre le ministre, « une erreur de casting au vu des enjeux pour l’école » selon Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU. D’humeur « colérique », Guislaine David, secrétaire générale de la FSU-Snuipp, déplore la nomination d’un « clone de Gabriel Attal pour poursuivre la politique initiée ».
Deux semaines après la fin des Jeux paralympiques, les associations s’inquiètent également de l’absence du handicap dans les intitulés des ministères.
Le seul hic est venu de la gauche, alors qu’Emmanuel Macron prônait un gouvernement de « rassemblement » et que Michel Barnier s’efforçait d’attirer les sociaux-démocrates : Didier Migaud à la Justice. Mais l’ancien député socialiste a quitté la politique active en 2010.
Contraint de renoncer à certaines de ses prérogatives dans cette situation de coalition, le chef de l’Etat se concentre sur l’international avec un discours dimanche à Paris sur le thème des conflits et de la paix devant la communauté de Sant’Egidio, proche du Vatican. Il sera mardi et mercredi à New York à l’Assemblée générale de l’ONU.