News Day FR

les révélations du pape sur la tentative d’assassinat contre lui en Irak

Dans « Espère », son autobiographie publiée par Albin Michel, le pape révèle avoir été victime d’une double tentative d’assassinat lors de son voyage apostolique en Irak, qui s’est soldé par la mort de ses agresseurs. Et raconte sa rencontre historique avec l’ayatollah Al-Sistani, chef de la puissante communauté chiite.

« La pandémie a bouleversé les projets du monde entier, y compris le mien : certains engagements ont été annulés, d’autres maintenus mais « à distance », les voyages apostoliques ont été reportés. Dès que l’occasion s’est présentée, j’ai néanmoins fait un voyage auquel je ne voulais pas renoncer : l’Irak, le pays des deux fleuves, la patrie d’Abraham. Rencontrez cette Église martyrisée et ce peuple qui a tant souffert. Et, avec d’autres chefs religieux, faites un pas de plus vers la fraternité entre les croyants.

Tout le monde m’a déconseillé ce voyage, ma première visite papale dans la charnière du Moyen-Orient dévasté par les violences extrémistes et les profanations des jihadistes. Le Covid-19 n’avait pas encore complètement libéré son emprise : le nonce du pays, Mgr Mitja Leskovar, venait d’être testé positif au virus. De plus, tous les indicateurs étaient au rouge en matière de sécurité, et des attentats sanglants avaient deuil la veille de mon départ.

Mais je voulais aller jusqu’au bout. C’était mon devoir. Je dis familièrement que je ressentais le besoin d’aller rendre visite à notre grand-père Abraham, l’ancêtre commun des juifs, des chrétiens et des musulmans.

La suite après cette annonce

Si la maison de notre grand-père brûle, si ses descendants dans son propre pays risquent leur vie ou l’ont déjà perdue, nous devons nous rendre au plus vite chez lui.

Et puis je ne pouvais pas décevoir une fois de plus ces gens qui, vingt ans plus tôt, n’avaient pas su embrasser Jean-Paul II. Après une première ouverture, le voyage avec lequel il aurait tant voulu inaugurer l’année jubilaire en 2000 a été empêché par Saddam Hussein.

Je me souvenais bien de ce rêve brisé.

Ainsi que la prophétie du saint pape, trois ans plus tard. Vieux et malade, il avait tout tenté, appels et initiatives diplomatiques, pour conjurer la nouvelle guerre qui, sur la base de mensonges sur des armes de destruction massive qui n’avaient jamais existé, multipliait les morts et les destructions, plongeait le pays dans le chaos et rendait c’est la base arrière du terrorisme.

Mossoul était une blessure au cœur

Le peuple irakien et l’Église ont attendu trop longtemps. Il fallait redoubler d’efforts pour au moins sortir cette région de la résignation au conflit, à la loi du plus fort et de l’ingérence, à l’impuissance de la diplomatie et du droit. D’autant plus à l’heure où la pandémie semblait avoir effacé cette crise, comme tant d’autres, de l’agenda mondial.

[…]

Mossoul était une blessure au cœur. Depuis l’hélicoptère, la ville m’a fait un choc. Une des villes les plus anciennes du monde, chargée d’histoire et de traditions, qui a vu passer de nombreuses civilisations et qui a été l’emblème de la cohabitation pacifique entre différentes cultures au sein d’un même pays – Arabes, Kurdes, Arméniens, Turcs, Chrétiens, Les Syriens – présentés sous mes yeux comme une étendue de décombres après trois ans d’occupation par l’État islamique qui en avait fait son fief.

Vue du ciel, la ville m’est apparue comme une radiographie de la haine, l’un des sentiments les plus efficaces de notre époque, qui engendre à elle seule les prétextes propices à son déchaînement : la politique, la justice et, de manière blasphématoire, la religion. Autant de motivations de façade, hypocrites, provisoires. Puis, comme dans les vers du poète polonais Wisława Szymborska, la haine « court d’elle-même ».

-

Même après une telle dévastation, les vents de haine ne se sont pas calmés.

J’avais été prévenu dès mon atterrissage à Bagdad la veille. La police locale avait prévenu la gendarmerie vaticane d’une information émanant des services secrets anglais : une jeune kamikaze chargée d’explosifs se dirigeait vers Mossoul pour se faire exploser lors de la visite papale. Une camionnette était partie à toute vitesse avec la même intention.

Le voyage a continué.

J’ai rencontré les autorités au palais présidentiel à Bagdad. Puis les évêques, prêtres, religieux et catéchistes de la cathédrale syro-catholique Sayidat al-Nejat (Notre-Dame du Salut) où, onze ans plus tôt, deux prêtres et quarante-six fidèles avaient été massacrés. Leur processus de béatification est en cours.

La rencontre avec les chefs religieux du pays a eu lieu dans la plaine d’Ur, l’étendue désertique où les ruines de la maison d’Abraham jouxtent la tour légendaire de la Ziggourat sumérienne : chrétiens de diverses Églises, musulmans chiites et sunnites, les Yézidis se sont finalement retrouvés sous la même tente, dans l’esprit d’Abraham, pour rappeler que le délit le plus blasphématoire consiste à profaner le nom de Dieu en haïssant ses frères. […]

Avant cela, je m’étais rendu dans la ville de Najaf, centre historique et spirituel de l’islam chiite, où se trouve le tombeau d’Ali, cousin du Prophète, pour une réunion à huis clos qui me tenait beaucoup à coeur, car elle a représenté une étape importante sur la voie du dialogue interreligieux et de la compréhension entre les peuples. Le Saint-Siège préparait depuis plusieurs décennies cette rencontre avec le Grand Ayatollah Ali al-Sistani, sans qu’aucun de mes prédécesseurs n’ait pu la concrétiser.

L’Ayatollah Al-Sistani m’a accueilli fraternellement dans sa maison, ce qui constitue en Orient un geste plus éloquent que toutes les déclarations et tous les documents, car il signifie amitié, appartenance à une même famille. Cela m’a fait du bien à l’âme, je me suis senti honoré : il n’avait jamais reçu de chef d’État, il ne s’était jamais levé. Pourtant, ce jour-là, il l’a fait à plusieurs reprises, et c’est avec le même sentiment de respect que j’ai ôté mes chaussures pour entrer chez lui. Il m’est immédiatement apparu comme un sage de foi, inquiet de la violence. Il s’est engagé en élevant la voix pour défendre les plus faibles et les persécutés, affirmant le caractère sacré de la vie humaine et l’importance de l’unité du peuple. J’ai compris son souci de la confusion entre religion et politique, une certaine aversion que je partage pour les « clercs de l’État ». Il a exhorté les grandes puissances à abandonner le langage de la guerre et à céder la place à la raison et à la sagesse. Je me souviens particulièrement d’une de ses phrases, que j’ai emportée comme un cadeau précieux : les êtres humains sont soit frères par la religion, soit égaux par la création. L’égalité est déjà inscrite dans la fraternité, mais quoi qu’il arrive, il est impossible d’aller plus loin. Ainsi, tout comme pour le véritable développement, le chemin vers la paix ne peut jamais être binaire, jamais opposé, mais toujours inclusif et profondément respectueux.

Le lendemain, j’ai demandé à la gendarmerie ce que nous savions des deux projets d’attaque. Le commandant répondit laconiquement : « Ils n’existent plus. » La police irakienne a intercepté et fait exploser les kamikazes. Cela a également eu un grand impact sur moi. C’était là aussi le fruit empoisonné de la guerre.

Le livre des événements du Pape.

© Albin Michel

Extraits de EspoirPape François (avec Carlo Musso) Translated from Italian by Françoise Bouillot and Samuel Sfez (Editions Albin Michel, 604 pages, 28 euros

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 
-

Related News :