Le Hamas a profité de la première étape de la trêve pour faire une démonstration de force qui a laissé un goût amer aux Israéliens. Fragile, l’accord est néanmoins respecté.
Joie, soulagement, délivrance… Le 19 janvier, ces sentiments saluent, place des Otages à Tel Aviv et dans tout Israël, la libération de Romi Gonen (24 ans), Emily Damari (28 ans) et Doron Steinbrecher (31 ans), enlevé le 7 octobre 2023 au festival de musique Nova pour le premier, au kibboutz de Kfar Aza pour les deux autres, après 471 jours de détention par le groupe islamiste palestinien Hamas. Le bonheur est d’autant plus profond que les captifs semblent, à première vue, en bonne santé.
Les autorités médicales de l’hôpital Sheba, dans le quartier Tel HaShomer de Ramat Gan, où ils ont été reçus dans la soirée, l’ont confirmé, indiquant que leur état permettait de reporter le déroulement des premiers examens médicaux et de les laisser se concentrer sur les retrouvailles avec les proches. “C’est avec un immense soulagement que je peux vous dire qu’Emily est désormais en bien meilleure santé que ce à quoi nous nous attendions”, ajoute Mandy Damari, qui a rejoint sa fille à l’hôpital. Les premiers mots adressés aux familles, l’envie de rassurer, la nécessité de ne pas « entacher » les retrouvailles peuvent conduire à occulter les réalités douloureuses vécues en captivité. Le 21 janvier, les médias israéliens feront état de leurs conditions extrêmes de détention : ils auraient été utilisés comme boucliers humains lors de voyages, ils auraient été contraints de subir des opérations médicales sans anesthésie… Par ailleurs, le témoignage des premiers otages libérés n’est pas de bon augure. peu ou rien pour les souffrances qu’ont pu endurer d’autres captifs, sans compter ceux qui sont morts en captivité.
Les Israéliens ont tenté de minimiser la dimension « démonstration de force » de l’opération du Hamas.
Otages : le Hamas indispensable ?
Car cette première mise en œuvre de l’accord conclu le 15 janvier entre Israël et le Hamas à travers l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis (leurs deux administrations, la sortante et la nouvelle) est aussi une opération de communication. Avant de devoir répondre – du moins aux yeux de l’opinion internationale – des souffrances et blessures infligées à certains de ses otages qui seront libérés dans les prochaines semaines, le Hamas s’est empressé d’exploiter la différence de traitement – apparemment avérée, notamment en le chef de l’ancienne députée du Front populaire de libération de la Palestine Khalida Jarrar – réservé à certains des prisonniers palestiniens libérés le même jour par Israël (90 au total). « La restitution des trois prisonniers (NDLR : dans la compréhension des miliciens du Hamas) en pleine santé mentale et physique, alors que nos prisonniers, hommes et femmes, montraient des signes de négligence et d’épuisement, montre la différence entre les valeurs de la résistance et le fascisme de l’occupation (israélienne) », a commenté le Hamas le 20 janvier. Ce dernier, auteur du pogrom du 7 octobre, donne une leçon de morale à l’État d’Israël, même si la manière dont il traite ses détenus pose question, cela démontre clairement que la libération des otages est utilisée à des fins. de communication.
-Dans la symbolique de la première étape de l’application de l’accord de libération des otages et de respect d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, l’essentiel n’est pas là. Il s’agit de la « démonstration de force » que le Hamas a voulu présenter lors de la remise des otages au personnel de la Croix-Rouge. La présence de miliciens en nouveaux effectifs, uniformes et armes, au milieu d’une foule excitée sur la place Saraya, à l’ouest de la ville de Gaza, une zone du nord du territoire palestinien censée avoir été « nettoyée » par l’armée israélienne, certainement vise à faire passer un message : le groupe islamiste palestinien est toujours là après quinze mois d’offensive intensive de Tsahal, y compris au cœur de la bande de Gaza, et reste un acteur incontournable de toute initiative sur le territoire. À écouter : L’opération Iron Swords qui visait à éradiquer le Hamas n’a pas atteint ses objectifs.
Accord israélien
Les Israéliens ont tenté de minimiser la dimension « démonstration de force » de l’opération du Hamas, en soulignant, à travers des photos aériennes du rassemblement du 19 janvier, que la foule palestinienne sur la place Saraya était globalement réduite et que les hommes du Hamas, peu nombreux et peu nombreux, donc maître de la situation, avait eu du mal à contenir les affrontements. Néanmoins, cette mise en scène laisse un goût amer auprès de la population et des dirigeants d’Israël. Ce constat n’est pas de nature à menacer le large consensus qui prévaut dans la société pour poursuivre l’application de l’accord du 15 janvier. Pour preuve, même les ministres les plus radicaux du gouvernement Netanyahu et les plus opposés à l’arrangement avec le Hamas se gardent bien de menacer la pérennité du gouvernement à ce stade. Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, et les deux autres représentants de Force juive au sein du gouvernement ont certainement démissionné. Mais ils ont assuré qu’ils ne voulaient pas œuvrer à la chute de l’exécutif. L’autre personnalité d’extrême droite, Bezalel Smotrich, ministre des Finances et leader du parti Sionisme religieux, a critiqué l’accord, mais a décidé de rester au gouvernement.
La bataille de communication entre Israël et le Hamas n’a d’ailleurs pas empêché l’application de l’accord. Quatre-vingt-dix prisonniers palestiniens, principalement des femmes et des enfants, ont été libérés conformément aux dispositions devant être respectées par la partie israélienne. Et près de 1 000 camions d’aide humanitaire sont entrés dans la bande de Gaza le 21 janvier, les Gazaouis redécouvrant pour la première fois depuis quinze mois, hormis la courte première trêve observée en novembre 2023, un quotidien sans bombardements, mais toujours dans de grands dénuements. Si le Hamas respecte l’accord, les Gazaouis pourront retourner dans le nord du territoire, a promis l’armée israélienne. Cependant, les prochaines étapes du processus, dont une nouvelle libération des otages prévue le 25 janvier, constitueront à chaque fois une épreuve de la bonne volonté des parties, et une épreuve pour les familles des otages dans l’incertitude du sort des leurs. .
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