L’évolution récente du taux de change du dirham par rapport au dollar et à l’euro reflète des dynamiques monétaires et économiques mondiales complexes. L’analyse de cette dynamique révèle que depuis septembre 2024 le dirham est déprécié face au dollar, passant de 9,6975 MAD/USD un septembre à un sommet de 10,1114 MAD/USD un Décembre, avant d’apprécier légèrement à 10,0589 MAD/USD un Janvier 2025.
Cette dépréciation, représentant près de 3,7%, s’explique principalement par le renforcement soutenu du dollar. Dans le même temps, le dirham est apprécié parement l’euro, passant de 10,8482 MAD/EUR en septembre 2024 a 10,3516 MAD/EUR en Janvier 2025.
La force du dollar en 2024 s’explique par la politique monétaire restrictive de la FED, reflétée par l’évolution de la courbe des taux (courbe des taux), ainsi qu’une augmentation des flux d’investissements étrangers vers les États-Unis. A l’inverse, l’euro a souffert des défis économiques de la zone euro. Ainsi, la récente baisse des taux par la BCE, la promesse d’une prochaine baisse des taux imminente et la faiblesse de la croissance en Allemagne et en France ont fragilisé sa position.
Impact sur le commerce extérieur du Maroc
Le Maroc, profondément intégré dans l’économie mondiale, ressentirait les effets contradictoires de la dévaluation de l’euro et de l’appréciation du dollar. En termes d’importations, la majorité des produits importés par le Royaume sont destinés à la consommation finale. Ainsi, la hausse du dollar augmente le coût des produits libellés dans cette monnaie, notamment les matières premières énergétiques et autres intrants essentiels, augmentant ainsi la facture des importations marocaines en provenance de la zone dollar.
Dans le même temps, les exportations marocaines, principalement dirigées vers la zone euro, se trouvent dans une position paradoxale. D’une part, la faiblesse de l’euro pourrait rendre les produits marocains plus chers et donc moins compétitifs pour les acheteurs européens. Cependant, la force du dollar, en augmentant le coût des importations pour les pays de la zone euro, pourrait offrir un avantage compétitif aux exportateurs marocains. Cela pourrait inciter les entreprises européennes à se tourner vers des partenaires commerciaux régionaux comme le Maroc, où les échanges sont souvent libellés en euros, favorisant ainsi les exportations marocaines dans certains secteurs comme le textile.
Un impact différencié
Entré par Médias24, et spécialiste de la politique de change nous explique que la dépréciation du dirham par rapport au dollar pourrait alourdir considérablement la facture des importations. « Cette dépréciation rend nos importations plus chères, étant donné que presque 50% de nos importations sont libellées en dollars, notamment les produits agricoles et énergétiques. Quant à l’euro, même si la moitié de nos importations sont également libellées dans cette monnaie, l’appréciation du dirham par rapport à l’euro reste relativement faible et ne joue donc pas de rôle compensatoire significatif”, souligne-t-il.
Côté exportations, notre interlocuteur estime que l’appréciation du dirham par rapport à l’euro constitue un handicap, dans la mesure où la majorité des exportations marocaines sont destinées à une zone dont la monnaie est l’euro. Il nuance toutefois en expliquant que la forte appréciation du dollar par rapport à l’euro pourrait jouer en faveur des exportateurs marocains. « De manière générale, l’appréciation du dirham par rapport à l’euro ne doit pas pénaliser nos exportations, qui pourraient au contraire être perçues comme une alternative compétitive par l’Union européenne, notamment dans un contexte où le dollar est très fort. Par ailleurs, les exportations marocaines libellées en dollars pourraient gagner en compétitivité, ce qui donnerait un nouvel élan à nos exportations vers les zones où les échanges sont libellés en dollars», explique-t-il.
Attention aux prix du diesel
Contacté par nos soins, un dirigeant d’une entreprise importatrice spécialisée dans la distribution dans les secteurs de la santé et de l’alimentation partage un point de vue nuancé sur l’impact des fluctuations monétaires, tout en exprimant ses inquiétudes sur un autre facteur clé : le prix du diesel. Pour ce chef d’entreprise, toute augmentation significative du coût du carburant constituerait une menace pour la stabilité des prix.
-« Notre groupe importe de la zone dollar, et jusqu’à présent, nous n’avons pas été directement impactés par la force du dollar sur nos opérations. Mais ce qui nous préoccupe vraiment, c’est l’évolution des prix du diesel. Une augmentation significative de ce dernier serait pour nous une catastrophe. Cela impacterait directement les coûts logistiques », souligne notre source.
Dans le même sens, il souligne le rôle crucial des coûts logistiques dans la structure globale des dépenses de l’entreprise. « Nous devons comprendre que le transport est au cœur de notre chaîne d’approvisionnement. Lorsque le prix du diesel augmente, ce n’est pas seulement la livraison des produits importés qui devient plus chère. Cela affecte également la distribution locale, ce qui crée une pression sur l’ensemble de nos coûts », conclut-elle.
Un secteur textile résilient à l’échelle mondiale
Selon Amahzoune à tousPrésident de l’Association marocaine des industries textiles et de l’habillement (AMITH), l’impact des fluctuations de l’euro et du dollar sur cette industrie reste relativement limité. « La majorité des industriels marocains opérant dans ce domaine travaillent en sous-traitance, ce qui leur permet de bénéficier d’une conjoncture favorable lorsque le dirham se déprécie par rapport à ces deux monnaies. En effet, une baisse relative du dirham améliore la compétitivité des produits marocains sur les marchés extérieurs, leur conférant un avantage concurrentiel important. Cette situation est particulièrement bénéfique pour les exportateurs, car elle renforce leur position face à leurs concurrents internationaux », explique M. Amahzoune.
« Toutefois, cette dynamique n’est pas universelle dans le secteur. Une minorité d’acteurs spécialisés dans la production de produits finis, souvent dépendants des importations pour leurs intrants, ressentent davantage les effets de l’appréciation du dollar. « Les coûts d’importation peuvent peser sur leurs marges et affecter leur rentabilité. Malgré cela, le secteur textile dans son ensemble semble résilient face aux fluctuations actuelles », ajoute-t-il.
Dans le même sens, selon un importateur du secteur textile, l’effet d’un dollar fort varie selon la nature des activités des industriels marocains. « Pour les exportateurs, la situation pourrait s’avérer favorable. En effet, un dollar fort rend les importations de produits asiatiques via l’Europe – principal marché d’exportation du Maroc – plus coûteuses. Cela signifie que les produits marocains, souvent facturés en euros, deviennent plus compétitifs pour les acheteurs européens. Autrement dit, un dollar fort agit, indirectement, comme un levier de compétitivité pour les exportateurs marocains de la zone euro. l’impact est plus nuancé », explique-t-il.
Ainsi, l’expert note que le coût de ces intrants est « neutre », dans le sens où les prix sont alignés au niveau international, et que tous les concurrents du Maroc sont confrontés aux mêmes fluctuations. Cette neutralité dépend cependant du degré de dépendance des industriels marocains aux intrants libellés en dollars, car un dollar fort peut encore peser sur les coûts pour les entreprises locales.
« Le véritable avantage compétitif du Maroc réside dans la valeur ajoutée. Contrairement à d’autres pays qui facturent leurs produits en dollars, les fabricants textiles marocains facturent généralement en euros, ce qui atténue l’impact des fluctuations monétaires pour leurs clients européens. « Lorsque le dollar s’apprécie, les exportateurs marocains de textile bénéficient d’un positionnement plus avantageux sur les marchés européens, où leurs produits restent compétitifs par rapport à ceux des autres fournisseurs internationaux », conclut-il.
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