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Quand la sécheresse au Brésil fait flamber le prix du café – 21/01/2025 à 13h10

Le producteur de café Moacir Donizetti Rossetto montre un plant de café brûlé à Caconde, à environ 300 km au nord-est de Sao Paulo, Brésil, le 10 janvier 2025 (AFP / Nelson ALMEIDA)

Un matin de septembre 2024, Moacir Donizetti sentit au loin une odeur de brûlé alors qu’il vérifiait l’état de ses caféiers. Quelques heures plus tard, les flammes ravagent sa ferme.

« C’était désespéré : voir les flammes avancer, détruire notre plantation et arriver à 20 mètres de chez moi », déplore ce petit producteur brésilien de 54 ans.

Plusieurs centaines d’autres exploitations ont été touchées par cet incendie de végétation, le pire jamais enregistré à Caconde, la commune qui produit le plus de café de l’Etat de Sao Paulo (sud-est).

Si le départ de l’incendie a probablement pour origine un tas d’ordures brûlées par un habitant, sa propagation dévastatrice et totalement incontrôlable est due avant tout à l’extrême sécheresse qui a touché le Brésil l’année dernière.

La chaleur intense et les précipitations intermittentes dans des endroits comme Caconde ont des répercussions partout dans le monde.

Graphique montrant l’évolution du prix de la livre de café Arabica sur le marché de référence à New York (KC1 Futures), en cents de dollars américains (AFP / Sylvie HUSSON)

À Tokyo, Paris ou New York, le café devrait devenir de plus en plus cher en raison de la crise climatique au Brésil, premier producteur et exportateur mondial de cette matière première.

La famille Donizetti s’est battue pendant quatre jours contre les flammes qui ont défiguré le paysage bucolique autour de leur ferme nichée au milieu de collines verdoyantes.

Cinq hectares de plantations ont été dévastés, où Moacir était censé récolter un tiers de la production familiale.

« Nous avons non seulement perdu une partie de la récolte de cette année, mais aussi des prochaines, car il faudra attendre trois à quatre ans pour que ces terres redeviennent productives », déplore l’agriculteur, déçu au milieu des caféiers calcinés.

Le producteur de café Moacir Donizetti Rossetto parmi des plants de café brûlés à Caconde, à environ 300 km au nord-est de Sao Paulo, Brésil, le 10 janvier 2025 (AFP / Nelson ALMEIDA)

« Le temps est trop sec depuis environ cinq ans. Parfois, il ne pleut pas pendant des mois. Il fait aussi beaucoup plus chaud, et quand arrive la période de floraison, le café est déshydraté et a du mal à résister », poursuit-il.

L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée au Brésil, où le nombre d’incendies de forêt n’avait jamais été aussi élevé depuis 14 ans. La plupart des incendies ont été provoqués par l’homme et leur propagation a été aggravée par la sécheresse.

Chaleur et sécheresse liées, selon les experts, au changement climatique.

– Problème récurrent –

Plus d’un tiers du café mondial est produit au Brésil, d’où le fort impact des déboires des agriculteurs brésiliens sur les prix.

Vue aérienne d’une plantation de café biologique à Divinolandia, à environ 270 km au nord-est de Sao Paulo, Brésil, le 10 janvier 2025 (AFP / Nelson ALMEIDA)

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En hausse de 90 % d’ici 2024, le prix de l’Arabica, la variété la plus consommée, a battu le 10 décembre son record de 1977, à 3,48 dollars la livre à la Bourse de New York.

«Je travaille dans ce secteur depuis 35 ans et je n’ai jamais connu une situation aussi difficile», déclare Guy Carvalho, consultant brésilien en café.

« Depuis la dernière grosse récolte, en 2020, nous avons toujours eu des problèmes liés au climat », souligne-t-il.

Selon lui, la hausse des prix est en grande partie due à la « frustration » liée aux récoltes décevantes quatre années de suite au Brésil, de 2021 à 2024, et aux prévisions peu optimistes pour 2025.

Sans parler des facteurs géopolitiques, comme les barrières douanières promises par Donald Trump avant son retour à la Maison Blanche ou les nouvelles réglementations européennes sur les produits issus de la déforestation.

– Retour aux sources –

Mais certains producteurs de café brésiliens tentent de s’adapter à la crise climatique.

Sergio Lange, producteur de café biologique, dans sa plantation de café, à Divinolandia, à environ 270 km au nord-est de Sao Paulo, Brésil, le 10 janvier 2025 (AFP / Nelson ALMEIDA)

A Divinolandia, commune située à 25 kilomètres de Caconde, Sergio Lange a remis au goût du jour une technique ancestrale : planter ses caféiers à l’ombre des arbres pour les protéger de la chaleur.

« Quand je suis né, il faisait froid ici, l’eau gelait en hiver », raconte ce producteur de 67 ans.

« Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Avec ces températures, le modèle de production actuel sera bientôt dépassé », prédit-il.

Planter du café à l’ombre des arbres, comme c’était le cas dans son habitat d’origine en Afrique, non seulement le protège de la chaleur, mais permet également aux grains de mûrir plus lentement.

Ils sont donc plus gros et leur goût est plus sucré, ce qui augmente leur valeur sur le marché.

Infographie présentant les principaux pays producteurs de café Arabica et Robusta en 2024, selon les données de l’USDA (AFP / Sylvie HUSSON)

Avec une cinquantaine d’autres producteurs, Sergio Lange a mis en place en 2022 un modèle de « culture régénérative du café » : les plantes cohabitent avec d’autres espèces, elles poussent sans pesticides et sont irriguées naturellement avec de l’eau de source.

« La productivité chute au début, mais nous nous attendons à un résultat fantastique d’ici quatre ou cinq ans », explique-t-il en montrant avec fierté ses caféiers plantés dans la forêt à flanc de colline.

 
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