AA / Moscou / Elena Teslava
Alors que le président américain élu Donald Trump se prépare à prendre ses fonctions le 20 janvier, l’attention mondiale se tourne vers l’une de ses promesses électorales les plus audacieuses : mettre fin à la guerre en Ukraine.
Selon plusieurs rapports, l’approche de Trump pourrait impliquer une offre audacieuse et controversée à la Russie, bloquant les aspirations de l’Ukraine à rejoindre l’OTAN et permettant à la Russie de conserver le contrôle de certains territoires ukrainiens. En échange, Trump chercherait à retirer les forces russes des autres régions contestées.
Cette stratégie potentielle suscite d’intenses débats parmi les décideurs politiques et les analystes, soulevant des questions cruciales sur l’avenir de l’Ukraine, les ambitions géopolitiques de la Russie et l’équilibre global de la sécurité mondiale.
Dans une interview accordée à Anadolu, Sergueï Markov, directeur de l’Institut russe d’études politiques basé à Moscou et ancien conseiller du président Vladimir Poutine, a décrit ce qu’il considère comme des conditions non négociables pour la paix du point de vue de la Russie.
« Tout d’abord, il ne fait aucun doute que les troupes russes se retireront de ce que nous considérons comme des territoires russes », a déclaré Markov.
Il a ajouté : « Il est possible que les troupes russes se retirent de certaines parties des régions de Kharkiv, Soumy et Mykolaïv, qu’elles contrôlent partiellement, mais un retrait de Donetsk, Louhansk, Zaporizhia, Kherson et de Crimée est totalement exclu. »
Markov a également déclaré que l’Ukraine devra retirer ses forces des régions de Kherson et de Zaporizhia, des territoires que la Russie revendique mais ne contrôle pas totalement.
Il a toutefois reconnu que certains aspects pourraient faire l’objet de négociations.
«À mon avis, cet aspect pourrait être négociable, compte tenu du principe du président Poutine consistant à ‘tenir compte des réalités du terrain’. En d’autres termes, les positions des troupes influenceraient fortement tout accord », a-t-il expliqué.
– Neutralité et démilitarisation : les principales revendications de la Russie
L’un des piliers centraux des revendications russes est l’adoption formelle par l’Ukraine d’une neutralité permanente – une position qui a reçu peu de soutien en Occident.
« L’Occident a fait preuve d’une certaine ouverture en proposant un moratoire sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, mais cela ne répond pas aux attentes de la Russie », a déclaré Markov.
«La Russie insiste pour inscrire la neutralité dans la Constitution ukrainienne et la formaliser par des accords avec les principaux acteurs internationaux. Cette approche s’inspire du « modèle autrichien », selon lequel l’Autriche a proclamé sa neutralité après la Seconde Guerre mondiale. »
Une autre exigence clé concerne la démilitarisation de l’Ukraine.
Markov a clairement indiqué que cela impliquerait des limites strictes sur le nombre et le type de forces militaires et d’armes que l’Ukraine peut maintenir, ainsi que des restrictions sur la proximité de leur déploiement par rapport aux frontières russes.
« Par exemple, si les systèmes de lancement multiples ont une portée de 50 kilomètres, ils doivent être stationnés à au moins 60 kilomètres de la frontière. De même, les missiles d’une portée de 200 kilomètres ne doivent pas être positionnés à moins de 250 kilomètres de la frontière », a-t-il expliqué.
Pour garantir le respect de ces mesures, Markov a souligné l’importance de la surveillance internationale, y compris des inspections impliquant des responsables militaires russes.
“Ce principe de démilitarisation pourrait également s’étendre à un engagement des pays de l’OTAN à cesser de fournir des armes à l’Ukraine, tandis que les équipements déjà livrés pourraient même être retirés”, a-t-il ajouté.
Cependant, Markov a reconnu que cette exigence rencontrerait probablement une forte opposition :
« Même si l’Occident est quelque peu réceptif à l’idée de neutralité et à la reconnaissance de certains territoires comme faisant partie de la Russie, il est totalement opposé aux demandes de démilitarisation. L’idée selon laquelle l’OTAN cesserait toute fourniture d’armes à l’Ukraine est particulièrement controversée. »
– Exigences non militaires : « Dénazification » et droits linguistiques
Au-delà des préoccupations militaires, la Russie envisage de formuler d’importantes revendications non militaires.
Un pilier de ces revendications est ce que la Russie appelle la « dénazification », qui, selon Markov, implique le démantèlement de ce que la Russie perçoit comme une glorification par l’Ukraine des personnages historiques qui ont collaboré avec l’Allemagne nazie.
«Par exemple, Stepan Bandera, figure dominante de l’identité ukrainienne moderne et considéré par la Russie comme le principal fasciste de l’histoire ukrainienne, ne devrait plus être célébré. Cela nécessitera de réécrire les manuels scolaires, de démanteler tous les monuments en son honneur, de renommer les rues portant son nom et de rendre hommage à d’autres personnages historiques alternatifs », a-t-il déclaré.
Markov a également affirmé que la Russie considère le gouvernement ukrainien actuel comme un « régime terroriste », prétendument installé par les États-Unis et maintenu par la répression et le sentiment anti-russe. La dénazification, dit-il, nécessiterait le démantèlement de ce système.
Il a souligné la nécessité de dissoudre et d’interdire les unités militaires « affichant ouvertement des symboles nazis et adhérant à des idéologies extrémistes ».
« Tous les groupes néo-nazis doivent être désarmés, dissous et interdits », a-t-il ajouté, citant Andrei Beletsky, fondateur du bataillon Azov, parmi les personnalités qui devraient être poursuivies pour crimes de guerre présumés.
Une autre revendication importante concerne le rétablissement des droits de la langue russe en Ukraine.
« Le russe devrait être reconnu comme deuxième langue officielle, avec des dispositions concernant l’enseignement et les médias en langue russe », a déclaré Markov.
L’ancien conseiller du président Vladimir Poutine a également critiqué le traitement réservé par le gouvernement à l’Église orthodoxe ukrainienne, affirmant qu’il l’avait interdite, confisqué ses biens et emprisonné des membres du clergé.
Il a accusé l’Ukraine de promouvoir l’Église orthodoxe ukrainienne, qu’il a qualifiée de « pseudo-église créée par les agences de renseignement, comparable à une sorte de ‘Daesh orthodoxe’. »
Enfin, Markov prévoit que Moscou exigera une « démocratisation douce » de l’Ukraine, y compris la levée des interdictions frappant les partis politiques et les médias.
“La Russie souhaite que les groupes politiques favorables à des relations amicales avec Moscou puissent agir librement, et cette question sera probablement à l’ordre du jour des négociations”, a-t-il poursuivi.
– Exigences internationales : levée des sanctions et retrait de l’OTAN
Markov a souligné que les exigences de la Russie vont au-delà de l’Ukraine et concernent également les acteurs internationaux, la levée des sanctions étant une condition essentielle.
« Même s’il est peu probable que ces demandes soient pleinement satisfaites, certains éléments, tels que l’interdiction des communications aériennes et d’autres mesures restrictives, doivent être annulés », a-t-il déclaré.
La Russie pourrait également reformuler les exigences exprimées par Poutine en 2021, connues sous le nom d’« ultimatum à l’OTAN », qui incluent le retrait de la présence militaire de l’OTAN aux niveaux d’avant 1991 et l’arrêt du déploiement de missiles à moyenne portée près des frontières russes.
Moscou pourrait également insister sur le retrait des contingents militaires de l’Otan déployés près de ses frontières après 2014, ou plus précisément de ceux déployés après 2022, a-t-il ajouté.
« Cela inclut également l’interdiction du déploiement de missiles à moyenne portée capables de cibler le territoire russe », a expliqué Markov.
– Le rôle de Trump et les obstacles juridiques
Malgré les promesses de Trump de mettre fin rapidement au conflit, beaucoup doutent de sa capacité à tenir ses promesses.
L’analyste et chroniqueur russe Andrei Sitov a exprimé son scepticisme quant à la capacité de Trump à tenir ses promesses de campagne : « Je doute que Trump ait suffisamment d’inspiration et de ressources pour mettre en œuvre tout ce qu’il a promis pendant la campagne électorale, y compris la promesse de mettre fin au conflit en Ukraine « en un jour ». .’ »
Sitov a noté que Trump considère probablement le conflit prolongé comme un échec de l’administration précédente et non comme un défi à ses capacités personnelles.
Concernant les complexités juridiques de tout futur traité de paix, Markov a fait valoir que l’accord doit être signé par les « autorités légitimes » ukrainiennes, mais la Russie ne reconnaît pas le président Volodymyr Zelensky en tant que tel.
«Ce n’est pas parce que Poutine n’aime pas Zelensky personnellement. Il s’agit d’une question juridique : si Zelensky n’est pas le leader légitime, tout accord qu’il signerait pourrait être annulé par la Cour constitutionnelle ukrainienne », a expliqué Markov.
Zelensky a été élu pour un mandat de cinq ans en mars 2019, qui a pris fin l’année dernière, mais l’Ukraine n’a pas encore organisé de nouvelles élections en raison de la guerre en cours.
Plus tôt ce mois-ci, Zelensky a réitéré dans une interview télévisée que l’Ukraine n’organiserait pas d’élections sous la loi martiale – imposée depuis février 2022 – même si Moscou en faisait une condition des négociations.
Dans ce scénario, Markov a suggéré que le traité soit soit signé par le président du parlement ukrainien, soit validé par une décision de la Cour constitutionnelle affirmant la légitimité de Zelensky.
«La Russie n’exige pas la démission de Zelensky. Il ne s’agit pas de préférences personnelles, mais d’assurer la viabilité juridique de l’accord », a-t-il déclaré.
Moscou cherchera également à obtenir la reconnaissance juridique internationale de ses « territoires nouvellement intégrés », a ajouté Markov.
Reconnaissant qu’une pleine reconnaissance occidentale est peu probable, il a déclaré que Moscou souhaitait un accord pratique qui pourrait affirmer le statut de facto de ces régions.
“Cela inclurait des dispositions garantissant que les pays occidentaux s’abstiennent d’imposer des sanctions politiques ou administratives aux citoyens de la Fédération de Russie résidant dans ces régions, notamment en Crimée et à Sébastopol”, a expliqué Markov.
*Traduit de l’anglais par Adama Bamba
Seule une partie des dépêches, que l’Agence Anadolu diffuse à ses abonnés via le Système interne de diffusion (HAS), est diffusée sur le site Internet d’AA, sous forme de résumé. Merci de nous contacter pour vous abonner.
Related News :