Le cinéma Le Régent, à Saint-Gaudens, propose jusqu’au 4 février une exposition consacrée au photographe de plateau Roger Arpajou. L’occasion de revivre quelques scènes ou de pénétrer dans les coulisses de « Prophète », « Illusions perdues », « Alice et le Maire » ou encore « Minuit à Paris ».
Né à Salies-du-Salat, en Haute-Garonne, Roger Arpajou entre dans le cinéma en 1987 en photographiant discrètement une partie du tournage de « La passion Béatrice », de Bertrand Tavernier. Son ami d’enfance Pierre Cadéac, dresseur d’animaux, avait besoin d’un coup de main. Roger Arpajou saisit sa chance, devenant en quelques années le compagnon préféré de réalisateurs comme Bruno Dumont, Pierre Salvadori, Michel Hazavanicius et bien d’autres. Et des acteurs comme Vincent Cassel, Mathieu Amalric, Juliette Binoche ou Marion Cotillard. Des stars avec qui il a su, à sa manière calme, discrète et respectueuse, créer un lien de confiance réciproque. En 2024, Roger Arpajou participe au tournage, en Suisse, de « The Deal », de Jean-Baptiste Bron, une série pour Arte traitant des accords nucléaires irano-américains. Dans un registre tout à fait opposé, il était sur le tournage de “Y’a pas de réseau”, d’Edouard Pluvieux, avec Gérard Jugnot, une comédie tournée à Barousse, dans les Pyrénées (sortie en août). Cette année, Roger Arpajou retrouvera son ami Bruno Dumont pour un nouveau film et devrait collaborer à deux autres longs métrages.
Roger Arpajou sur le plateau. Photo DR
C’est en voisin que le Toulousain vient proposer « Le cinéma furtivement » à Saint-Gaudens. L’exposition est proposée dans le cadre des Rencontres du film d’art (festival qui a lieu les 23 et 26 janvier), complétée par des photographies de la grotte Chauvet, l’art rupestre étant l’autre passion de Roger Arpajou.
Nous avons sélectionné 6 images, commentées par leur auteur.
« Le Prophète », de Jacques Audiard (2009)
Tahar Rahim dans « Le Prophète ». Photo Roger Arpajou
« On devine plusieurs métiers du cinéma sur cette photographie avec le compteur à aiguille, le clap tenu par l’opérateur de la machine, le perche du preneur de son. On capte un moment de tension sur le visage de Tahar Rahim. Nous sommes dans un espace confiné, comme pour de nombreuses scènes du film, Jacques Audiard ayant tenu à filmer dans de véritables cellules de prison. Le réalisateur n’est jamais arrivé avec une idée fixe dans ces 9 m2. A la maison, c’est toujours travail en cours : pour chaque scène on essaie la caméra portative, la caméra fixe, à la recherche du déclencheur. Chez Audiard, il faut toujours être en alerte, il n’y a jamais de routine. Une expérience extraordinaire. »
« Minuit à Paris », de Woody Allen (2011)
Woody Allen dirige Marion Cotillard dans « Minuit à Paris ». Photo Roger Arpajou
“Ma jeunesse a été marquée par les films de Woody Allen, époque Annie Hall et Manhattan. Participer à l’un de ses shootings était comme un rêve. C’est la seule fois où j’ai demandé à être photographié aux côtés d’un réalisateur pour un souvenir. Dans son œuvre, Woody Allen est à l’opposé d’Audiard : il a tout en tête, jusque dans les moindres détails ; il sait exactement où il va, ce qui lui permet de tourner très vite. En le regardant faire, je pensais qu’il n’aurait jamais assez de matériel au moment de l’assembler. Certainement pas ! Il ne s’autorise guère à refaire des scènes le lendemain si les rushs de la veille ne lui conviennent pas. Mais même ces imprévus sont inclus dans le budget, qu’il ne dépasse jamais. »
« La Recherche », de Michel Hazanavicius (2014)
Michel Hazanavicius sur le tournage de “The Search”. Photo Roger Arpajou
« Après le triomphe de L’artisteMichel a eu l’opportunité de tourner le film qu’il souhaitait. Bénéficiant d’un très gros budget, il choisit de recréer la guerre de Tchétchénie en Géorgie. On sent ici à quel point il incarne une certaine puissance, semblant même orienter la position des nuages. Comme le dieu du cinéma. » Malheureusement ce long métrage, qui tenait beaucoup à Michel Hazavanicius, a été projeté au Festival de Cannes avant de connaître un échec en salles. A revoir à la lumière de ce qui s’est passé depuis avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
-«Quand on aura 17 ans», d’André Téchiné (2017)
Sandrine Kiberlain and Corentin Fila under the direction of André Téchiné. Photo Roger Arpajou
« Le tournage a eu lieu dans les Pyrénées, à Luchon et aux alentours. J’étais un peu chez moi, ça manque d’exotisme pour moi qui aime les autres endroits ! Cette scène avec Sandrine Kiberlain et Corentin Fila a été tournée au fond d’un vallon dans le secteur du Col de Peyresourde. Ici comme ailleurs, André Téchiné se contente de tolérer le photographe, le considérant comme un mal nécessaire pour assurer la promotion du film. Avec lui, il faut être le plus discret possible et surtout ne pas perturber le processus créatif. Je sais y faire : le furtif que je suis hérite parfois de réalisateurs capricieux, bien pires dans ce registre que Téchiné. »
« Les Illusions perdues », de Xavier Giannoli (2021)
Une scène clé de « Lost Illusions ». Photo Roger Arpajou
« Une de mes images a été sélectionnée pour devenir l’affiche du film (ce qui fut le cas de bien d’autres comme « De rouille et d’os », « Barbara », « Alice et le Maire », « L’Empereur de Paris », etc., NDLR) Il nous fallait à la fois une scène marquante, une photographie qui attire le regard et résume tout le film. Comme souvent, la photographie a été recadrée, reconditionnée, avec un fond remodelé. Cela ne me dérange pas si c’est pour obtenir une plus grande efficacité. »
«Tiens-moi fort», de Mathieu Amalric (2021)
Mathieu Amalric au four et au moulin pour le magnifique « Treme-moi fort ». photoRoger Arpajou
« J’ai un lien d’amitié très fort avec Mathieu. J’aime son engagement total, qu’il soit acteur ou réalisateur, sa grande générosité. Ici, près de Bonaigua, dans le Val d’Aran, il joue une scène que Vicky Krieps interprétera ensuite. On voit à quel point il est habité par une passion pour le cinéma. Nous venons de tourner le court métrage ensemble Tu n’auras pas mes larmesd’une jeune femme, Clara Petazzoni, toute proche d’ici dans le Comminges. Je n’ai pas hésité à le suivre dans cette aventure à petit budget, pleine d’enthousiasme et d’énergie. »
Exhibition “Le cinéma furtivement”, by Roger Arpajou, until February 4, at the Le Régent cinema (16, rue de l’Indépendant), Saint-Gaudens. Tel.05 62 00 81 57 (www.cineregent.com).
Jean-Marc Le Scouarnec
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