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«Le masculinisme gagne du terrain parce que le féminisme est populaire et audible», estime la sociologue Mélissa Blais.

Une tendance qui se confirme. Pour la deuxième année consécutive, le Haut Conseil à l’égalité constate une “polarisation” en croissance chez les femmes « plus féministe » et les hommes, notamment les jeunes, dont une part croissante est sensible aux discours « masculinistes »dans son baromètre annuel (document PDF) sur le sexisme, publié lundi 20 janvier.

Selon cette enquête, près de la moitié (45 %) des hommes de moins de 35 ans estiment qu’il est difficile d’être un homme dans la société actuelle, contre seulement 19 à 33 % des hommes plus âgés. En deux ans, le soutien à cette idée a augmenté de 19 points chez les 15-24 ans et de 11 points chez les 25-34 ans, note le baromètre.

Parmi les hommes âgés de 25 à 34 ans, 13 % trouvent même difficile d’être un homme mais facile d’être une femme – contre 4 à 10 % des hommes plus âgés. Les jeunes hommes expriment également une plus grande propension à adhérer à des stéréotypes sur leur propre genre : 67% des moins de 35 ans (contre 47% des hommes en général) estiment que pour être respecté en tant qu’homme, il faut être sportif, 53% (37 % des hommes) qu’il faut savoir se battre et 46% (32% des hommes) qu’il ne faut pas montrer ses émotions.

D’où vient le masculinisme ? Que révèle la résurgence de ce courant de pensée chez les jeunes hommes ? Comment comprendre sa coexistence avec un soutien croissant au féminisme parmi les jeunes – y compris les hommes ? Pour le savoir, franceinfo s’est entretenu avec Mélissa Blais, sociologue spécialisée dans les mouvements antiféministes, professeure à l’Université du Québec en Outaouais.

Franceinfo : Qu’est-ce que le masculinisme ?

Mélissa Blais: Le masculinisme est une forme d’antiféminisme qui repose sur l’idée que les hommes souffrent à cause des femmes et des féministes, parce que la société est trop féminisée et que les femmes prennent trop de place. C’est une des formes modernes de l’antiféminisme, avec le conservatisme, qu’il côtoie et avec lequel il peut y avoir des chevauchements.

« L’antiféminisme n’est pas nouveau : à chaque période de l’histoire, il y a eu une opposition aux luttes féministes. C’est la caractéristique d’un contre-mouvement : il s’est adapté aux avancées du féminisme pour continuer à être audible.

Mélissa Blais, sociologue spécialisée dans les mouvements antiféministes

sur franceinfo

Là où les opposants aux suffragettes mettaient en avant la soi-disant infériorité intellectuelle des femmes, les masculinistes dénonçaient une crise de la masculinité due aux avancées féministes et prônaient une complémentarité entre hommes virils et femmes douces.

Quand est-il apparu ?

Il a commencé à se développer dans les années 1980, et s’est surtout fait connaître dans les années 2000, dans les pays où le mouvement féministe était fort et audible, comme l’Australie, l’Angleterre, les États-Unis et le Canada. Une partie de la population a alors l’impression que ses intérêts sont mis à mal par cette accentuation du féminisme et des personnalités publiques qui se revendiquent féministes. Les hommes se mobilisent donc et s’organisent pour freiner le mouvement qui, selon eux, serait à l’origine d’un retrait de leurs droits.

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Le masculinisme a d’abord pris la forme d’un mouvement de pères séparés et divorcés. Ils contestaient la perception automatique de la pension alimentaire, estimaient être désavantagés sur la question de la garde des enfants parce que les juges étaient vendus à des féministes, que les femmes dénonçaient des violences inexistantes pour obtenir la garde… Ces mouvements de pères se sont fait connaître par des tactiques visibles d’opposition aux féministes, notamment en escaladant des ponts ou des grues.

Depuis lors, les communautés masculinistes se sont largement déplacées en ligne et constituent ce que l’on appelle la « manosphère ». Ces communautés disparates d’hommes en ligne portent plusieurs noms (Incels, coachs en séduction, mâles alpha, etc.), ont développé des sous-domaines d’intérêt, avec parfois des visions différentes du rôle de la femme. Ils sont souvent portés par des influenceurs, comme Andrew Tate [influenceur masculiniste poursuivi pour violences sexuelles et traite d’êtres humains en Roumanie et au Royaume-Uni].

Pourquoi le masculinisme semble-t-il séduire de plus en plus de jeunes hommes ?

Les influenceurs masculinistes vendent un idéal : le rêve de promotion sociale, de richesse et de réussite via la « revirilisation » des hommes. Ils disent aux jeunes :“Allez, si tu te sens mal dans ta peau, il te suffit de devenir un vrai homme pour atteindre cet idéal”. Or, la jeunesse est propice à l’anxiété, aux inquiétudes face à l’avenir. De plus, elles vendent un idéal au sens littéral puisqu’elles ont toutes des produits à vendre : des formations pour apprendre à séduire ou devenir riche, des retraites pour se retrouver avec des hommes, etc.

Contrairement aux pères divorcés, qui n’étaient que par le négatif, dans la lutte contre les femmes et les féministes, ces « coachs en séduction » proposent aussi du positif, puisqu’ils disent aux hommes : « Il suffit de se prendre en main pour aller mieux. » Il leur est donc plus facile de camoufler leur soutien à l’antiféminisme.

Ce modèle va souvent de pair avec une vision très romancée de l’idéal conservateur du modèle familial : une maison en banlieue, un chien, un chat, etc. Le féminisme et le militantisme LGBT+ sont vus dans ce modèle comme des ennemis internes, des menaces pour la famille traditionnelle et le migrant comme ennemi extérieur. Face à cela, le salut vient de la masculinité blanche. Mais attention : même si l’on constate que les jeunes hommes sont plus nombreux qu’avant à voter pour l’extrême droite, et qu’il existe une différence entre le vote des jeunes hommes et celui des jeunes femmes, tous les masculinistes ne sont pas d’extrême droite.

Le masculinisme touche-t-il d’autres populations, au-delà des jeunes hommes ?

Oui, on voit que ces idées existent au-delà des jeunes hommes, car il y a des éléments du discours masculiniste qui sont devenus grand public. Au cours des années 2000, les médias ont certainement contribué à la diffusion de ces idées, dans la manière dont ils ont donné la parole aux mouvements de pères : ils ont symétrisé les discours féministes et antiféministes en disant que tout était égal. Ce discours antiféministe normalisé. Mais désormais, les masculinistes n’ont même plus besoin des médias pour s’adresser au grand public : ils ont des émissions de radio, des chaînes YouTube, sont présents parmi les professeurs d’université au Canada…

Cela dit, je reste assez optimiste. On parle beaucoup du renouveau du masculinisme chez les jeunes hommes, mais en comme ailleurs, on constate aussi que les jeunes hommes sont plus nombreux qu’avant à adhérer au féminisme, voire à se revendiquer féministes. Le masculinisme gagne du terrain dans cette génération parce que le féminisme gagne aussi du terrain, et il est populaire et audible.

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