En 1965, François Ponchaud, jeune prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP), arrive au Cambodge, un petit pays paisible qui comptait alors sept millions d’habitants. Il commence immédiatement à étudier la langue et la culture khmères, pour pouvoir célébrer et enseigner dans la langue des habitants. « A la fin de Vatican II, il refusait de dire la messe en latinexplique le Père Vincent Sénéchal, supérieur général de la MEP. Un caractère fort ».
Dénonciation des Khmers rouges
Mais à l’une des frontières du pays, la guerre du Vietnam fait rage. Après la chute du prince Norodom Sihanouk en mars 1970, la guerre civile éclate au Cambodge. A Phnom Penh, encerclé par les Khmers rouges, le père François Ponchaud continue d’enseigner et de traduire la Bible… Tout en prenant progressivement conscience de la brutalité du régime qui va s’installer.
Le 17 avril 1975, la capitale tombe. Deux millions de personnes sont chassées de la ville. Expulsé parmi les derniers Occidentaux en mai, François Ponchaud est resté à la frontière du pays, en Thaïlande, recueillant les témoignages des réfugiés khmers. En 1977, de retour en France, il publie Cambodge année zéro. Le livre aura un impact international, alors que la majorité des élites occidentales considèrent la prise de pouvoir par les Khmers rouges comme une bonne nouvelle pour le Cambodge. « Le journal Libération le soupçonnait à l’époque d’être un agent de la CIA ! »recalls Father Vincent Sénéchal.
L’intellectuel et l’humanitaire
Environ 60 000 Cambodgiens viennent se réfugier en France. François Ponchaud a créé avec le soutien de l’eurodéputé l’association Espace Cambodge, que Benoît Fidelin (1), ancien journaliste de Pèlerin (hebdomadaire publié par le groupe Bayard, comme La Croix), présidé pendant quinze ans. « Espace Cambodge a aidé une vingtaine de milliers de Cambodgiens à s’intégrer en France », précise-t-il.
De retour au Cambodge en 1993, le Père Ponchaud participe à la reconstruction d’un pays ravagé. Il fonde le 4C, le Centre culturel catholique cambodgien, et traduit en khmer les textes nécessaires à la liturgie et à la transmission de la foi, ainsi que la Bible avec une équipe comprenant des protestants… tout en lançant une œuvre humanitaire. « Il parlait latin, grec, hébreu… C’était un grand intellectuel, se souvient Benoît Fidelin. Mais il ne veut pas se cantonner au travail de bureau, « un métier bénédictin », comme il dit. Avec Espace Cambodge devenu Avenir Cambodge en 2011, nous avons construit des écoles, des collèges, un hôpital, des ponts, des routes, un réseau d’irrigation, dans les endroits les plus pauvres, les plus dangereux, les plus négligés du pays. » La guérilla khmère rouge n’a en effet cessé de ravager le pays jusqu’en 1998.
-François Ponchaud mène ce travail humanitaire avec rigueur et détermination. Cela implique uniquement des Cambodgiens sur place. Aujourd’hui, l’association française a passé le relais. Il ne reste plus qu’à achever la construction d’une maternité et la rénovation d’un hôpital en campagne.
Un homme de foi, de culture et de dialogue
Né en 1939 à Sallanches en Haute-Savoie, ce fils de douze enfants, issu d’un milieu agricole, a été élevé dans une famille croyante. Bon élève au petit séminaire, il entendait déjà à cette époque l’appel à la vie religieuse. Après avoir servi dans les parachutistes en Algérie pendant plus de deux ans, il rejoint les Missions étrangères de Paris (MEP). La vie au séminaire de Bièvres en région parisienne a été difficile pour lui, qui a trouvé les cours “médiocre” et la discipline aussi ” rigide “. “Il était rebelle, colérique parfois, ce n’était pas toujours très simple de travailler avec lui”témoigne le Père Vincent Sénéchal. A Rome, il complète sa formation par des études de théologie et de langues anciennes. En 1964, il est ordonné prêtre.
“C’était avant tout un homme de foi, qui avait une culture incroyable, says Benoît Fidelin. Piégé dans une folle tragédie historique, il a aidé de nombreux Cambodgiens, là-bas et en France, ainsi que dans la reconstruction de l’Église. Il a remis sur pied des communautés entières. » Il s’est engagé à dialoguer avec le bouddhisme, l’écrasante majorité au Cambodge. “C’était un homme libre et stimulant”poursuit le Père Sénéchal. Ses obsèques seront célébrées à la chapelle de la Maison des MEP à Lauris (Vaucluse), mardi 21 janvier à 14 heures.
(1) Auteur de Prêtre au Cambodge. François Ponchaud, l’homme qui a révélé le génocide au mondeAlbin Michel, 1999.
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