Les dirigeants européens observent avec inquiétude et résignation le retour du milliardaire américain à la Maison Blanche.
“Nous serons pragmatiques, mais nous n’abandonnerons pas nos principes”. Cette phrase, publiée mardi 21 janvier par Ursula von der Leyen, résume bien la position de l’Union européenne (UE) face au retour de Donald Trump à la tête des Etats-Unis. Le président de la Commission européenne s’exprimait depuis le Forum économique mondial de Davos, en Suisse, à lendemain de l’investiture du président américain pour un second mandat.
Tout en étant alarmé par la nouvelle « des rivalités géostratégiques impitoyables »la dirigeante européenne n’a mentionné les États-Unis qu’une seule fois dans son discours, préférant parler de la Chine. On est bien loin de l’étonnement qui avait saisi les capitales et les institutions européennes en 2016, après la première victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle. “Cette fois, la prudence et le flou dominent et si l’on sait que cela va être une période difficile, nous essayons de comprendre l’ampleur des défis qui attendent l’UE”, Eric Maurice, analyste au European Policy Center à Bruxelles, s’explique à franceinfo.
Et à “prudence” est appropriée, il est impossible que les décideurs européens soient naïfs. « Ils savent exactement qui est Donald Trump, puisqu’il a déjà occupé le pouvoir »rappelle Sophie Pornschlegel, directrice adjointe de l’Institut Jacques-Delors. Le spécialiste lance cependant un avertissement : « Le grand danger, c’est qu’on se dise qu’on sait déjà ce que comment cela va se passer, alors que le second mandat de Donald Trump risque d’être encore plus négatif pour l’Europe.»
Là volonté de 47e Le président américain va mettre « L’Amérique d’abord » risque d’ébranler violemment l’UE, en premier lieu sur le plan économique. Donald Trump, jugeant « L’UE va très mal » pour son pays, a confirmé mardi son intention imposer des droits de douane aux produits européens. Les États-Unis sont le principal partenaire commercial de l’UE, qui exporte plus qu’il n’importe. Selon un note Selon une analyse publiée par la banque Goldman Sachs en décembre, l’imposition de droits de douane de 10 % réduirait le PIB de la zone euro de 1 % et celui de la France de 0,73 %. Un manque à gagner difficilement imaginable pour l’UE, déjà engluée dans une économie atone et dont la première économie,« L’Allemagne est en récession.
Face à ces menaces, le commissaire européen à l’Economie, Valdis Dombrovskis, a déclaré mardi que l’UE était « prêt à défendre ses intérêts économiques » si nécessairecomme elle l’avait déjà fait en 2017, en imposant des droits de douane sur l’acier et l’aluminium. Face au risque de guerre commerciale, « L’Europe doit proposer un accord » à Donald Trump, a suggéré le chef des eurodéputés conservateurs, Manfred Weber, sur X. Mais l’UE n’a pas encore défini de position commune sur le sujet.
Un autre domaine inquiète particulièrement les Européens, notamment à l’Est et en Scandinavie : la défense. « Les pays européens restent très dépendants de Washington et de l’OTAN pour assurer leur sécurité »se souvient Sophie Pornschlegel. En 2017, Donald Trump qualifiait l’OTAN “obsolète” et a invité les pays membres de l’Otan à augmenter leur budget de défense à 2 % de leur PIB avant 2024. Lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2024, il a évoqué un nouvel objectif de dépenses de 5 %. Un objectif difficile à atteindre en cas de « une guerre commerciale qui nous coûte énormément »warned the European Commissioner for Industry, Stéphane Séjourné, on France Inter mardi.
Il n’est donc pas étonnant que les dirigeants européens cherchent actuellement à pousser le locataire de la Maison Blanche dans la mauvaise direction. Donald Trump “c’est vrai” dire que l’Union européenne ne dépense pas suffisamment en matière de défense, a déclaré mercredi la chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas. C’est simple, « Si l’Europe veut survivre, elle doit s’armer »a lancé mercredi le Premier ministre polonais Donald Tusk devant le Parlement européen.
À la balance s’ajoute le soutien de Washington à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. Le 47e Le président américain avait promis pendant la campagne de mettre fin à la guerre en un jour. L’administration américaine affiche son ambition de parvenir rapidement à un accord avec Moscou, avec ou sans les Européens, quitte à contraindre Kiev à des concessions territoriales encore impensables il y a quelques mois.
“La paix doit être celle choisie par l’Ukraine et les Ukrainiens.»a rappelé le président du Conseil européen, Antonio Costa, devant le Parlement européen. Pas de quoi rassurer le président ukrainien Volodymyr Zelensky. « Il n’est pas certain que l’Europe aura même sa place à la table des négociations lorsque la guerre contre notre pays prendra fin »il s’est alarmé mardi à Davos, Rapports politiques.
-Face à la nouvelle situation américaine, l’UE, avec sa culture du dialogue et du compromis, semble construite pour un monde qui n’existe plus. « Donald Trump, comme la Russie et la Chine, participe à la déstabilisation de l’ordre international fondé sur des règles et une diplomatie communes »souligne Eric Maurice. « Cette organisation était plutôt avantageuse pour l’UE, avec sa faible économie et son absence de visées impérialistes »ajoute le spécialiste.
De quoi pousser le bloc à rechercher de nouveaux partenaires, au moins commerciaux. En témoigne la volonté d’Ursula von der Leyen, ces derniers mois, de finaliser rapidement l’accord du Mercosur. L’UE n’est pas aidée par son processus décisionnel, qui peut parfois être lent. “Il est difficile, à 27, de se mettre d’accord, d’autant que tous les Etats membres n’ont pas les mêmes relations avec les Etats-Unis et les mêmes intérêts économiques”souligne Eric Maurice.
L’UE souffre également d’un manque de leadership, principalement en raison de son organisation. Président de la Commission, président du Conseil, dirigeants des États membres, Banque centrale européenne… la pléthore d’interlocuteurs compliquent le dialogue avec un président « adepte du chantage, qui privilégie les relations transactionnelles »note Sophie Pornschlegel. D’autant plus que « Donald Trump ne s’intéresse pas du tout à l’UE »ajoute le spécialiste. Cette absence de leadership est aussi conjoncturelle, dans une période où le couple franco-allemand ralentit : à Paris, Emmanuel Macron est très affaibli depuis la dissolution de juin 2024, tandis qu’à Berlin, Olaf Scholz s’occupe d’une difficile campagne pour sa réélection, après l’éclatement de sa coalition.
Pour faire pression sur l’UE, Donald Trump peut compter sur la hausse des pouvoir de l’extrême droite sur le Vieux Continent. La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, a ainsi été le seul leader européen présent lundi à la cérémonie d’investiture du président. « Le monde n’est plus le même depuis hier. Il n’y a qu’à Bruxelles qu’on ne l’a pas remarqué”» a taclé le Premier ministre hongrois Viktor Orban dans un message posté sur X mardi.
Les défis sont immenses et l’Europe risque d’être « écrasé par les États-Unis »François Bayrou s’est alarmé mardi, depuis Pau. La présidence de Donald Trump risque en tout cas « avoir un impact sur nos priorités, l’ambition que nous pouvons avoir et nos marges de manœuvre »notamment sur la question climatique, souligne Sophie Pornschlegel. Alors que l’UE s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, le président américain pousse déjà à déréglementer les secteurs technologiques et la protection du climat.
L’UE semble déterminée pour le moment a maintenir ses objectifs climatiques. Jusqu’à quand ? Ursula von der Leyen a défendu mardi l’accord de Paris, affirmant qu’il était “le meilleur espoir pour l’humanité”selon Politico. Mais le député Friedrich Merz, issu de la même famille politique que le président de la Commission et probable futur chancelier allemand selon les sondages, a passé la campagne à viser le Pacte vert.
Quelle stratégie les Européens choisiront-ils face à Donald Trump ? L’un des premiers crash tests pourrait être la réponse aux accusations d’ingérence contre le milliardaire Elon Musk et son réseau social a approfondi son enquête sur le réseau social, ouverte dans le cadre du respect de la loi sur les services numériques, qui réglemente les plateformes en ligne.
La commission ira-t-elle jusqu’à condamner le réseau social ? C’est ce que les députés ont demandé mardi lors d’un débat au Parlement de Strasbourg, les sociaux-démocrates dénonçant dans un communiqué de presse “oligarques » de la technologie. Donald Trump risque de pousser l’UE à laisser tranquilles les géants américains du Web. « N« Ne pas appliquer les lois au nom des circonstances politiques serait plus préjudiciable à l’UE que respecter nos valeurs. »prévient Eric Maurice.
Les prochaines années s’annoncent donc mouvementées. Le nouveau mandat de Donald Trump pourrait cependant être le « thérapie de choc » dont l’Europe a besoin, estime l’ancien président de la Commission, José Manuel Barroso, dans un article publié par le groupe de réflexion britannique Chatham House. « L’UE a la possibilité de cesser d’être une adolescente géopolitique et de s’affirmer progressivement sur la scène mondiale aux côtés de l’Amérique et de la Chine »veut croire l’ancien responsable européen. Il lui faudra encore sortir de son attentisme.
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