La contre-performance du Champagne en termes de volumes en 2024, avec seulement 271 millions de bouteilles vendues (-9,2%), suscite de multiples interrogations chez les professionnels. La Champagne est-elle simplement le baromètre d’une économie française morose et d’un contexte politique incertain depuis la dissolution ? Assiste-t-on à un désamour pour le champagne ? Ou les Champenois, avec le boom des ventes en 2021 et 2022, ont-ils exagéré leurs prix et perdu un consommateur qui apprécie toujours le produit, mais pas au point de vider son portefeuille ?
Les Champenois se sont-ils indignés depuis le Covid de la hausse des prix ? La question est sur toutes les lèvres. Pour David Ménival, directeur de la filière champagne au Crédit Agricole, c’est une certitude. ” En 2022 et 2023, les Champenois ont augmenté leurs prix B to B en moyenne de 20 %. Mais il faut aussi que les intermédiaires vivent, et ces acteurs eux-mêmes ont ajouté 20 %, si bien que le consommateur final a été confronté à une augmentation de 40 % sur la même période. Même face à des amateurs avertis qui connaissent la qualité du champagne, il faut être capable de le digérer. »
C’est pourquoi les marques qui disposent de leurs propres filiales de distribution, dont elles peuvent contrôler les hausses, s’en sortent un peu mieux. C’est aussi la raison pour laquelle les vignerons qui vendent directement au consommateur ont continué à avoir de bons résultats en 2024, puisque même s’ils ont augmenté leurs prix, ils n’ont pas subi cette hausse de la part des intermédiaires. Enfin, c’est peut-être ce qui explique en partie la moindre baisse du marché français (-7,2%) par rapport aux exportations (-10,8%), les exportations passant systématiquement par des intermédiaires.
Avons-nous vraiment créé de la valeur en si peu de temps ?
Par ailleurs, aux yeux du consommateur, bien sûr, l’augmentation des coûts de production, liée à celle de l’énergie, à l’inflation, à la hausse du prix du raisin, pourrait justifier une partie de la hausse des prix, mais certainement pas la totalité. . Pour légitimer le reste, on a beaucoup parlé de création de valeur, mais la valeur n’est pas une simple augmentation de prix, elle ne se décrète pas, elle est fonction de l’image renvoyée.
« Sommes-nous allés trop vite ou trop loin ? J’ai tendance à répondre trop vite. Il est peu probable que le produit et son image aient beaucoup changé en deux ans, surtout quand on sait qu’entre le début de la production d’une bouteille et sa commercialisation il s’écoule en moyenne un délai de quatre ans. . En revanche, le positionnement actuel des prix, même s’il est intervenu sans doute trop tôt, n’est pas absurde et correspond à ce que la Champagne est en droit d’espérer dans les années à venir. »
Same story with Pierre Desanlis, director of the Union Champagne et de Champagne de Saint-Gall. “ Certes, la hausse des prix a réduit les ventes de champagne. Mais pour les bruts sans année, cela nous a permis de nous distinguer définitivement des prosecos et des crémants, qui appartiennent désormais à une autre gamme et avec lesquels nous ne ferons plus de comparaison. »
Un contexte international qui n’a pas changé en 2024 par rapport à 2023
Quand on regarde le contexte économique international, là encore, évidemment, il apparaît que c’est cette augmentation disproportionnée pratiquée par les Champenois qui constitue le premier élément susceptible d’expliquer la contre-performance de 2024. Car il n’y a rien de produit en 2024 par rapport à 2023 qui pourrait justifier un tel ralentissement, la guerre en Ukraine était déjà là, et n’a pas d’impact majeur sur les grands marchés du champagne comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou le Japon… L’inflation en 2024 a même diminué.
-Et pourtant, les 271 millions de bouteilles expédiées représentent une performance encore inférieure à celle de 2009, au lendemain de la terrible crise financière mondiale de 2008… D’ailleurs, contrairement à 2023, cette fois, la baisse des volumes n’est pas compensée par le maintien du chiffre d’affaires. , qui, selon les premières prévisions, retomberait juste en dessous de la barre des six milliards. A noter cependant que ce chiffre reste très respectable et ne diminue pas dans les mêmes proportions que celui des expéditions.
Les millésimes premium enregistrent les plus gros retraits en volume
Pierre Desanlis souligne que ce sont les millésimes premium qui, en volume, ont enregistré la plus forte baisse. ” Le fait est que les Champenois ont parfois répercuté de manière indistincte la hausse de leurs coûts de production sur les produits d’entrée de gamme et les cuvées spéciales. Or, une majoration de 10 % sur un brut sans année à 30 euros n’a pas le même impact psychologique qu’une majoration de 10 % sur un millésime à 150 euros. »
Les bons résultats des coopératives de la grande distribution en France en décembre (+16,2 % par rapport à décembre 2023) confirment cette attention particulière des clients aux prix et cette absence de désamour pour le champagne. ” Même si, là aussi, les prix ont un peu augmenté, ces bouteilles restent abordables. Pour le consommateur français, avoir une bouteille de champagne sur la table à Noël plutôt qu’un crémant est toujours mieux », indique David Ménival.
Pierre Desanlis insiste encore sur la perte de terrain du champagne par rapport aux crémants. ” Les allocations mises en place en 2022 et l’impossibilité face à l’explosion ponctuelle de la demande de répondre favorablement à tous les importateurs ont ouvert des marchés aux crémants, qu’aujourd’hui nous ne pouvons récupérer. »
Qu’en est-il des perspectives pour 2025 ?
Comment se comportera le marché du champagne en 2025 ? Le marché américain, premier marché d’exportation du champagne, représente une grande incertitude avec l’arrivée de Donald Trump et la possibilité d’une augmentation des taxes. Mais le contexte pourrait aussi être très favorable. Ainsi, la hausse des droits de douane aux États-Unis sur les produits en provenance du Canada, du Mexique et de Chine pourrait conduire ces trois grands pays à réorienter leurs échanges vers l’Europe et à lui accorder des conditions plus favorables…
Une chose est sûre, de grands mouvements s’annoncent. Quant au champagne, rappelons que l’intervention personnelle de Bernard Arnault, lors du dernier mandat de Donald Trump, a permis de ramener le président américain à la raison. La présence du président de LVMH lors de l’inauguration semble montrer que cette relation n’a pas changé. Enfin, pour Pierre Desanlis, le fait que le Champagne continue d’attirer de grands investisseurs internationaux est un signe très positif, qui montre tout le crédit et le potentiel dont il dispose encore, malgré cette baisse des volumes.
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