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à Bochum, dans la Ruhr, le lent déclin des sociaux-démocrates

Avec son allemand parfait, ses manières polies et son apparence soignée, Serdar Yüksel n’est pas exactement un blackface de la Ruhr. Il incarne pourtant une partie de l’histoire de ce bassin industriel de l’ouest de l’Allemagne. Fils d’immigrés kurdes de Turquie venus diriger l’aciérie ThyssenKrupp dans les années 1960, cet élu social-démocrate de Bochum, âgé de 51 ans, est né au cœur de l’ancienne région minière. Il faut l’entendre raconter sans souffle le sort tragique des militants socialistes de la ville, martyrisés par les nazis pendant la guerre. L’histoire est devenue la sienne.

Son héritage est celui de « Kruppiens »ces sidérurgistes qui seraient nés à l’hôpital Krupp, travaillaient à l’aciérie, vivaient dans un lotissement Krupp, consommaient du Krupp et passaient leur vieillesse dans une maison de retraite Krupp. ” Mon père travaillait chez ThyssenKrupp, mon frère aussi, mon beau-frère et de nombreux amis, il explique. Dans chaque famille, il y a des aînés. Quinze mille personnes travaillaient ici dans l’acier. Il en reste environ 3 000… Mais aujourd’hui, l’insécurité est réelle. »

Serdar Yüksel, président du SPD de Bochum et membre du parlement régional de Rhénanie du Nord-Westphalie, devant la mairie de Bochum, le 13 janvier 2025. MAXIMILIAN MANN/DOCKS POUR « LE MONDE »
L’usine ThyssenKrupp de Bochum (Rhénanie du Nord-Westphalie), le 14 janvier 2025. MAXIMILIAN MANN/DOCKS POUR « LE MONDE »

À l’automne 2024, l’entreprise a annoncé qu’elle prévoyait de supprimer 11 000 postes. À Bochum, 1 000 emplois seraient touchés. Mais l’enjeu va au-delà, les élus le savent aussi bien que les travailleurs. Les emplois industriels, bien rémunérés et protégés par des prestations sociales de longue date, ont permis de faire vivre confortablement des familles entières pendant plusieurs générations. Les conditions sont si favorables que même les syndicats refusent d’en parler. Chaque emploi industriel en entraîne trois autres dans son sillage, une aubaine pour la région. C’est cet équilibre historique, protégé par des organisations puissantes comme le syndicat IG Metall, auquel appartiennent près de 100 % des travailleurs de ThyssenKrupp, qui constitue ici la base du Parti social-démocrate (SPD). Et que la crise industrielle, qui frappe l’Allemagne depuis 2022 sous l’effet d’une énergie chère et de la concurrence chinoise, menace une nouvelle fois de bousculer la donne.

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