Le message est on ne peut plus clair. Et ce message délivré hier matin ne vient ni des hommes politiques, ni des lobbyistes, ni même des économistes. Non, ce message vient d’un acteur que les Américains vénèrent : le marché.
Et que dit ce message ? Que la volonté de Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers sur des produits en provenance d’autres pays, notamment du Canada, serait inflationniste. Et que cette inflation est un puissant carburant pour des taux d’intérêt élevés, et donc des remboursements hypothécaires plus élevés.
En bref, ce que le marché a dit sans équivoque à Trump lundi matin, c’est que sa politique tarifaire alimenterait l’inflation, la même inflation qui a incité un grand nombre d’électeurs à licencier Joe Biden et à l’élire, lui.
Laissez-moi vous expliquer. Lundi matin, à 8h30, Journal de Wall Street a publié un scoop retentissant. Le prestigieux quotidien a annoncé que Trump n’imposerait pas de droits de douane de 25 % sur les produits canadiens et mexicains le jour de son investiture, contrairement à ce qu’il avait clairement affirmé par le passé.
Le futur président annoncerait plutôt une étude sur les relations commerciales des États-Unis avec la Chine, le Canada et le Mexique, selon le quotidien. La nouvelle a été confirmée dans la soirée, pour l’essentiel, par le décret intitulé America First Trade Policy. On ne sait pas à l’heure actuelle si cette étude préconisera ou non l’imposition de tarifs universels, ciblés ou non, de 25 % ou moins (voir ci-dessous).
Néanmoins, les nouvelles publiées par le Journal de Wall Streetlu par les décideurs financiers les plus influents de la planète, a eu un effet immédiat. En quelques secondes, la valeur du dollar américain a plongé. Non seulement contre le dollar canadien (-1,1%) ou le peso mexicain (-1,8%), mais aussi contre les principales devises du monde, par exemple l’euro (-0,9%) ou la livre sterling (-0,8%).
1/4
Mais pourquoi ce déclin ? Est-ce le signe que le report des tarifs douaniers est négatif pour l’économie américaine ? Certainement pas.
Ces derniers mois, le marché avait jugé probable que Trump imposerait dès le premier jour de tels droits de douane de 25 %, en plus des droits de douane de 10 % sur les produits en provenance d’autres pays, notamment de Chine. Ce faisant, le marché a ajusté le dollar américain à la hausse pour en tenir compte.
Pourquoi augmenter ? Parce que de tels droits de douane auront pour effet de faire monter les prix des biens consommés par les Américains, comme l’a démontré une écrasante majorité d’économistes. Et toute hausse de l’inflation – encore trop élevée aux États-Unis – a pour effet de maintenir les taux d’intérêt américains à un niveau élevé, puisque des taux d’intérêt aussi élevés servent à réduire l’inflation.
Toutefois, ces taux d’intérêt élevés sont susceptibles de favoriser un dollar américain plus fort (des taux d’intérêt plus élevés augmentent la demande pour le dollar américain).
-« Il est plus facile pour la banque centrale américaine de continuer à baisser son taux directeur s’il n’y a pas de tarifs douaniers », m’a expliqué Hendrix Vachon, économiste au Mouvement Desjardins.
Actuellement, le taux d’intérêt directeur oscille dans une fourchette de 4,25 % à 4,5 % aux États-Unis, comparativement à 3,25 % au Canada.
Les taux plus élevés reflètent notamment une inflation de 2,9 % aux États-Unis contre 1,9 % au Canada.1.
En bref, la probabilité d’une baisse ou d’un report des droits de douane a provoqué une chute brutale du dollar américain, signalant à Donald Trump que sa politique est inflationniste. Tout un avertissement pour ceux qui ont été élus pour cette raison, quand même !
Acier, aluminium, fentanyl…
Cela dit, le Canada n’est pas sorti du bois même si aucun tarif n’a été imposé lundi. Dans la soirée, le décret commercial du président Trump a confirmé que le commerce international américain ferait l’objet d’études, attendues en avril prochain.
Il évoque une consultation publique en vue d’une révision de l’accord Canada-États-Unis-Mexique en juillet 2026. « Le représentant américain au commerce […] évaluera l’impact de l’ACEUM sur les travailleurs, les agriculteurs, les éleveurs, les fournisseurs de services et d’autres entreprises des États-Unis et formulera des recommandations concernant la participation des États-Unis à l’accord. »
Dans une partie du décret, il s’agit d’évaluer « l’efficacité des exclusions, exonérations et autres mesures d’ajustement pour les importations d’acier et d’aluminium ». […] pour répondre aux menaces contre la sécurité nationale des États-Unis, et formulera des recommandations basées sur les conclusions de cet examen.
Vers la fin du décret en six sections, on parle enfin de l’argumentation poreuse du président, à savoir l’évaluation des flux migratoires illégaux et du fentanyl en provenance du Canada, du Mexique, de Chine et d’ailleurs, « avec des recommandations de mesures commerciales appropriées »2.
Dans la soirée, Donald Trump a malgré tout réitéré qu’il envisageait des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance du Canada et du Mexique, « parce que ces pays autorisent de nombreuses personnes à traverser la frontière ainsi que le fentanyl », selon l’agence Reuters.
Il a même mentionné le 1est Février comme entrée en vigueur, même si le décret laisse aux responsables jusqu’au mois d’avril pour réaliser des études sur le sujet.
Encore beaucoup d’incertitude, en somme, comme Trump nous y a habitué. J’ai hâte de voir comment le marché réagira.
1. La hausse soudaine des autres monnaies par rapport au dollar américain s’explique également par le fait qu’avec une éventuelle baisse des droits de douane, les importations resteraient plus vigoureuses qu’elles ne l’auraient été autrement. Et cet achat accru de produits étrangers entraînerait une plus grande demande de devises étrangères, ce qui augmenterait leur valeur par rapport au dollar américain.
2. Examiner le décret sur la politique commerciale America First
Related News :