Quelque 300 soldats nord-coréens ont été tués et plus de 2.000 blessés sur les milliers d’hommes déployés par Pyongyang en Russie, c’est le chiffre avancé en début de semaine par un député sud-coréen. Ni Moscou ni Pyongyang ne reconnaissent la présence de troupes nord-coréennes dans la région de Koursk. En revanche, l’Ukraine, les États-Unis et la Corée du Sud accusent le régime de Kim Jong Un d’avoir envoyé plus de 10 000 soldats pour aider les forces russes dans leur invasion.
Et il y a quelques jours, Kyiv a diffusé des images de deux prisonniers, le 11 janvier, l’un preuve irréfutable de cette présence nord-coréenne. Le NIS, renseignement sud-coréen, entendu par le Parlement à Séoul, a reconnu avoir participé à leur interrogatoire, nous apprend notre confrère. Stéphane Lagardeen passant par la Corée : «Les médias ici ont en fait repris ce qui est ressorti du briefing à huis clos des parlementaires sud-coréens, c’est pourquoi les services de renseignement sud-coréens ont donné une conférence à l’Assemblée nationale au sujet de ces soldats nord-coréens arrêtés dans la région à Koursk. Des éléments ont fuité. Les renseignements sud-coréens auraient d’abord pointé du doigt la préparation sur le terrain, ce qui expliquerait ces pertes importantes de soldats nord-coréens peu habitués aux grandes plaines notamment. : ils se trouvaient dans des zones visiblement ouvertes.
« Et puis un manque de préparation également à la guerre moderne avec des drones. Nous avons vu beaucoup de ces vidéos de duels presque au corps à corps entre soldats nord-coréens et drones. Ils n’étaient donc pas préparés à cela. Et on a aussi vu ce dessin de soldats nord-coréens passant par là, montrant qu’ils ont pu être utilisés comme appât, puisqu’on a trouvé sur la dépouille d’un soldat nord-coréen un dessin montrant des soldats au sol, combattant ces drones. On a aussi vu, évidemment, les images dans la presse sud-coréenne des deux soldats capturés. L’un avec un visage bandé, l’autre avec un bandage sur le menton. Ce sont des soldats dévoués à la puissance nord-coréenne. Des mémos ont été trouvés sur les restes des soldats disant qu’ils avaient reçu l’ordre de se suicider plutôt que de se laisser capturer. Puis le média fact.kr pointe également ces images, d’un Nord-Coréen qui sort une grenade et crie : « Vive le général Kim Jong-un ! » Voici donc les ordres pour ne pas se faire prendre. »
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L’implication de la Corée du Nord constitue une escalade majeure et inquiète profondément Séoul, note encore Stéphane Lagarde : «Il y a d’abord la crainte d’une délocalisation du conflit européen vers l’Asie du Nord-Est. Et surtout l’échange qui a dû avoir lieu. Pyongyang est sorti de l’isolement post-Covid-19 grâce à cet accord avec le Russieavec cet envoi de soldats nord-coréens en Ukraine, évidemment, il y a un accord derrière cela. Et donc ici, nous sommes préoccupés par ce qui a été donné par la Russie en termes de technologie, en termes de renforcement de l’arsenal nord-coréen. Et puis on s’inquiète aussi au niveau domestique.
« Le Corée du Sud est en pleine crise politique suite à la loi martiale décrétée par le président Yoon Suk-yeolqui est aujourd’hui en procédure de destitution. Ce président avait déclaré la loi martiale, soi-disant en raison des menaces nord-coréennes. Les démocrates appellent donc au retour chez eux des agents des renseignements sud-coréens qui ont participé aux interrogatoires des soldats nord-coréens aux côtés des forces ukrainiennes. Ceci ainsi que les conseillers militaires sud-coréens pour éviter d’alimenter tout conflit. »
-Des contreparties dans la balance ?
Qu’aurait pu promettre Moscou pour inciter Pyongyang à s’engager dans une aventure militaire sur le sol européen ? Beaucoup de capacités et une bonne dose de diplomatie, estime le chercheur en relations internationales Cyrille Bret : « Des homologues diplomatiques, avec le soutien au veto russe au Conseil de sécurité des Nations Unies et sur d’éventuelles négociations nucléaires avec l’administration Trump 2. Des homologues capacitaires évidemment, avec le transfert d’équipements de défense anti-aérienne russes. Une mise en commun des retours d’expériences de durcissement sur le théâtre européen, et puis probablement aussi des échanges d’informations grâce à la couverture satellitaire que la Russie opère sur la plupart des domaines liés à son territoire national. »
Et ” accord », souligne Cyrille Bret, qui signe la renaissance d’une très vieille alliance née pendant la guerre de Corée : « L’alliance Russie-Corée du Nord, conçue comme un moyen d’équilibrer l’expansion de la puissance chinoise en Eurasie. Ceka affirme que les Nord-Coréens craignent d’être trop dépendants de la République populaire de Chine. Cela témoigne alors de la crainte des stratèges russes d’être vassalisés ou relégués au rang de brillants seconds de la République populaire de Chine. »
Pyongyang, lié à Moscou par un pacte de défense mutuelle ratifié en novembre, apparaît donc comme un troisième acteur du conflit ukrainien, capable de déstabiliser les équilibres jusqu’en Asie..
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