Selon la presse locale, plusieurs hommes sont morts après avoir acheté de l’alcool contrefait dans un restaurant turkmène de la ville, 30 livres turques (0,80 euros) les 50 cl.
En comparaison, le raki, alcool anisé traditionnel, ne coûte pas moins de 1.300 livres (35 euros) le litre en supermarché, dans un pays où le salaire minimum est de 600 euros. Ce prix et ceux des autres boissons alcoolisées, plus élevés en moyenne en Turquie – pays à majorité musulmane – que dans l’Union européenne, alimentent une production clandestine.
«Nous perdons au moins 500 personnes chaque année à cause de la contrefaçon d’alcool. C’est un massacre, une tuerie de masse, et ce sont des morts causées par les impôts ! », a protesté mercredi au parlement turc Mustafa Adigüzel, député du CHP (social-démocrate).
“Il faut remédier au prix exorbitant de l’alcool”, a insisté l’élu du principal parti d’opposition au gouvernement islamo-conservateur du président Recep Tayyip Erdogan, un pieux musulman opposé à la consommation d’alcool.
« Près de 70 % d’une bouteille est constituée de taxes »
Çagin Tan Eroglu, co-coordinateur d’une association de veille sur les politiques publiques en matière d’alcool, liste les seuls décès rapportés par la presse, mais affirme que « leur nombre augmente » sous l’effet de l’augmentation des taxes sur l’alcool. l’alcool, qui ont lieu chaque semestre.
48 personnes sont mortes d’une intoxication alcoolique frelatée en 2024 à Istanbul, selon le gouvernorat local. Contacté par l’AFP, le ministère turc de la Santé n’a pas fourni de chiffre national.
“Les impôts permettent au gouvernement de collecter de l’argent facile tout en punissant politiquement un certain mode de vie”, accuse Çagin Tan Eroglu. « Mais des gens meurent à cause de ces politiques irresponsables et ouvertement idéologiques. »
Le montant de la taxe raki, instaurée après l’arrivée au pouvoir du Parti de la justice et du développement (AKP) du président Erdogan en 2002, a bondi de plus de 2 500 % depuis 2010 – une hausse spectaculaire que l’inflation très élevée ne suffit pas à expliquer -, provoquant la le prix des boissons augmentera plus vite que les salaires.
-« Près de 70 % d’une bouteille est constituée de taxes. Une telle pratique n’existe dans aucun autre pays”, a déclaré à l’AFP Özgür Aybas, président de l’association des revendeurs d’alcool, pour qui la situation est telle en Turquie qu'”aujourd’hui, même dans les restaurants, l’alcool frelaté le plus luxueux peut être servi. »
“La mauvaise politique du gouvernement est entièrement responsable de la mort des citoyens”, affirme-t-il, jugeant que les consommateurs d’alcool “sont traités comme des citoyens de seconde zone”.
Former une « génération en bonne santé »
Toutefois, la hausse des prix des boissons alcoolisées est indolore pour la majorité des Turcs.
Bien que l’alcool soit plus répandu en Turquie que dans la plupart des pays à majorité musulmane, seuls 12,1 % des Turcs déclarent en consommer, avec une différence marquée entre les hommes (18,4 %) et les femmes (5,9 %). , selon l’Institut turc des statistiques.
Le gouvernement n’a pas réagi publiquement à la vague actuelle d’intoxications alcooliques frelatées à Istanbul, malgré le battage médiatique et les avertissements de plusieurs chancelleries européennes à leurs citoyens voyageant en Turquie.
« Nous augmentons constamment le prix de l’alcool et des cigarettes […] mais ils n’arrêtent pas d’en consommer », a déclaré en 2022 le président Erdogan, qui a œuvré à promouvoir l’ayran, à base de yaourt, comme boisson nationale à la place du raki afin de former une « génération saine ».
Ce discours, et la dénonciation régulière des « ivrognes », « n’ont fait qu’exacerber les divisions socioculturelles et politiques qui assaillent la Turquie », note l’historienne Emine Evered, auteur d’un récent ouvrage sur l’alcool en Turquie. depuis l’Empire ottoman.
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