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Le CVM, ce gaz cancérigène présent dans certaines canalisations PVC

Le CVM n’est pas inconnu des autorités sanitaires internationales, puisque dès 1987, le Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC) et l’Organisation mondiale de la Santé le classent comme cancérogène. Les deux institutions confirment qu’une forte exposition au gaz favorise l’apparition de deux formes de cancer du foie : l’angiosarcome hépatique et le carcinome hépatocellulaire.

Face à la dangerosité du gaz, l’Union européenne s’est également saisi du sujet en 1998, imposant un taux réglementaire à ne pas dépasser de 0,5 microgramme de CVM par litre d’eau. Au-dessus, elle estime que l’eau n’est pas potable. La attendra cinq ans pour transposer cette directive dans le droit français et finira par mettre en place des contrôles du CVM dans l’eau en 2010. Depuis, des prélèvements sont aujourd’hui effectués par les fournisseurs d’eaux et sont supervisés par les Agences régionales de santé.

Les canalisations posées avant les années 1980 contaminées au CVM

Utilisée depuis les années 1930 comme composant principal du plastique PVC, la quantité de CVM a été réduite en 1980, suite aux décisions des autorités américaines qui imposèrent aux industriels de modifier la composition du PVC. “Aujourd’hui, les tuyaux plastiques posés après 1980 contiennent une quantité de CVM insignifiante, qui n’est pas dangereuse pour l’homme“, confirme Gaspard Lemaire, chercheur doctorant à la chaire Earth et auteur d’une étude sur le CVM.

Les zones rurales en France principalement concernées

Ces canalisations posées avant 1980 sont principalement situées en zone rurale, mais c’est surtout l’emplacement des maisons en bout des réseaux d’eaux qui favorisent la contamination au CVM. En effet, plus l’eau stagne dans les tuyaux, plus elle se charge en gaz. Les hameaux, fermes isolées ou villages ruraux, ont ainsi une eau d’avantage contaminée au CVM. “Cela ne fait pas la une de la presse nationale, puisque ce sont des endroits isolés, mais quand on observe attentivement, il y a eu des cas partout, par exemple dans le Loiret, en Sarthe, en Indre-et-Loire ou encore dans le Gers” répertorie Gaspard Lemaire.

Un sujet national : 140 000 à 300 000 km de réseau concerné

Un sujet en apparence micro local, qui concerne pourtant de nombreuses communes. Ces dernières années, plusieurs contaminations  sont apparues dans toute la France. Par exemple à Saint-Martin-le-Bouillant, dans la Manche, Saint-Georges-de-la-Couée en Sarthe, Saint-Pierre-des-Loges dans l’Orne, Châtenoy dans le Loiret ou encore Seyches dans le Gers. Sur le nombre de foyers contaminés, il est difficile d’avoir des chiffres précis, mais en 2010, une note de l’Institut de veille sanitaire estimait que 600 000 personnes en France pouvaient être concernées par des contaminations au CVM au-dessus de 0,5 microgramme par litre d’eau.

Un chiffre qui paraît plausible aux fondateurs de l’association de lutte contre le CVM, “Comité Citoyen”, Catherine Hergoualc’h et Hervé Conraux. Installés dans la Sarthe et contaminés pour la première fois au CVM en 2014, ils travaillent depuis dix ans sur le sujet. Pour eux, la pollution au chlorure de vinyle monomère est nationale. “Des centaines de milliers de kilomètres sont touchés, puisqu’en 2020, le ministère de la Santé estimait qu’environ 140 000 km de canalisations étaient contaminés. D’autres chiffres fournis par les délégataires de service public de l’eau font état de 300 000 km de réseau concernés par le CVM”, détaille Hervé Conraux.

Rien que pour le département de la Sarthe, l’association estime que 15 000 personnes sont polluées au CVM. “Un chiffre jamais contesté par l’ARS du département, même si de son côté, elle avance le nombre de 5 000 foyers contaminés. En regardant, le nombre de dépassements, commune par commune, nous estimons que l’ARS sous-estime les risques”, explique Hervé Conraux.

Si l’association avance ces chiffres avec assurance, c’est qu’elle détient un certain nombre de données récupérées auprès des ARS via des recours par la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs). “Nous n’avions pas le choix de passer par là, puisque les ARS ne nous donnaient aucune information, alors que ces données sont normalement publiques”, appuie Catherine Hergoualc’h, la présidente de l’association Comité Citoyen.

“En France, des personnes ignorent être contaminées au CVM”

L’association déplore le manque de transparence de la part des ARS, mais également des fournisseurs d’eau et du ministère de la Transition écologique. “Les résultats des prélèvements ne sont pas toujours communiqués aux habitants, même quand l’eau n’est pas potable. Aujourd’hui, en France, des personnes ignorent être contaminées au CVM “, alerte Catherine Hergoualc’h.

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Nous, ce que l’on souhaite, c’est obtenir des réponses. Chacun doit pouvoir recevoir les résultats des prélèvements, effectuées par les fournisseurs d’eau à son robinet. Pour les personnes qui s’interrogent sur la qualité de leur eau, il est  possible de demander une analyse à son foyer, en écrivant une lettre recommandée avec accusé de réception à la Préfecture“, ajoute Catherine Hergoualc’h.

Une première plainte en France déposée sur le CVM contre un syndicat d’eau

Un cas dans le Loiret révèle l’ampleur de l’absence d’information de la part des autorités. Depuis juillet 2023, une dizaine d’habitants, à l’est d’Orléans, dans les communes de Châtenoy, Sury-aux-Bois et Combreux, sont concernés par une contamination au CVM et ne boivent que de l’eau en bouteille.

Or, après quelques recherches, certains usagers ont découvert que les dépassements de limite de CVM étaient déjà connus par le syndicat d’eau du secteur depuis 2014.

“Nous avons vu, en consultant les données publiques, que le taux CVM était bien au-dessus de 0,5 microgramme par litre d’eau dès 2014, mais aucune lettre n’a été envoyée, et aucun travaux réalisés. Cela signifie que les habitants du secteur ont bu de l’eau contaminée pendant neuf ans”, s’indigne Michel Maufras, président du collectif “Eau Claire et Buvable”, qui réunit 80 habitants du secteur contaminés par le CVM, et le manganèse.

À cause de ce silence, Émilie et Nicolas Hue, habitants de Châtenoy, également contaminés au CVM, ont porté plainte contre leur syndicat. “Mon mari habite dans la maison depuis 2011, moi depuis 2018, et nous avons toujours bu l’eau du robinet. J’en ai aussi pris lorsque j’étais enceinte de ma fille, sans le savoir. Nous portons plainte, car la loi n’a pas été appliquée”, affirme Émilie Hue.

Maître Gabrièle Gien, avocate en droit de l’environnement, confirme que le syndicat n’a pas respecté le Code de la santé publique en omettant de prévenir les habitants. “Les syndicats d’eau doivent s’assurer de la qualité de l’eau des usagers, c’est une obligation, puisque ces mêmes usagers payent une redevance sur l’eau”. S’agissant du chlorure de vinyle monomère, pour l’instant en France, aucune action en justice n’a été menée, ce sera donc une première qui “pourrait faire cas de jurisprudence” explique Gabrièle Gien.

Contacté, le Syndicat Intercommunal d’Adduction d’Eau Potable (SIAEP) de Châtenoy, Combreux et Sury-aux-Bois, n’a pas répondu à nos sollicitations.

 
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