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Aux assises de Montpellier, Sandrine P. et son compagnon Jean-Michel C. ont été jugés pour avoir torturé et laissé mourir de faim Amandine, leur fille et leur belle-fille, alors âgées de 13 ans. En ce troisième jour de procès, le frère et la sœur ont raconté l’enfer familial. Et l’influence exercée par leur mère.
« Allez, c’est parti !… Super ! “, » Ambre, 19 ans, lance tout haut lorsque le président de la cour d’appel lui demande de venir à la barre. Mal à l’aise, la jeune fille se tortille en secouant sa queue de cheval tressée. Sur le banc des accusés : sa mère et son beau-père. Le premier, visage muet caché par de longs cheveux décolorés, regard ostensiblement baissé, est accusé d’avoir torturé et affamé Amandine, sa fille – la sœur d’Ambre –, jusqu’à provoquer sa mort le 6 août 2020. Le second est son beau-père. , accusé de l’avoir laissée faire cela. Les deux sœurs n’ont qu’un an d’écart. «J’étais proche d’elle» dit Ambre d’une voix enfantine et étrangement joyeuse. « Vous dites que vous en êtes proche, mais auprès des enquêteurs, vous l’avez qualifiée d’« hypocrite » et de « vicieuse » ! “, répond le président, donnant le ton d’une audience qui s’annonce tendue. Lorsque les enquêteurs sont venus l’interroger, après le décès de sa sœur, Amandine a expliqué – comme, assure-t-elle, sa mère le lui avait demandé – que sa sœur était anorexique, voleuse… «Je ne voulais pas que ma mère aille en prison» elle se justifie aujourd’hui.
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A la barre, Ambre raconte à toute vitesse, comme on lirait un dictionnaire, la chronique de la violence quotidienne, avec ses « punitions, assis/à genoux/bâton/gifles/arrachage de cheveux ». “Pour moi, c’était normal d’être frappé” confirmera qu’Ethan, son petit frère, a auditionné après elle. Tous deux l’assurent : Amandine était la cible préférée de leur mère. « Ethan et moi avons toujours été appréciés. Pour des cadeaux, des gourmandises…, témoigne Ambre. Malgré les coups que ma mère nous a infligés, nous avions tout ce que nous voulions. » Amandine était battue et punie plus souvent que les autres et tenue à l’écart de la vie familiale. Elle ne faisait pas de promenades avec eux, de ski, en Tunisie, au Marineland d’Antibes, ni même de baignade dans la rivière. Lorsque le président lui demande pourquoi, Ambre écarte les mains en signe d’impuissance. La vie a toujours été organisée ainsi. “J’étais égoïste, je pensais à moi-même” elle glisse.
-Puis, elle raconte comment, avec le confinement, la violence s’est accrue. Elle ne sait ni quand ni comment, mais petit à petit, sa sœur a disparu de l’espace familial : « Cela s’est produit jour après jour. » D’abord interdite de repas, puis exilée de la chambre des filles, Amandine était alors » Je suis descendu, dans le débarras, le débarras, le fourre-tout… Il y avait un lit de camp. Ambre dit, toujours sans affect apparent :
« Au début, Amandine est habillée, mais comme il y a des vols dans la maison, elle fait le ménage nue. »
« Vous avez été témoin de tout cela et vous viviez normalement ? »
” Pardon ?, le président le reprend. Votre mère lui a-t-elle demandé de se promener nue pour s’assurer qu’elle ne « volait » pas de nourriture ? » Elle avoue avoir entendu des cris venant du débarras, affirme qu’elle est descendue voir sa sœur lorsque sa mère était absente. “Et puis, c’était moi qui la regardais” ajoute-t-elle naïvement. Le président s’étrangle encore : « Quoi ? Parce que tu la surveillais ? » Amber tente de se défendre : « Oui, mais je l’ai aussi aidé à faire ses répliques de punition. »
Son petit frère expliquera que lui aussi avait pour mission de veiller sur sa sœur. À l’époque, il n’avait que 10 ans ; Ambre, 14 ans. Face à l’apparent manque de conscience de la jeune fille, le président sort de ses gouffres : « Mais ce qu’Amandine a vécu, c’est un enfer ! Avez-vous été témoin de tout cela et viviez-vous normalement ? Je comprends, tu étais petit, sous l’influence de ta mère, mais il y a des moyens de collaborer ! Tout le monde n’a pas collaboré aux chambres à gaz en Allemagne ! »
Amber ne semble pas remarquer la comparaison monstrueuse.
Elle dit qu’elle n’a pris conscience de la maigreur de sa sœur – qui pesait 28 kg et mesurait 1,55 mètre, état dans lequel une personne est normalement hospitalisée – que le jour de son décès. Ce 6 août 2020, Ambre s’est levée à midi. « Maman était très stressée en cuisine, elle disait qu’elle allait se faire aider parce qu’Amandine n’allait pas bien. Jean-Michel a porté Amandine jusqu’à ma chambre. C’est moi qui l’ai douchée, lavée, et là, quand je l’ai touchée, j’ai vu à quel point elle était maigre. Elle parlait, mais je ne comprenais pas ce qu’elle disait. Je l’ai habillée, puis ça a mousse sur sa bouche. Elle est morte. »
“Maman semblait même soulagée”
Elle en parle cliniquement, comme dissocié. “J’étais très triste, mais après j’étais comme anesthésié” se demande-t-elle.
A la maison, on ne parlait plus d’Amandine. « Maman semblait même soulagée » dit Ethan. , Nous avons fait comme si Amandine n’avait jamais existé. » Ni lui ni Ambre n’ont vraiment dit lors de leur audition qui était leur sœur, ce qu’elle représentait pour eux. « Mais quel est ton mal ? le président a finalement demandé. Souffrez-vous du décès de votre sœur ? Qu’avez-vous à en dire ? » Là, Ambre finit par s’effondrer. Pour la première fois, incapable de parler, elle se met à pleurer. Son avocat intervient, dénonçant un interrogatoire “brutal”. “Et ce n’est pas brutal?” “, répond le président en désignant le dossier d’enquête devant lui. « Il faut beaucoup de temps pour sortir de ce système créé par votre mère. » glisse doucement l’avocat à Ambre, qui hoche la tête. « C’est long, oui. » Et puis, un silence :
“Je ne voulais pas la décevoir… et je l’aime toujours !” »
Comme Ethan, Ambre regardait, très furtivement, sa mère sur son banc. Qui n’a jamais regardé ses enfants. Quand, à l’issue de l’audition de ses enfants, le président demande à Sandrine P. de réagir, elle répond, le visage toujours impassible :
«Je remercie Ambre. Ce qu’elle a dit est vrai. »
Par Emmanuelle Anizon (à Montpellier)
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