Un amendement au projet de loi de finances pour 2025, adopté par les sénateurs le 17 janvier au soir, a suscité une large mobilisation des acteurs de la transition agroécologique. Le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb a en effet proposé de supprimer l’Agence Bioou Agence Française pour le Développement et la Promotion de l’Agriculture Biologique en son nom complet.
La Bio Agence, organisation de 23 salariés de droit privé, forme les citoyens à l’agriculture biologique, collecte et analyse des données sur la filière et gère le fonds Avenir Bio, qui finance des projets destinés à développer la production en agriculture biologique. Ce rôle pourrait être assuré par l’établissement public FranceAgriMer ou le ministère de l’Agriculture si le projet de loi de finances était adopté tel quel. Toutefois, un contrat d’objectifs et de performance a été signé l’année dernière entre le ministère et l’Agence Bio, fixant les « objectifs stratégiques » de cette dernière jusqu’en 2028.
« Supprimer leur agence revient à dire aux 215 000 emplois du secteur, et à un agriculteur sur six, qu’il n’y a pas de place pour la diversité des modèles. », déplorent les administrateurs et dirigeants des organisations professionnelles du secteur dans un communiqué. ” Le bio ne peut pas finir comme un dossier parmi d’autres, qui sera en plus géré par des généralistes, alors qu’aujourd’hui il est géré par des experts spécialisés. », argumentent-ils.
Les syndicats agricoles indignés
« Au mieux c’est une erreur politique, au pire c’est une grave erreur », critiquent la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), le Synabio, syndicat des entreprises agroalimentaires bio, et la Fédération des organismes économiques bio, Forebio. Dans leur ligne de mire, notamment : la position de la ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Annie Genevard, qui a considéré l’idée « pertinent ». « Ce n’est pas parce que nous internalisons l’Agence Bio que nous négligeons l’agriculture biologique, pas du tout. Nous essayons de rationaliser les coûts d’exploitation », a assuré ce dernier, vendredi devant les sénateurs. Voter pour l’amendement permettrait d’économiser 2,9 millions d’euros.
Les syndicats agricoles ont également exprimé leur mécontentement. ” Cette éventuelle suppression (…) sonne comme un énième déni du développement du bio », dénonce la Confédération paysanne. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs, de leur côté, ont regretté que cette décision « n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable avec les organisations professionnelles agricoles « . Les deux organisations parlent d’un vote » incompréhensible ».
Un « revers majeur pour la transition agroécologique »
Du côté des ONG, Agir pour l’environnement a lancé une pétition signée par plus de 36 000 personnes intitulée « Refusons la suppression de l’agence bio ». Celui-ci ” serait une tentative pour l’agriculture biologique et un signal extrêmement violent de régression écologique, sanitaire et sociale. », précise l’association. L’agence ” a su rassembler tous les acteurs agricoles de manière transpartie, en étroite concertation avec les ministères de l’agriculture et de l’environnement », salue-t-elle.
« Cette décision intervient au moment où l’agriculture biologique traverse plusieurs années difficiles, l’inflation impactant négativement son développement. », souligne Générations Futures. En effet, la consommation de produits bio est en baisse depuis 2021. La part des dépenses alimentaires des ménages français consacrée au bio est passée de 6 % en 2022 à 5,6 % en 2023, alors que 91 % des produits bio sont consommés à la maison. Générations Futures va jusqu’à exiger la démission d’Annie Genevardcelui-ci ayant “ a manqué à son devoir de soutenir l’ensemble de l’agriculture », aux yeux de l’ONG.
-La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) se tient fermement contre » cette suppression, parlant d’un « un revers majeur pour la transition agroécologique, indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité ».
Les « coûts cachés » de notre système agroalimentaire
D’autres acteurs engagés se sont également mobilisés contre l’amendement : Demeter, l’association portant le label du même nom garantissant les pratiques agricoles biodynamiques ; l’enseigne bio La Vie Claire ou encore le vice-président de la coopérative Biocoop Frédéric Faure. ” C’est notre affaire, il est inacceptable de laisser cet acte irresponsable se produire sans réagir », affirme ce dernier sur le réseau social LinkedIn.
La potentielle suppression de l’Agence Bio » fragilise un secteur déjà sous pression, rend les conversions au bio encore plus difficiles pour les agriculteurss [et] met en péril notre capacité à répondre aux crises environnementale et alimentaire », appuie le cofondateur de l’épicerie bio en ligne La Fourche, Boris Meton, sur le même réseau.
Lucie Bash, co-fondatrice de l’application anti-gaspi Too good to go et de Climate House, un lieu dédié à l’écologie à Paris, parle d’un « marteau ». « Notre maison brûle et nous ajoutons de l’huile sur le feu en prenant la décision à court terme d’économiser de l’argent. », s’indigne-t-elle.
« Préférez-vous gagner 3 millions d’euros maintenant ou des milliards dans quelques années ? », interroge Marc Batty, co-fondateur de la foncière agricole solidaire Feve, en comparant « gain généré par la suppression de cette agence ” à ” coûts cachés de notre système agroalimentaire » en termes de santé, d’environnement et de pauvreté.
Célia Szymczak
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