Que peut faire un village face aux inondations ? Dans cette ruelle à la sortie du village de Chennevières-lès-Louvres, dans le Val-d’Oise, se dresse un petit lotissement : quelques maisons, un cimetière et, en face, des champs à perte de vue qui encadrent ce village planté dans une vaste plaine agricole. En 2018, lors de pluies torrentielles, l’eau s’est déversée sur le terrain et sur la chaussée. Sur quelques mètres de route, le niveau a augmenté de plusieurs dizaines de centimètres, avant de redescendre.
L’épisode, exceptionnel, n’a causé aucun dégât mais a laissé des traces. « L’eau est arrivée au cimetière» précise Christophe Lanier, chef des services techniques du Syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique des vallées du Croult et du Petit Rosne (Siah). Elle a également frôlé quelques habitations. » Les leçons ont été retenues : en 2023, un talus a été aménagé autour du terrain et une haie de quarante mètres de long plantée à l’initiative de Siah.
Solutions basées sur la nature
Les jeunes arbres n’ont rien de spectaculaire. Mais leur originalité est d’avoir été plantés par la communauté, aussi bien sur des terres publiques que sur des terres agricoles privées. Cela a déjà montré des premiers signes d’efficacité, constate Christophe Lanier : « En mai 2023, le village a connu un épisode pluvieux similaire à celui de 2018. Cette fois, ni le cimetière ni les routes n’ont été inondés. » Même face à un épisode à grande échelle, son effet sera limité. “A cette échelle, l’enjeu est avant tout de ralentir l’eau et d’éviter qu’elle ne se charge de boue”, continue-t-il.
De nombreuses études et rapports scientifiques, à commencer par ceux du GIEC, préconisent ce type de « solutions fondées sur la nature » – c’est le terme établi – pour lutter contre les inondations. Et ce, à l’heure où le réchauffement climatique aggrave les pluies torrentielles qui entraînent des inondations et des crues de ruissellement, aussi bien en milieu urbain mais aussi… en milieu agricole.
« Or, ce risque de ruissellement non urbain a longtemps été négligé et rarement cartographié.note Pierre Kolditz, avocat au sein de la Fédération nationale des collectivités subventionnaires et régies, la FNCCR. Mais face aux inondations répétées, de plus en plus de communautés s’attaquent au problème. » Ainsi, un an après les inondations massives dans le Pas-de-Calais, la métropole du Grand Calais vient de lancer un programme de plantation de 5 000 mètres de haies et 800 mètres de fascines sur plusieurs communes.
« L’enjeu des solutions fondées sur la nature, qui peuvent accompagner des solutions plus techniques, est de faire en sorte que la goutte d’eau s’infiltre là où elle tombe.summarizes Sandrine Potier, from the FNCCR. Les collectivités ne sont pas toujours conscientes de l’efficacité de ces aménagements, d’autant qu’ils vont à l’encontre de la pratique qui a longtemps prévalu d’évacuer les pluies le plus rapidement possible ailleurs… au risque de créer un effet siphon et d’augmenter les risques d’inondations à terme. de la chaîne. »
-Problème foncier
Changement de culture, coût des études… les freins sont nombreux. Mais c’est l’intervention sur les terrains privés qui reste le nœud du problème. A ce titre, la loi permet aux collectivités locales soit de conclure un contrat avec le propriétaire du terrain, afin qu’il s’engage à réaliser des aménagements, soit d’intervenir directement. C’est ce deuxième choix qu’a fait Siah, nécessitant un travail de longue haleine.
Il faut dire que le projet initialement envisagé était de plus grande envergure, avec une haie de 400 mètres placée derrière les habitations et pas seulement le long de la route. Mais un tel aménagement aurait englouti plus de 800 m2 de terrain. Impensable, pour l’agriculteur concerné. « Il faut savoir aussi que les maisons datent de plusieurs décennies et ont été construites sur des chemins de ruissellement »souligne ce dernier pour La Croix. Une configuration classique dans une France de plus en plus artificielle.
Finalement, la plupart des plantations ont été réalisées sur des terres publiques, et la haie n’a englouti que quelques mètres cubes de terres agricoles. Du fait de la négociation, trois années se sont écoulées entre l’étude et la plantation de la haie, pour un coût de 15 800 €. « Un tel retard peut paraître effrayant pour un si petit projetreconnaît Christophe Lanier. En même temps, il faut du temps pour parvenir à une solution à l’amiable. On ne peut pas imposer du jour au lendemain des changements de pratiques. »
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Les multiples avantages des couvertures
Comme d’autres « solutions fondées sur la nature », les haies apportent de multiples bénéfices : protection des animaux et des cultures, habitat de la biodiversité, stockage de carbone, production de bois, protection des sols contre l’érosion, etc. Leur rôle dans les matériaux d’infiltration des eaux peut également limiter les effets des phénomènes de sécheresse. Enfin, ils contribuent à la qualité de l’eau, leurs racines faisant office de filtre. En Europe, la réglementation interdit la taille des haies pendant la période de nidification des oiseaux, de mi-mars à mi-août. En cas de non-respect, les agriculteurs s’exposent à une réduction de 3% sur le montant de leur aide PAC.
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