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Les écrans publicitaires dans les gares vont proliférer en 2025

La décision n’a fait l’objet d’aucune publicité, même si elle modifie l’environnement direct de millions d’usagers : ces derniers mois, l’installation d’écrans publicitaires dans les gares s’est accélérée de façon exponentielle. Leur nombre augmentera de 48 % en 2025, en à peine un an, dans les stations du réseau SNCF et les métros de Paris, Marseille, Lille et Rennes, selon les chiffres exhumés par Reporterre dans la documentation de l’agence de publicité Mediatransports. Ce partenaire des entreprises de transports publics disposera à la fin de l’année d’un parc de 4 300 écrans publicitaires dans les gares partout en .

La tendance est similaire pour l’autre géant de l’affichage, JCDecaux, qui déploie ses publicités dans les vitrines des magasins, les centres commerciaux, les aéroports ou les rues de certaines villes. Le chiffre d’affaires généré par ceux-ci a augmenté de 18,5 % au cours du seul troisième trimestre 2024. Au total, l’écran compte actuellement 2 500 panneaux numériques.

Cette accélération est le résultat d’un choix discret mais résolu des entreprises de transports publics. Les écrans permettent d’augmenter le nombre d’annonceurs, grâce à une rotation des spots toutes les 6 secondes. Ils sont pilotables à distance en quelques clics, ce qui permet aux marques de choisir la plage horaire de diffusion de leur spot, ainsi que des éléments de contexte comme les conditions météorologiques. Une manière de s’assurer qu’ils s’adressent au profil de voyageur qui les intéresse.

Ce « révolution » le ciblage marketing dans l’espace public est facturé aux marques plus cher que les campagnes d’affichage papier. Les agences et les entreprises gagnent ainsi des revenus publicitaires supplémentaires. Contacté par Reporterrele SNCF Gares et Connexions n’a pas communiqué le montant de cette manne.

Dans les gares,
« ils imposent leurs propres règles »

Ces écrans continuent de susciter le rejet des Français, selon une enquête de 2023. 54 % des personnes interrogées se disent favorables à leur interdiction et 85 % aimeraient voir leur nombre diminuer. Faisant fi de ces réticences et de l’opposition de certains responsables politiques locaux et nationaux, les autorités et les entreprises ont su profiter d’un vide juridique. Les gares, comme les aéroports et les centres commerciaux, ne sont pas soumises aux réglementations locales en matière de publicité que les municipalités peuvent édicter.

A Paris par exemple, les écrans sont interdits dans les rues, mais ils peuvent fleurir dans les gares grâce au contrat signé entre Mediatransports et le groupe public ferroviaire. « Les afficheurs aiment beaucoup aller dans les gares, car ce sont des lieux où ils imposent leurs propres règles »résume Thomas Bourgenot, porte-parole de l’association Résistance aux agressions publicitaires.

L’équivalent d’un vol Paris-Berlin

Les conséquences écologiques d’une telle profusion d’écrans sont graves. Un écran Écran LCD Une superficie de 2 m² consomme autant d’électricité qu’un Français moyen (2 000 kWh/an, un chiffre reconnu par Mediatransports), selon l’Agence de la transition écologique (Ademe). En termes d’émissions de gaz à effet de serre, l’Ademe estime l’impact total d’un écran à 245 kg de CO2 délivré par année d’utilisation, soit l’équivalent d’un vol aller Paris-Berlin pour un passager.

Pour répondre à ces critiques, Mediatransports a peaufiné sa communication. Elle surgit dans « une direction engagée »au nom du fait que les redevances qu’elle verse aux entreprises qui « contribuer au développement de la mobilité durable ».

Autre argument de poids, la généralisation des écrans permet de démonter les anciens panneaux d’affichage en papier rétroéclairés. « On divise par quatre le nombre de mobilier dans les gares SNCF »déclare Alexandra Lafay, responsable de la communication et « responsabilité sociale et environnementale » de Mediatransport. Cela permet à l’entreprise d’afficher des objectifs de consommation électrique plus faibles sur l’ensemble de son territoire. « patrimoine publicitaire » : -36 % côté RATP dans cinq ans, et -71 % côté SNCF dans dix ans.

Lire aussi : Lutte contre la publicité : Lyon éteint tous les panneaux du métro

L’enjeu est néanmoins symbolique, estime le gestionnaire du réseau électrique, RTE. Dans son scénario pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’entreprise recommande « une disparition progressive des écrans publicitaires ». Pas tellement pour « les économies d’énergie liées aux écrans eux-mêmes, qui sont faibles »mais parce que « Les ménages et les entreprises seront probablement plus enclins à limiter leur consommation d’énergie si leur environnement n’est pas saturé d’écrans publicitaires. »

Dans sa communication, Mediatransports met également en avant son « stratégie d’écoconception » écrans (réduction de leur poids, prolongation de leur durée de vie et de leur réparabilité). « C’est une somme de petites choses qu’on ne voit pas forcément, sur la ventilation des panneaux, l’adaptation de la luminosité, la limitation du nombre de composants »résume Alexandra Lafay. L’agence souligne également son choix d’utiliser, pour l’installation d’écrans publicitaires, des véhicules électriques ou « hybrides ».

Or, selon l’Ademe, la fabrication d’un panneau nécessite au total 8 tonnes de matière première. « 40 % de l’empreinte environnementale d’un écran est liée à sa fabricationinsiste Florence Rodhain, professeur des universités et auteur d’un ouvrage sur l’effet écologique du numérique. Elle nécessite des terres rares qui sont exploitées principalement en Chine, sans respect des travailleurs et des ressources. »

Et “ score d’attention » multiplié par 3

La répartition de ces écrans dans l’espace public présente également un risque de surcharge cognitive pour les usagers. Les chiffres sur le « points d’attention » les publicités numériques, communiquées par Mediatransports, ont de quoi alimenter le débat : une campagne intégrant des écrans « peut augmenter la capacité d’attention de 3,1 fois »tout en augmentant les intentions d’achat de 14 », se vante la direction, qui estime qu’elle touche chaque jour 8,5 millions de personnes âgées de 15 ans et plus.

« Une étude utilisant la méthode « eye-tracking », qui enregistre le mouvement et l’intensité du regard, a permis d’observer qu’un écran numérique est vu 4,5 fois plus que sa part d’espace dans l’environnement. »dispose également de Mediatransports. Cela est dû au fonctionnement de notre cerveau, souligne Florence Rodhain : « Nous recevons un choc de dopamine lorsque nous percevons une information qui peut nous être utile. C’est un instinct, notre cerveau est fait pour être attiré par les images en mouvement. C’est pourquoi nous ne pouvons ignorer ces écrans. »

Un écran émet 245 kg de CO2 chaque année.
© Résistance à l’agression publicitaire

L’autre débat, plus politique, est celui des incitations incessantes à la surconsommation véhiculées par ces écrans. Amazon est le premier annonceur de Mediatransport au premier trimestre 2024. Heineken partage le podium sur l’ensemble de l’année 2023… Une certaine vision du monde à laquelle il devient difficile de s’échapper avec les écrans urbains, contrairement aux publicités diffusées à la télé ou à la radio.

« Cette situation illustre un mépris flagrant à l’égard des usagers et des impératifs écologiques. Ils transforment les gares en centres commerciaux où l’intérêt général est sacrifié au profit d’une logique purement mercantile. »avait dénoncé la députée insoumise Clémence Guetté en décembre à l’Assemblée nationale. Elle a ainsi suivi plusieurs initiatives de députés de gauche, de François Ruffin à Delphine Batho, visant à interdire ces écrans publicitaires. Leurs tentatives restèrent infructueuses.

Rien n’empêche la pression publicitaire de continuer à augmenter dans l’espace public, souligne un expert du secteur, qui souhaite garder l’anonymat : « La croissance du nombre d’écrans va se poursuivre et les formats vont évoluer vers des technologies plus immersives, mieux contextualisées et personnalisées. Les annonceurs recherchent des moyens de créer du buzz avec des publicités atypiques. » Des évolutions qui ne nécessiteraient pas légalement l’organisation d’un débat public.

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